Le rêve de Dieu est triste.
Sous les cieux rien ne subsiste,
Ni l’amour ni l’amitié.
Tout s’efface dans l’écume
Et la Sibylle de Cumes
Verse des pleurs de pitié.

Nous aimons dans la tempête.
L’autan siffle sur nos têtes
Comme un noeud de serpents noirs.
Dans la coupe de l’abîme
Nous allons savourer l’ultime
Plus haut que les désespoirs.

O lumière sidérale !
Dans la nuit des cathédrales
Tremble une faible lueur ;
Au fond des laboratoires
L’ombre est totalement noire,
Il faut tendre vers l’ailleurs.

L’ailleurs, c’est l’âme suprême
Où les astres disent j’aime,
Où les dieux disent je vois !
C’est l’immesurable extase
Que l’Être Ineffable embrase
De son éternelle voix !

La bête aux yeux d’argent
S’approche du ruisseau
Dont le reflet changeant
Prend l’azur au lasso.

La lointaine princesse
Sous ses cheveux d’aurore
Écoute avec ivresse
Le chant du sycomore.

Dans l’infini s’en vont
La princesse et la bête.
Abîme, ô dieu profond,
Embrase notre tête !

21 janvier 1982

François Brousse
L’Aigle blanc d’AltaïrClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1987, p. 40-41