Poésie

L’essentiel pour le poète est d’avoir l’appétit de la gran­deur ou le trouble du mystère. Le mariage de ces deux forces compose l’escarboucle de Merlin qui brille habituellement au front du génie. Rejetons les petitesses du monde cubique. Nourrissons‑nous de sublimes pensées et de célestes enthousiasmes. L’inspiration viendra, immense, multicolore, irrésistible, comme la mer, à l’heure de la marée, brise ses portes.

François Brousse, Le Manifeste de la Quatrième Dimension, Vitrolles, Éd. La Neuvième Licorne, 2008, p.

Qu’est‑ce que la poésie a de supérieur à la métaphysique ?
F.B. : Le véritable poète est à la fois prophète et métaphysicien. Il ne peut pas être autre chose. Alors étant philosophe, étant métaphysicien, étant artiste, il n’y a, par conséquent, rien qui s’oppose à ce que la poésie soit la première de toutes les forces, attendu qu’elle contient déjà la métaphysique. Un poète qui n’a pas de métaphysique ne peut pas exister, ce n’est pas un poète. Il sera ce que l’on voudra, mais pas un être transcendant pénétré de poésie.

Où est la métaphysique dans la poésie ?
F.B. : Mais partout. Lorsque, par exemple, vous êtes en train de regarder un poème et que ce poème vous donne une notion d’infini, vous touchez immédiatement à la métaphysique ; attendu que le propre de la métaphysique, c’est l’infini. S’il vous donne une impression de renaissance vous touchez encore à la métaphysique. La métaphysique contient l’infini, contient la renaissance, contient l’éternité, contient l’absolu.

Et c’est très exactement ce que contient la poésie. Seulement, au lieu de s’adresser uniquement à l’intelligence, elle s’adresse en même temps à l’intelligence, au cœur et à la transcendance. La poésie est parfaite et ceux qui arrivent à la connaître intensément sont les grands prêtres de l’éternité ; les autres ne sont que de petits enfants de chœur. C’est pourquoi la poésie et la métaphysique se confondent. Il n’y a jamais opposition entre les grandeurs. Quand vous pensez à Dieu, vous pensez à l’Être éternel, Il l’est ; vous pensez à l’Être infini, Il l’est ; vous pensez à l’Être parfait, Il l’est ; vous pensez à l’Être absolu, Il est tout ceci et en même temps, Il est Dieu. De la même manière, la poésie est toute la métaphysique et toute l’infinité.

François Brousse

Entretien, 23 novembre 1991,  BMP N°176-177, mai-juin 1999

Poésie language de l’âme

Selon Platon, il y a d’abord une folie qui permet au poète d’être en contact avec le Verbe universel, puis une autre folie qui met les amoureux en contact avec l’amour universel dont ils sont les émanations et enfin, la folie religieuse par laquelle les hommes quittent le plan humain et deviennent semblables aux dieux immortels. 

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Sélection poèmes

Plus loin

L’instant bouillonne de miracles
Le prodige brille à fleur d’eau
Les saints peuplent leurs tabernacles
Des prêtres à l’air vénérable
Récitent un tendre credo.

L’Europe lentement se forme
Pierre à pierre le pur souhait
Du sage et des penseurs énormes
Dans le gai murmure des ormes
File son mystique rouet.

Des magnificences prochaines
Montrent leur fastueux profil
Les aventures surhumaines
Comblent de pélicans les chênes

Des mains brisent les sombres chaînes
Adonaï revient d’exil.

Pourtant un doute noir me ronge
Les hommes pareils aux démons
Sauront‑ils que l’amour prolonge
Au‑delà des bornes du songe
Tes maximes, ô Salomon ?

L’alcyon des paradis chante
Les peuples ne l’entendent pas
Une lassitude méchante
Attaque la barque du Dante
Connaît‑on le fond du trépas ?

Il faut étreindre les mystères
De l’impénétrable cité
Pour faire renaître Cythère.

La clé d’astres n’est plus sur Terre
Elle emplit la sérénité
Dans les Nirvanas enchantés.

17 août 1992

François Brousse
Le Frisson de l’aurore, Clamart, Éd. la Licorne Ailée,  1993, p. 82-83

Le conquérant mort

Il meurt, dans l’aboiement des canons inouïs.
Cent peuples abrutis lamentent ce désastre
Il s’éteint dans les airs flamboyants, comme un astre
Qui rentre parmi l’antre ensanglanté des nuits.

Gloire, puissance, orgueil, tout s’est évanoui
Dans la pourpre enflammée les os des morts s’encastrent
Et les vers du tombeau mangent cet épigastre
Où s’engloutit un jour l’univers ébloui.

Maintenant plus de Nietszche et plus d’orgueil sauvage :
Le conquérant est seul dans la mer sans rivage ;
Il est seul face à face avec l’effrayant Dieu !

Où sont ses grands soldats et ses hautains ministres ?
Le vainqueur des nations sent, dans l’horreur des cieux,
Son âme se dissoudre au gré d’un feu sinistre…

 1er mai 1942

François Brousse
À l’Ombre de l’Antéchrist, dans Œuvres poétiques, t. I, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  p. 161

Coquillage

 

J’ai trouvé près des eaux amères

Un coquillage aux fleurs dorées

Le profond des entités mères

Sera‑t‑il un jour exploré ?

 

J’ai cueilli dans cette forêt

La violette des chimères,

Mes chants font palpiter Homère

Car je connais le Grand Secret.

 

J’ai sondé les nuits et les flammes,

Je sais la naissance des âmes ;

Pourquoi la souffrance nous mord.

 

J’ai feuilleté l’ultime bible

J’ai soulevé ton voile ô mort

Mais Dieu reste l’inaccessible.

29 novembre 1989

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. la Licorne Ailée,  1991, p. 176

Cavalier

Le cavalier de la misère
Chemine dans les champs meurtris
Son cœur plein de sanglots se serre
Devant tant de souhaits flétris.

Ils sont toujours inaccessibles
Les espoirs de l’humanité.
Tous les amants de l’impossible
S’en retournent épouvantés.

L’ouverture de la recherche
Est une gueule de géant
Mais l’oiseau de l’infini perche
Dans les ramures du néant.

Le néant pourtant ne peut être
Seul le parfait s’impose à nous
Avec l’irrécusable ancêtre
Faut‑il prier à deux genoux ?

L’ombre d’une main bénissante
Se propage sur notre front
Demain dans la gloire naissante
Tous les bonheurs resplendiront.

16 octobre 1992

François Brousse
L’Homme aux semelles de tempêteLe Frisson de l’auroreClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 189

Colombes et vautours

Je ne me souviens plus du sonnet de Hugo,
Tant pis je vais en construire d’une autre manière.
Je récite des vers près des femmes altières
Qui me couvent parfois d’un bel œil indigo.

Ainsi qu’un coq lascif essayant son ergot,
Je les caresse de maximes primesautières,
Et plus d’une souvent jette de ses paupières
Un regard prometteur qui flatte mon ego.

Mais quelquefois, hélas, on parle politique.
Et ces colombes-là deviennent frénétiques
À la peine de mort, elles battent des mains.

Elles adorent les dictateurs inhumains.
Alors, blême d’horreur, quittant leurs noirs chemins
Je fuis, Ô Salomon, vers tes chastes cantiques.

François Brousse
La Rosée des constellationsClamart, Éd. la Licorne Ailée, 1991, p. 137

Petite science

La science actuelle donne
Un triste tableau du cosmos
Je pense qu’il y a maldonne,
Je suis un chien qui ronge un os.

De dix millions de galaxies
Elle compose l’univers.
Ce petit nombre m’asphyxie,
Le ciel réel va de travers

Vénus, planète féerique
Sous son voile aux vives couleurs,
Pleut de l’acide sulfurique,
Quatre cents degré de chaleur.

Quoi ! mille milliards de cellules
Fabriquent l’organisme humain.
Mon coeur joyeusement circule
Dans ces prodigieux chemins.

Et l’on voudrait nous faire croire
Que cet énorme tourbillon
N’offre qu’un compte dérisoire,
Dix milliards de constellations

Brisons ces voûtes étouffantes
Montons jusqu’à l’infini pur
La vie aux forces triomphantes
Chante dans l’innombrable azur

Rien ne te borne, ô Dieu des mondes
Qui crée l’astre et le séraphin
Dans tes immensités profondes
L’esprit humain plonge sans fin !

11 octobre 1989

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1991, p. 134-135

Évasion

La respiration des forêts fabuleuses
Emplit les lointains de mon cœur,
Mes sandales d’argent foulant les nébuleuses,
Mon ombre créatrice incendie les hauteurs.

Pourtant je porte en moi, dans mon cerveau qui gronde,
Le lézard au souffle de feu…
Ô soleil, ô cosmos, ô barrière des mondes,
N’arrêtez pas mon âme amoureuse de Dieu !

26 décembre 1951

François Brousse
Les Pèlerins de la nuit, dans Œuvres poétiques, t. I, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1986, p. 245

L’épouse

L’infatigable vol du vaste alexandrin

Dans la sérénité de l’azur nous étreint.

Nous retrouvons la caresse des origines

Parmi le tourbillon brûlant de l’Androgyne

Les Védas, le Livre des Esprits, les Korans

Nous forgent les essors du baiser transparent

 

Et l’inspiration fatale nous transporte

Jusqu’au fond de la Nuit dont nous brisons les portes

Venez à mon secours archanges et lamas !

Dans les sillons du feu l’aurore nous sema…

Buvons le vin formidable de l’inaudible

Les prophètes sacres accoudés sur les bibles

 

Contemplent en songeant les fières étendues

Où nos sérénités s’enfoncent éperdues.

Les dragons retirés dans l’obscur des cavernes

Contemplent en hurlant l’éther qui nous gouverne

Mais leurs cris affolés ne peuvent retenir

L’élan tumultueux qui perce l’avenir.

 

Un matin les humains déchireront les guerres

Et nous retrouverons la beauté de naguère

Quand dans le cœur de Dieu nous boirons l’hydromel

Nous saurons que la Terre est l’épouse du ciel.

17 novembre 1994

François Brousse
L’Idéale MétamorphoseClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 198

Souvenirs

Je prends dans mes bras Diane aux prunelles vertes et aux ailes d’extase.

Ô fille du Soleil, te souviens-tu de nos amours avant de naître ?

Te souviens-tu de nos étreintes angéliques, dans la lumière antérieure ?

Nous ne formions qu’un dieu dans le parfum des fleurs astrales.

Tes yeux étaient les miens, ton cœur battait au fond de mon cœur.

Puis l’androgyne se fendait en deux tendresses face à face…

Comme nous contemplions, ivres de rêve, notre double unité !

Je caressais tes formes de femme-feu, corolles, colombes, brûlante neige, mer aux rythmes hallucinés.

 

Tu posais, sur mes cheveux altiers, ta main, comme l’aurore sur les cimes.

 

Te souviens-tu des séraphins admirateurs, ces abeilles autour de nos royales fleurs ?

Dans l’harmonie de leurs psaltérions, glissait la douce molécule de tristesse.

Hé quoi ! Laisser nos célestes amis pour un séjour sur la planète Terre ?

 

François Brousse
L’Angélus des rêves, Éd. Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1978, p. 50

Ressemblances

Les mondes parallèles
Forment le choeur de Dieu,
Les rayons et les ailes
Se tiennent au milieu.

Croyants et infidèles
Aiment le glorieux,
Ils portent pêle‑mêle
La démence des lieux.

Le passant à la hache
Tout à coup s’amourache
De la fille aux yeux pers…

Le pôle se déplace
Et le jasmin s’enlace
À l’improbable éther. (1)

(1) – Var. : À l’impossible éther

17 septembre 1992

François Brousse
Le Frisson de l’aurore, Clamart, Éd. la Licorne Ailée, 1993, p. 146

À LA NUIT

Ô Nuit, prodigieuse aïeule des vivants !
Mère des cieux sacrés. Toi qui naquis avant
Le sérail fugitif et blême des aurores,
Sur leur cadavre éteint tu rêveras encore
De grands blocs d’absolu forment tes noirs autels,
Ton regard terrifie les calmes Immortels,
Ton trône est emporté par le dos des Archanges,
Sous tes pieds l’Univers s’évapore en louanges…

Nul sage n’a connu quel terrible secret
Cachent les profondeurs de ton songe sacré,
Le mystère de l’Ombre insondable te voile
Mais ton front ténébreux se couronne d’étoiles.
Les nuages du soir aux brûlantes couleurs,
Que les soleils couchants ensanglantent de pleurs,
Composent, diaprés de laves palpitantes,
L’immense draperie de ta robe éclatante.
Sur tes pas solennels elle flotte amplement
Et se déploie le long des rouges firmaments.

Oh ! Monter jusqu’à Toi. Laisser l’horreur du monde !
S’arracher d’un coup d’aile à notre boue immonde !
Dilater sa poitrine en ton immensité
Respirer ta douceur et ta sérénité !
Déesse dont le front porte la lune pâle,
Ouvre‑moi ton cœur d’astre et tes beaux seins d’opale,
Laisse‑moi m’engloutir dans ton âme infinie !
Comme le rossignol revenant à son nid,
Après avoir erré parmi les mers farouches,
Laisse‑moi m’endormir dans ta hautaine couche.
Que les urnes de perle éparses dans le bleu
Me versent ton baptême et leurs torrents de feu
Ô Triomphante Nuit, je deviens ta substance !
Je m’enivre d’espace et m’empreins de silence,
Les monts vertigineux qu’un titan a lié
De mon trône éternel sont les vastes piliers.
Les flots de l’Océan sous mes talons s’étendent.
Mon ombre immesurée emprisonne les landes
Où les fantômes noirs rôdent en gémissant.
Au lieu des fleuves chauds et subtils de mon sang
Des haleines d’éther azuréen me baignent.
Mes prunelles, noyées de ténèbres, dédaignent
Les agitations risibles des humains.
L’amante échevelée passe en tordant ses mains,
Les âpres conquérants que les chacals vénèrent
S’envolent sur leur char traîné par les tonnerres,
Les orphelins s’enfuient sous un ciel effaré,
Le poignard du brigand brille au fond des forêts.
Les héros flamboyants meurent dans les batailles,
Le laboureur remue la terre aux mille entailles,
Le marin s’aventure en l’infini des eaux…
Ô Douleur, tu les prends dans tes sanglants réseaux,
Mais ces émotions éphémères s’effacent
Ainsi que des fumées devant ma sombre face.
Rien ne peut ébranler mon calme impérial,
Je médite parmi le mystère idéal,
Je m’absorbe dans les Ténèbres primitives,
Je vous entends hurler, ô vagues convulsives
Sans que mon cœur de marbre ose encore palpiter.
Je bois à tes grands flots, Fontaine Éternité !
Et la Terre, entraînant ses souffrances sans nombre,
Comme un reflet lointain s’immerge dans mon ombre
Sans que le hurlement amoureux des lions
Puisse faire frémir mes constellations.

François Brousse
Les Pèlerins de la nuit, dans Œuvres poétiques, t. I, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1986, p. 263-264

Espoirs

Plus de police ! Plus d’armée !
Plus de mépris, de violence !
Nous regardons l’aube enflammée,
Cette paupière du silence…

Fils de la lumière infinie,
Amants de la liberté fière,
Nous refusons l’atroce pierre
Du néant et des tyrannies !

Nous voulons le pain de lumière
Sous les voûtes de l’harmonie.

Et par delà l’ombre profonde
Plus haut que Karl Marx et Mithra,
Nous construisons un nouveau monde
Où la justice habitera !

 juin 1969

François Brousse
Il existe un Azur, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2010, p. 237

Profondeurs


L’Art touchera de son haleine
Les âmes de fureur trop pleines,
Les néo nazis recevront
La hache du grand bûcheron.

Les tentacules effroyables
Craindront l’approche des diables,
Les fous ne peuvent écarter
Les rubis de la liberté.

Le guerrier comme le pontife
Sentiront l’invincible griffe,
Les mages et les nécromants
Ont pour appui le firmament.

Arrêtons nos mornes querelles,
Devant les faces éternelles
Ouvrons nos fantastiques yeux
Pour voir les profondeurs de Dieu.

 18 décembre 1993

François Brousse
Rencontre avec l’Être, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 102

Avenir

Ils voulaient respirer enfin, être des hommes
Et du grand arbre Éden, goûter toutes les pommes.
Ils voulaient écouter comme des esprits purs
Le rire du soleil retentir dans l’azur.

C’est pourquoi les vieillards ont dit : « Qu’on les massacre »
Et sous le tourbillon des aurores de nacre
Leur sang fier a coulé portant dans sa clarté
La semence de Dieu et de la Liberté !

12 septembre 1989

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 112

Tête d’or

Sur les hauteurs de la lumière
Le maître à tête d’or rêvait.
L’univers roulait sa poussière
Comme une stryge aux yeux mauvais.

Le vieux navire dérivait
Dans les tempêtes meurtrières.
Ô joie des aurores premières
Où l’homme et l’archange chantaient.

Une plume de sang rature
Par le massacre et la torture
Le livre des espoirs humains.

Mais la foi colosse me porte
L’éternel ouvrira la porte
Des édéniques lendemains

10 septembre 1990

François Brousse
La Rosée des constellationsClamart, Éd. la Licorne Ailée, 1991, p. 252

Prophète atlante

Le prophète des Atlantes parle dans la lumière.

Pourquoi son visage porte‑t‑il le sceau de la tristesse ?

Il regarde la montagne autour de l’amphithéâtre des sciences sacrées

Elle jette une ombre plus fatale que la mort.

 

Il sait que bientôt retentira sur l’enclume du temps le marteau de l’abîme.

Le prophète des Atlantes pleure sur l’agonie du monde.

Mais un rouge‑gorge à trois yeux de diamant

Passe, et de son aile aux innombrables nuances

Emporte le pleur prophétique vers la joie des fêtes éternelles

Où il devient le bijou émerveillé de Dieu.

François Brousse
Le Graal d’or aux mille soleils, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1989, p. 174

Le saphir

Rejetons Dieu et le diable
Seul le hasard des atomes
Forge un mal irrémédiable
Sous les formidables dômes.

Le néant et la naissance
Sont un délire bouffon ;
Une stupide inclémence
Emplit l’abîme sans fond.

Tout navire fait naufrage
Toute espérance s’éteint
Mais il nous reste la rage
De railler l’âpre Destin.

L’homme, toujours indomptable,
Lève son front ricaneur
Le taureau dans son étable
Brave la sombre douleur.

Mais le maître des étoiles
Sourit aux pâles humains
Ses tendresses idéales
Vous caresseront demain.

L’âme entrera dans la gloire
Des nirvânâs éternels
L’inconcevable victoire
Flamboie après le tunnel.

Le message des prophètes
Subsiste immortellement
La connaissance parfaite
Deviendra notre élément.

Le large océan des sèves
Baignera notre plaisir
Dieu dépassera les rêves
De nos transcendants désirs.

Un saphir inaltérable
Rachètera les maudits
La joie incommensurable
Sera notre paradis.

23 novembre 1992

François Brousse
Le Frisson de l’aurore, Clamart, Éd. la Licorne Ailée, 1993, p. 318-319

Dialogue

Le formidable éclair de Dieu
Se déverse dans mes prunelles
Et j’entends au paradis bleu
Battre d’immesurables ailes.

Au loin grondent les flots du doute.
Écarte-les avec dédain.
Que ta troisième oreille écoute
Les oiseaux flammes de l’Éden.

« Dieu n’existe point, dit l’onagre,
Puisque le mal est exalté ! »
Je réponds « Bel esprit,
Que fais‑tu de ta liberté ! »

Entre les forêts et les sables
Songe le libre arbitre humain.
Homme, tu te sens responsable
Totalement de ton chemin.

Le doute dit : « Dieu est injuste
Dès l’écart du matin natal,
L’un est génial, l’autre tout juste
Au niveau du souffle animal ».

Je réponds : « L’immortelle essence
Illumine l’être éclipsé ;
L’homme reçoit dès sa naissance
Tous les échos de son passé.

Je ressuscite avec la Troie
De mes errements d’autrefois
Ou de mes élans vers la grâce
Qui couronne les sages‑rois.

De vie en vie et d’âge en âge
La justice immuablement
Règle l’esprit et son voyage
Vers l’ineffable firmament.

Ne doute pas, humain ! Confesse
La consolante vérité.
Tu montes, tu montes sans cesse
Vers l’amour et l’éternité ! »

22 août 1983

François Brousse
L’Aigle blanc d’Altaïr, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1987, p. 75-76

Songe et nostalgie

Mon cœur ingénu
Rêve que les hommes
Étaient devenus
Doux comme les pommes

Du ciel d’harmonie.
Plus de folles guerres,
Plus de tyrannie,
Rien que toi lumière

Les peuples s’aimaient
Fraternellement
Sous l’orbe enflammé
Du clair firmament.

Une seule aurore
Couvrait les manoirs ;
Plus de carnivores !
Plus de dogme noir !

Les bêtes vivaient
En paix avec nous.
L’histoire écrivait :
« Ni chasseur, ni fous ! »

J’ouvris mes prunelles
Sous le ciel présent ;
Ô gloire éternelle,
Viens‑tu maintenant ?

Un flot sur la grève,
Un oiseau qui fuit,
Ce merveilleux rêve
S’est évanoui.

3 janvier 1989

François Brousse
Revue BMP N°86, février 1991

La reine

La véritable reine
Sous le ciel rutilant
Reste toujours sereine
Malgré les goélands.

Les vêtements du Mage
Brillent de cent couleurs
Ils incarnent l’image
De l’incroyable Ailleurs.

Aux marges des doctrines
Plane le noir condor,
Leur haleine marine
Ouvre les corridors

Les mariages d’étoiles
Engendrent l’épopée
Des roses idéales
Dans le Verbe trempées

J’apporte le délire
Des brisements obscurs
Les cordes de ma lyre
Dépassent l’ample azur.

12 octobre 1994

François Brousse
L’Idéale Métamorphose, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 96

Rencontre

Cette rencontre est un poème

Tissé d’extase et de soleil,

Il enchante notre sommeil

Cette rencontre est un poème.

 

Comme un long verre de Bohême

Il vibre d’âme et de réveil

Quel délire serait pareil

À cette dérive suprême ?

Lorsque je murmure : « Je t’aime »

La Lune jette un feu vermeil.

Notre rencontre est un poème

Scandé par l’éternel soleil.

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. la Licorne Ailée, 1991, p. 167

Pluie

Que tombe la pluie printanière,
Elle féconde la cité.
Le ciel vif voile sa clarté,
Que tombe la pluie printanière.

Tu retrouveras la lumière
Au coeur noir de l’éternité.
Même le morne cimetière,
Se réveille à l’immensité.
Les cyprès lèvent leur prière
Avec plus de sérénité.
Les rues ont perdu leur poussière
Et cachent leur perversité.
Parmi les forêts millénaires
Les fantômes peuvent chanter
Sur la peau tendre des rivières
Poissons se mettent à sauter.
Que tombe la pluie printanière,
Elle endort la folle cité.

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1991, p. 216

Comme l’ombre de l’homme…

Comme l’ombre de l’homme est le fantôme noir
D’un vivant organisme aux merveilleux pouvoirs.
De même la conscience humaine n’est que l’ombre
D’un dieu prodigieux qu’emplit l’infini sombre.

François Brousse
De l’autre cygne à l’Un
Dans Œuvres poétiques, t. 2, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1988, p. 249

Cantilène

Je veux jouir d’une lumière incomparable
Et la verser, cette lumière, à l’univers
Les éons s’aiment dans l’érable
Floréal caresse l’hiver.

Pas d’enfer éternel ! Pas de maux incurables,
L’esprit saisit le corps et rayonne au travers.
Un sculpteur incommensurable
Remodèle tous les pervers.

Le père méditant des étoiles attire
Même le criminel et même le satyre.
Le magnifique Soliman
Transforme le drame en roman
Faisons de son heureuse haleine
L’épousaille des morts et de la cantilène.

4 avril 1992

François Brousse
Le Baiser de l’archangeClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 94

Là-haut

Le mage osera toucher
Le soleil effarouché
Comme un infaillible archer
De sa flèche inévitable.

Dans les convulsions de l’air
Il ébranle Jupiter
Malgré les anneaux d’éther
Comme un pâle connétable.

Tous les sages d’autrefois
Il les effleure à la fois
Absorbant leurs hautes fois
Comme la clarté ultime.

Les cyclopes effarants
Les absurdes conquérants
Sont des astres dévorants
Qui se drapent dans leurs crimes.

Pourtant regarde là-haut
Abolissant les fléaux
Arcturus et Fomalhaut
Sont le feu sérénissime.

10 septembre 1992

François Brousse
Le Frisson de l’aurore, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 121

Canon

Il a perdu le nom
De sa première amante
Comme un coup de canon
Sur la mer écumante,

La flamboyante mante
Chasse l’impur démon
Un brigand se lamente
Sur le sein de Ninon.

L’ombre de la falaise
Affole les mélèzes
Mais charme les géants.

Je brise le néant
Dans l’étau de mes strophes,

Je suis le théosophe
De l’au delà géant.

2 novembre 1994

François Brousse
L’Idéale Métamorphose, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 151

Canon

Le coq, dressé sur l’ergot,
Brave la nuit colossale,
La femme est le fandango
Qui fait tressaillir l’étoile …

L’aube portant le fagot
Pour brûler la cathédrale
Pose le puissant argot
Des langues primordiales…

Ma fantaisie conquérante
Sourit aux robes errantes
Qui claquent dans le jasmin

Ma chanson incantatoire
Change le flot de l’Histoire
Pour semer l’Art surhumain…

2 novembre 1994

François Brousse
L’Idéale MétamorphoseClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 150

L’Avatar

À Aurélie Saint Noël

L’Avatar est parfait. Il dompte la panthère,
Il console le monde, il trace le chemin.
Même quand il est homme il pense en surhumain
Son âme luit, saphir que nulle ombre n’altère.

Des planètes du gouffre aux jardins de Cythère,
Son rêve est une flamme et son verbe une main
Il montre aux malheureux l’éternel parchemin
D’où le mot Paradis illumine la Terre.

Des millions de dieux bouillonnent dans son cœur,
Sur les sept infernaux il se dresse vainqueur ;
La sagesse et l’amour s’épousent sur son faîte.

Quand on le crucifie il meurt en souriant.
Il porte aux affamés d’Occident et d’Orient
Le fruit d’éternité rêvé par les prophètes.

21 mai 1984

François Brousse
L’Aigle blanc d’Altaïr, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1987, p. 176

Ultima

Les ultimes années
D’un Maître sont toujours
D’épreuves couronnées
Par l’énigme des jours.

Le terrible séjour
Parmi les fleurs fanées
Lui donne le bonjour
Des fauves destinées.

Les sinistres périls
Où les yeux se morfondent
Environnent l’exil
Du conducteur des mondes.

Mais rien ne pourra clore
La fabuleuse flore
Du pur révélateur
Debout dans la Hauteur.

4 novembre 1994

François Brousse
L’idéale MétamorphoseClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 159

Errance

Je prendrai pour monture
L’aventure
Et je m’envolerai
Dans l’arrêt ;
L’oréade cynique
Communique
Son orgie effrontée
A l’athée.
La Rime, unique reine,
Nous entraîne
Dans le tourbillon noir
Des manoirs.
Au profond de ses coffres
L’Art nous offre
Le tombeau transparent
Des errants.

14 novembre 1994

François Brousse
L’idéale MétamorphoseClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 186

Le pont

Les sonnets de Pétrarque
Roucoulent sur la barque
Ils invitent le ciel
A nous verser son miel

L’iris des marjolaines
Se mêle à nos haleines
Je vais sans hésiter
Vers l’éternel été.

Une ardente blessure
Me pique et me rassure.
Elle est l’énorme pont
Car l’Infini répond

A nos tristes appels.
Le pain noir et le miel
Sont l’éclatant symbole
De l’unique auréole.

17 novembre 1994

François Brousse
L’idéale Métamorphose, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1992, p. 200

Elle dort…

XI

[…]

Une vierge est couchée au fond de cette tombe.
Elle dort. Ses grands yeux fermés dans la Douleur
Laissent de leurs longs cils couler un vague pleur…
Et l’âme aux plumes de colombe
S’agenouille, accablée, et contemple en rêvant…
La dalle, impénétrable aux yeux de tout vivant
Sous son regard est transparente ;
Au dessus du sépulcre, elle chante une plainte
Qui coule et cesse, au loin, dans la profondeur sainte,
Comme une fontaine mourante… 

 

XII

De même, le génie
Aime souvent pleurer
Et la brise infinie,
Glissant sur la Forêt
Sa dolente harmonie,
Dit : « Soupirez ! »

Je suis agenouillé,
Devant la Poésie,
Sur le gazon mouillé
Qui, de jasmins d’Asie
À corolle choisie,
Est émaillé. […]

François Brousse
Fantaisies, Huitième Livre, La Poésie aurorienne, « Aurorienne ou Chez ma Fée », XI et XII,
Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  2000, p. 218- 219

La grandeur de l’homme

Oui, l’homme passe sur la Terre,
Comme un reflet plaintif sur l’eau !
Le souvenir se désaltère
Dans la fontaine des sanglots !

La splendeur des grands temples tombe,
La perle des plaisirs s’éteint
La croix terrible de la tombe
Luit dans l’implacable lointain.

Avant d’être une pourriture
Toute grouillante de fourmis
Son coeur morne s’offre en pâture
Aux dents des vices ennemis.

Il héberge, avant qu’on le couche
Au lit de l’éternel hiver,
La douleur, ce serpent farouche,
L’infamie, ce livide ver,

Mais qu’importe ! Un esprit sublime
Palpite sous son crâne en feu
Sur les prodigieuses cimes
La foudre embrase ses cheveux

Il resplendit, torche vivante,
Parmi les profondeurs du soir !
Les étoiles qui s’épouvantent
Baisent ses pieds de granit noir

Il se dresse, plein de colère,
Dans le grand silence des cieux,
Contre les portes séculaires
Contre le sphinx mystérieux,

Et il dérobe, fou d’audace,
Malgré les clameurs de la nuit,
Malgré la flamme qui terrasse
Ses yeux brusquement éblouis,

Pour transformer le crépuscule
En un grand triomphe vermeil,
L’étincelle immense qui brûle
À la roue du char des soleils !

François Brousse
Chants dans le ciel, dans Œuvres poétiques , t. 1, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1986, p. 132-133

Ceux qui jettent…

Ceux qui jettent le créateur
Pour adorer la créature
N’ont pas du ciel rénovateur
Ressenti la fine structure.

Ils se livrent à l’aventure
Du vieux diablotin menteur
Et n’aspirent pas la senteur
Du diamant qui transfigure.

Ils ne savent pas que le sphinx
Voit plus loin que les yeux du lynx
Que le prophète est une offrande.

Tourbillonnez dans les soleils
Poètes, envoyés vermeils,
L’extase et l’aurore descendent.

8 mai 1992

François Brousse
Le Baiser de l’archangeClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 154

Après avoir prié…

Après avoir prié le vrai Dieu, nos douleurs
Nous reviennent parées et couronnées de fleurs
Et la sérénité des étoiles descend
Comme une pluie d’été du ciel adolescent.
La plume des azurs connaît bien la syntaxe
L’immortel vient parler à l’infini des axes.

10 mai 1992

François Brousse
Le Baiser de l’archangeClamart, Éd. la Licorne Ailée, 1993, p. 155

Tribunal

Vais-je écrire une diatribe
Contre les rimailleurs du jour ?
Des vérités je suis le scribe
Je brandis le glaive si lourd…

La mer qui chante près d’Antibes
Viendra sans doute à mon secours
Elle me répand son amour
Le soleil flamboyant m’exhibe.

Devant cet énorme travail
Je fais rire mes dents d’émail
Car la difficulté m’absorbe.

Serai-je un nouveau Juvénal ?
Je siège dans le tribunal
Au son magique d’un théorbe.

13 juin 1992

François Brousse
Le Baiser de l’archangeClamart, Éd. La Licorne Ailée,  1993, p.239

Banjos

Jésus Christ, fils de Dieu,
A perdu son enjeu ;
Il nous captive peu.

Son enfer nous fait rire
Nous réservons nos lyres
Orphée ou Pythagore
Hermès qu’un feu colore
Et les deux Isidore,
Bouddha rempli d’aurore

Nous émerveillent mieux.
Les nostalgiques flûtes
Qui l’amour répercutent
Font flamboyer nos yeux.

Les maîtres qui vont naître
Posent sur nos fenêtres
Que l’indompté pénètre
Les triomphants banjos.

N’oublions pas Akhenaton
Aux incomparables dictons
Ni Salomon le magnifique
Avec qui l’inconnu trafique ;

Ni Apollonius de Tyane
Forêt aux fécondes lianes
Ni le fantastique Julien
Chlamyde aux innombrables liens.

Ils remplirent l’esprit des mages
De leurs bénéfiques images
Ils dominent les Apennins
Près d’eux les Césars sont des nains.

Tourbillon de condors farouches
Le Verbe flamboie en leurs bouches
Ils posent un tantrique doigt
Dans la lumière qui ondoie.

Grâce à leur haleine, le monde
Continue sa magique ronde
Et tous les êtres entreront
Dans le royaume d’Obéron.

1er avril 1993

François Brousse
Les Miroitements de l’infini, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1994, p. 239-240

Chemins

Toute lumière est une larme
Qui tombe sur les fronts humains.
Le souffle de Dieu nous désarme
Quand nos cœurs pressent ses mains.

Seins de miel, bouches de carmin,
Sceptre d’empereur qui nous charme.
Cela vaut il les bleus chemins
Loin des douleurs et des vacarmes ?

Ô chanson des bois violets,
Cascades, vents, êtres ailés,
Visibles ou paraphysiques

Je m’évade dans l’inconnu
Pour savourer, atome nu,
Les tambourins du fantastique,
La flûte des nuits édéniques.

29 juin 1990

François Brousse
La Rosée des constellationsClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 213

Ego

J’aime l’aurore aux plis de moire
J’aime le visage des dieux,
À la fontaine où je viens boire
Se réfléchissent les grands cieux.

Météore prémonitoire,
L’énigme caresse mes yeux,
Dans ma transcendante mémoire
Tourne un passé vertigineux.

L’océan me clame ses strophes
Poètes, mages, philosophes,
M’ouvrent leurs terribles coffrets.

Toute la création énorme
Dépassant le nombre et la forme,
Emplit mon coeur démesuré.

30 juin 1990

François Brousse
La Rosée des constellationsClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 214

Guernesey

J’ai visité à Guernesey
Ta caverne, ô roi des abîmes
J’ai contemplé tes pas intimes,
Sous un ciel d’aurore embrasé.

Les astres ouvraient leurs croisées
Sur les miraculeuses cimes.
Dans les soleils nous nous assîmes,
Nimbés d’une flamme irisée.

J’ai touché la table ô Hugo
Une montagne d’indigo
Me fit détruire l’impossible.

Dévorant l’être et le néant,
Je suis le père des géants.
Dieu est la flèche, Il est la cible.

26 juillet 1990

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, , 1991, p. 224

Sérénité

Dans la sérénité de Dieu,
Vers les immensités altières
Plongeons la tête la première,
Dans la sérénité de Dieu.

Les étoiles, roses trémières,
Parfument le jardin de feu
Comme une princesse en colère.
L’éternité remplit les cieux.
Ô les baisers délicieux
Dans les souveraines lumières
On transmute tous les milieux.
L’illumination est l’enjeu
De cette fête aventurière
Dans la sérénité de Dieu
Vers les perfections premières.

27 juin 1991

François Brousse
Les Transfigurations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1992, p. 94

Doute

Le doute m’a rongé
Comme un sinistre acide
Suis je un grand Messager
Ou un fakir candide ?

Mon front découragé
Se multiplie en rides.

L’ouragan dans mes voiles
Gronde sinistrement
Il remplit de crotales
L’effrayant firmament.

Les harmonies mentales
S’effacent tristement.

Je suis la sombre enclume
Où tape un forgeron
Mon oeil terne s’allume
Quand sonne le clairon.

Je tombe dans l’écume
De l’avare Achéron.

Cependant je m’assume
Les folies crouleront
Et les cieux chanteront !

20 mai 1993

François Brousse
Les Miroitements de l’infini, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1994, p. 375

Voyage

Je vais partir pour un voyage
Vers un pays magicien
Qui refuse tous les péages…
Je vais partir pour un voyage.

Qu’importe le mien et le sien !
Le monde aux multiples rouages
Dans ses miroirs vénitiens
Fait flamboyer tous les nuages
L’Atlantide et ses flots anciens
Forgent de nouveaux alliages
Quels astrologiques mariages
Font peur aux rêves de Lucien !
Mon navire de son sillage
Coupe le pont aérien
Je suis revenu du voyage
Où tout repose sur le rien !
L’astre est le seul magicien…

19 octobre 1992

François Brousse
Le Frisson de l’auroreClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 237

Cantate

J’avais pour seuls soucis
Toutes les galaxies
Et les pôles aussi.

L’incroyable illumine
Les yeux purs du brahmine
Mais l’absolu chemine.

Qui pourrait arrêter
Le bruit de la cité
Dans l’être illimité ?

Senteurs de Germinal
Offrez votre cristal
Aux choeurs du Surmental.

L’infini se dilate
Dans l’âme délicate
Qui gémit sa cantate.

21 mai 1993

François Brousse
Les Miroitements de l’infiniClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1994, p. 378

Verbe

Le Verbe est un bohème
Tout habillé de fleurs
Son colossal poème
Se pénètre d’ailleurs.

Comme un roi patriarche
Il va majestueux
Sous les puissantes arches
Criblées d’étranges yeux.

Nul acier ne résiste
Son souffle emporte au loin
Dans l’au delà des pistes
L’hostie et le benjoin.

Son parfum nous réveille
Il enivre les coeurs
Il est l’immense abeille
Des avenirs vainqueurs.

Je veux entrer, ô Verbe,
Dans ton sein éclatant
Comme une ultime gerbe,
Victorieux du temps !

18 septembre 1992

François Brousse
Le Frisson de l’auroreClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 149

Vox

L’humanité qui se lamente
Près du gouffre de l’insondé
N’est qu’une misérable amante
Que Dieu et Satan jouent aux dés.

Le front du songeur est ridé
Il entend l’énigme écumante
Comme une panthère rôder.
La mort le couvre de sa mante.

Visite le sombre couloir
Qui s’enfonce dans la montagne.
La désespérance nous gagne.

Pourtant il suffit de vouloir
Pour entendre au puits que l’on sonde
La voix du souverain des mondes.

19 juin 1992

François Brousse
Le Baiser de l’archange, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1993, p. 261

Dérive

Je suis précédé par les haches
Comme un grave consul romain.
Quand il me voit, Typhon se cache
Dieu déroule son parchemin.

Mon souffle efface toute tache
Je suis le sidéral gamin
Dans un soubresaut je m’arrache
Au trop monotone chemin.

Mon pied fatal foule les braises
Les damnés soupirent pleins d’aise
Quand je module les refrains.

L’imprévisible est le domaine
Où ma dérive surhumaine
Transforme en centaures les freins.

25 avril 1992

François Brousse
Le Baiser de l’archangeClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 126

Astrologues

Le ciel voilé des astrologues
Me touche d’un sceptre railleur
Est-il ici ? Est-il ailleurs ?
Le ciel voilé des astrologues.

J’entame un profond dialogue
Avec les maîtres batailleurs.
L’univers deviendra meilleur
La colère n’est qu’un prologue
Sur l’océan des nuits je vogue…
Que choisis-tu ? Le démagogue
Ou le sinistre dictateur ?
Le loup, plus libre que le dogue,
Rôde dans la forêt en fleur
Le bonheur succède au malheur
La vie est un dur pédagogue.
Le docte se forge un ton rogue
Le poète est un rimailleur.
Virgile, ta quatrième églogue
Inspire les enlumineurs.
Le ciel brillant des astrologues
M’offre les astres salvateurs.

2 juin 1992

François Brousse
Le Baiser de l’archange, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 207

Élargissement

Je suis Melchisédech
Ainsi que Salomon
J’ai joué du rebec
Auprès du grand Simon,

Je chasse à coup de bec
La horde du démon
Mon œil demeure sec
Sur la hauteur des monts.

Je fais chanter les nids
Toujours je recommence
L’inédite romance,

Mon front jamais ne s’use
Je brave les méduses,
J’élargis l’infini…

5 août 1994

François Brousse
La Roseraie des fauvettesClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1997, p. 143

Le cri

Le Karma peut il s’effacer
Comme buée sur une vitre ?
Le mal, ce tourbillon glacé,

S’enfuira-t-il devant l’arbitre ?
Le tome aux sinistres chapitres
Cessera-t-il de grimacer ?

Je mesure ces questions sombres
Sur les rêveries en décombres,
Mais l’astre aux bracelets brûlants
S’allonge en farouches brelans

La démesure de l’espace
Tombe sur moi comme un rapace
La monstruosité du temps
Se lève tel un noir titan

Mais je possède le grand livre
Dont le magnétisme délivre
Car le scribe de l’Éternel
Trace le cri surnaturel.

29 juin 1994

François Brousse
La Roseraie des fauvettesClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1997, p. 74

Je préfère tes yeux

Ils meurent dans l’éclat sublime des batailles,
Dans les cris du clairon, dans les bonds du tambour ;
Les corbeaux affamés planent sur leurs entrailles…
Mais moi, je meurs d’amour.

Alexandre, sous son galop foulant la Terre,
Défie le vaste ciel vibrant d’éternité ;
Mais moi, je veux, couché sur des peaux de panthère,
Mourir de volupté.

Qu’importe l’héroïsme et qu’importe la gloire !
Dans ce tas de héros grouillent des assassins.
Je préfère tes yeux pleins d’une douce moire,
Et je veux m’endormir dans le creux de tes seins.

11 octobre 1942

François Brousse
BMP N°260-261, novembre-décembre 2006Clamart, Éd. la Licorne Ailée

Matin

La Lune s’est noyée dans la splendeur de l’air
Sous l’aube qu’à longs traits de flamme je déguste,
Je contemple, paré d’un diadème clair,
L’ombre d’or du Soleil sur les chênes augustes.

Et je pense à tes yeux, que traverse un éclair,
À ta bouche, pareille aux coupes de Locuste,
Ta bouche, où je savoure un immortel éther,
Sous l’aube qu’à longs traits de flamme je déguste…

Avril 1942

François Brousse
BMP N°260-261, novembre-décembre 2006, Clamart, Éd. La Licorne Ailée

Sur un grand mort

Quand la cloche sonna l’heure dernière
Quand l’archange fatal toucha ton coeur meurtri
Quand le souffle de l’au delà courba la terre
Tu rentras dans le ciel sans pousser un seul cri.
Le lion exilé retrouva sa tanière
Près de ses devanciers le Bouddha et le Christ.

1er avril 1992

François Brousse
Le Baiser de l’archangeClamart, Éd. La Licorne Ailée,  1993, p. 91

Quelques-uns

Il fut d’abord Rama
Perdu au fond des âges
Puis Krishna le parfait
Dans son Verbe éclatant.

Orphée suivit ensuite
Maître des visions,
Le Bouddha aux yeux clairs
Vint agrandir les cieux.

Le pur Akh-en-Aton
Précéda sa venue
Ensuite Jésus-Christ
Maître des sacrifices…

Mohammed à son tour
But l’hydromel des astres
Puis survint Olympio
Prophète des prophètes.

Saï Sathya Baba
Nous souffle l’absolu.
Le Kalki Avatar
Les étreint dans la gloire…

14 septembre 1993

François Brousse
L’Homme aux semelles de tempête, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 278

Femme et Dieu

La femme qui n’a plus de clarté sur son casque
Est la maîtresse irrésistible des bourrasques.
Ô lumière de Dieu, je t’arrache ton masque.
Le phénix a chassé l’infernale tarasque.

La pythonisse de l’idéal te sourit.
Monte dans le soleil sur l’aile des houris.
L’Inde t’offre en riant le suprême Hari.
Le fruit de l’absolu dans l’aurore a mûri.

Prenons gourde et bourdon vers l’ordre Compostelle
Imprimons nos baisers sur les lèvres d’Estelle.
La vérité divine où donc habite-t’elle ?

Écarte avec dédain le doute injurieux.
Dieu brille par delà le nuage des dieux
Epoux de l’infini lève-toi radieux.

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 168

Alexandrie

L’univers tout entier s’ouvre devant mes pas,
Les yeux éblouissants éclairent le trépas.
Le phare d’Alexandrie défie toute flamme
L’aube spirituelle embrase d’or les âmes,
Les vivants sont les morts, les morts sont les vivants
Et mon rêve s’envole au délire des vents.

25 novembre 1989

François Brousse
La Rosée des constellationsClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 172

L’autre firmament

La neige tombe lentement,
Ainsi s’effeuillent mes journées,
Elles languissent, obstinées,
Voici venir le grand moment

D’explorer l’autre firmament.
Le visage des destinées
Brille plus que les diamants
Ta rêverie illuminée

Retrouve l’éternel amant
Son cantique, magique Iman,
Du vivant mystère émané

Te réclame, immortellement
Dans les étoiles parfumées
Du divin resplendissement.

14 février 1994

François Brousse
Rencontre avec l’Être, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 232

Le réveil

La mort n’est qu’un sommeil
Passager
Son voile mensonger
N’empêche pas le grand réveil,
L’éternel nous réclame
Il sauvera notre âme
Dans l’azur délirant
Il attend ses enfants,
L’illusion du monde
Arrêtera ses rondes
Nous entrerons enfin
Dans l’éternel matin.
Le ciel seul
Déchire nos linceuls.
L’esprit pur entendra
Les appels de Bouddha
Les cymbales
De Dieu sont triomphales
Dans le parfum de l’infini
L’humain se réunit
Au bonheur infini.

18 janvier 1994

François Brousse
Rencontre avec l’Être, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 166

Maximes

Humain, je t’offre ces maximes
Pour conquérir les fières cimes

Jamais ton front ne doit courber
Devant les dogmes d’un abbé,

Ceux qui croient l’enfer éternel.
Deviendront des serpents cruels.

Tous les êtres seront sauvés
Tel est le discours d’Iévé.

D’un pas victorieux tu grimpes
Loin du délire des Olympes.

Ne fonde pas d’amples familles
Car ainsi le feu s’éparpille

Il vaut mieux supprimer l’ennui
Dans les aurores éblouies

Ainsi devant toi, fier vainqueur
Dieu te placera dans son coeur.

14 février 1994

François Brousse
Rencontre avec l’ÊtreClamart, Éd. la Licorne Ailée, 1995, p. 235

La photographie

Un soir, j’ai suspendu dans l’ombre de ma chambre,
Cette photographie de vierge pâle et brune.
Elle a des cheveux noirs qui semblent moites d’ambre,
Son visage pensif brille comme la lune.

Souvent pendant la nuit, quand tout rêve et repose,
Sauf l’invisible train qui s’enfuit en sifflant
Ou le vent qui gémit dans les arbres, je pose
Ma plume, pour fixer ce visage troublant.

Aux paisibles clartés de la lampe électrique,
Qu’ils sont doux ces regards pleins d’une ombre magique,
Sa fraîche épaule nue, sa bouche au pur dessin…

Et je songe, tandis que des lumières neuves,
Sorties de ses grands yeux vertigineux émeuvent
Une mélancolie étrange dans son sein.

François Brousse
Voltiges et vertiges
Dans Œuvres poétiques, t. 2, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, , 1988, p. 59

Le poète arabe

Dans le désert, où ne chantent plus les sources vives,
J’ai la fontaine de tes yeux.

Dans le désert où nul feuillage ne murmure,
J’ai la forêt de tes cheveux.

Dans le désert où pas une liane ne s’enlace,
J’ai le lien souple de tes mains.

Dans le désert où nulle aile ne circule,
J’ai le vol hardi de tes pieds.

Dans le désert qu’ignorent les coussins splendides,
J’ai le dessin pur de tes seins.

Dans le désert d’où s’éclipsent les liqueurs ardentes,
J’ai le flot brûlant de tes baisers.

Dans le désert qui dévore les mosquées divines,
Tes paroles viennent du ciel !

Fontaine, forêt, lianes, oiseaux, palais, honneurs, mosquées, Ô femme !
Tu me donnes dans la solitude toutes les richesses de la Terre et de la Lune.
Notre amour durera jusqu’à l’heure où le vent d’Allah effacera les montagnes du monde…

François Brousse
De l’autre cygne à l’Un
Dans Œuvres poétiques , t. 2, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, , 1988, p. 307

Les rosées

Combien d’humanités
Gisent au fond des mers !
Que de vastes cités
Dévorées par Omer !
Sous les hiéroglyphes
D’immenses coups de griffe
Ont lacéré les monts !
D’effroyables démons
Dominent les étages
Des Tyrs et des Carthages !
Mais rien ne peut briser
La chanson des rosées…

20 juin 1995

François Brousse
Le Pas des songes, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2001 p. 85

Le mage

Je frappe à coups de pique
Le sanglier épique,

Je tends ma fière main
Au géant surhumain,

Je valse dans la gloire
De l’antique ciboire,

Mon songe éblouissant
Comme un condor descend

La ballerine danse
Dans la lumière dense,

Le mage qui bénit
Dépasse l’Infini !

19 juin 1995

François Brousse
Le Pas des songesClamart, Éd. La Licorne Ailée, 2001, p. 79

?

L’énorme décadence
De la sublime France
Me déroute et m’offense !
Elle joue au trictrac
La bleue jument Borak
Nous traîne au fond des lacs.
Acceptons la défaite
Une honte parfaite
Accable les suffètes.
Verra-t-on un émir
Vaincre le roi de Tyr ?
Préparons nos soupirs !
Les partisans des Mages
Ordonnent leurs images
En magiques hommages,
On se serre la main
Sur les nouveaux chemins
Qu’ouvrent les lendemains !

20 mai 1995

François Brousse
Le Pas des songesClamart, Éd. La Licorne Ailée, 2001, p. 15

Consolation

Le vide de mon cœur retentit sombrement
Comme un noir souterrain où passe un vent sinistre,
Le livide néant a fermé mon registre…
Regarde la rondeur sacrée du firmament !

Ô Temps, le soleil pleure à l’ombre de tes ailes !
Ô Nuit, tes lourdes eaux noient le blé sidéral
Ô Mort, la lune tourne éperdue dans ton bal !
Pense au voyage bleu des âmes immortelles…

Au bloc de la Douleur le Destin nous souda,
Des pleurs tombent du ciel sur mon front solitaire,
De monstrueux sanglots s’élèvent de la terre…
Contemple le sourire infini du Bouddha.

Janvier 1936

François Brousse
L’Enlumineur des mondes
Dans Œuvres poétiques, t. 1, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1986, p. 336

Le guide

J’ai pour délivrance
L’honneur de la France,
Je prends le genre humain
Dans ma hautaine main,
Et je porte sa plainte
Dans ma démarche sainte.
Je suis sorti de Dieu
Je retourne au saint lieu.

16 août 1995

François Brousse
Le Pas des songesClamart, Éd. La Licorne Ailée, 2001, p. 152

Distiques

Les croyances de l’homme ont pour morne témoin
L’impossibilité d’aller toujours plus loin.

Le nombril d’Eve est l’étoile du genre humain
L’éclat de son regard montre le clair chemin.

La laideur dont le froid fait trembler nos ancêtres,
C’est le beau qui n’est pas et qui aspire à l’être.

Mystère du phénix, jailli du noir tombeau,
Le laid n’est que le manque exaspéré du Beau.

Lorsque l’humain devient un démon ignorant
Le singe le caricature en le mirant

J’étais assis sur un ardent tapis magique
Dont le vol effleurait le haut des monts antiques

Les lavandières de la nuit s’enfuient devant
Le pâle philosophe aux semelles de vent

Quand au souffle insensé tu délivres tes voiles
La tendresse de Dieu sur ton front pur s’étoile

Le poète qui rêve aux marges du réel
Reste toujours branché sur le Verbe éternel.

Mars 1990

François Brousse
Le Sourire de l’astre, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 59

Variations polyphoniques

Le lait brûlant remplit l’amphore d’argent pur
Verse‑moi les trésors de Memphis et d’Assur.
Ô multiplication des baisers dans l’azur !
Le papillon est toujours libre quand il vole
Ce fleuve où l’on se baigne a pour source le pôle.
Exaspérés des fous que hante le péché,
Je suis impatient comme un ours mal léché
Le ciel bleu est l’abîme où s’engloutit mon âme
Dans mes yeux Uranie met son regard de flamme.
L’eau sert à refléter les antiques oublis.
Ton vrai visage se retrouve dans ses plis.
On contemple en riant la chute des rayons.
C’est la prolixité des bleues inspirations
Les filles de la nuit m’effleurent de leurs ailes.
Leur vol m’emporte vers les rives surnaturelles.
De la bouche des morts sort le cri de la vie
Est‑ce toi, Dieu, qui parle à mon âme ravie ?
Le brasier de l’esprit a pour cendres les mondes.
Le tonnerre est l’archet du violon des mondes
Que le sommeil est doux à l’ombre de tes seins !
Mozart est revenu jouer du clavecin…
Le sanglot des oiseaux fait éclore les roses.
Les imposteurs s’enfuient dans leurs tristes chloroses
Les barques des grands maîtres sont les seuls vaisseaux
Qui brisent des typhons les fabuleux assauts.
Le buffle en mugissant fait palpiter les tombes
D’où montent des essaims d’aigles et de colombes,
La couronne des dieux, c’est le cerveau de l’homme.
Les Hespérides m’ont lancé leurs rouges pommes.
Quand elle enfante des étoiles et des âmes
Je m’enivre à l’odeur cosmique de la femme.
Comme les cordes d’une lyre éolienne
Je ne distingue plus ton âme de la mienne.
La France par la souffrance devient Dieu
Le bois noir du cyprès rend odorant le feu…
L’archange et le diable ont créé la panthère
Les reptiles sifflent lugubrement sous terre
Le grand lion rugit sur la hauteur des monts
Laisse les lourds crapauds baver dans les limons
Mon regard triomphant renversa la géante.
Tous les monstres s’éparpillent dans l’épouvante
Je vous ai délivré d’un souci trop cuisant
Le navire évita le piège des brisants
La lumière s’est balancée dans les étoiles
Sous le souffle inconnu tremblent toutes mes voiles
Le gland contient le chêne et la femme l’archange.
Même l’arbre du mal tout évolue, tout change
Malgré l’obscurité qui ricane et redouble
C’est en dansant sur le soleil qu’on se dédouble
Quand deux hommes s’embrassent, ils pensent aux femmes.
La salamandre rit dans le tombeau des flammes
Ô médecin des morts, tu m’offres tes dictames

10 janvier 1990

François Brousse
Le Sourire de l’astreClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 22

Sur la Terre

Je marchais, taciturne,
Mais trempé de ferveur ;
La muse au fier cothurne
Suivait mon pas rêveur.

La furie de Saturne
M’encombrait de faveur.
Le deuil penchait son urne
Bruissante de saveur.

Les stèles funéraires
Disaient : « Priez pour eux ! »
Le vautour dans ses serres

Emportait les heureux.
Il ne restait sur Terre
Où les espoirs sont vains
Que les songeurs divins.

18 avril 1993

François Brousse
Les Miroitements de l’infiniClamart, Éd. La Licorne Ailée,  1994, p.286

Fenêtres

Je m’en vais
Vers l’ignoré
Le long des bouquinistes

Ils ont souvent
L’immense vent
Des mages alchimistes.

Mon âme va
Vers Jéhovah
Ce constructeur de mondes

J’entends gémir
Dans Altaïr
L’éternité des rondes.

Le flot du Soi
Est une soie
Qui provoque les êtres.

L’hypersoleil
Coursier vermeil
Hennit à nos fenêtres.

20 février 1993

François Brousse
Les Miroitements de l’infini, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1994, p. 143

Le saint qui méditait …

Le saint qui méditait sous le palmier paisible
A reçu dans son cœur une balle égarée ;
Il meurt en s’écriant « Ô lumière invisible,
Quel bonheur de s’enfuir dans ta gloire adorée ! »

Tu ressusciteras, mystérieux ermite,
Dans la joie et la force avec un corps nouveau.
Tu boiras dans ton âme un azur sans limites,
Ton vol dépassera les fabuleux niveaux !

Le fantôme qui passe, au large des Comores,
Gronde pour conquérir l’ineffable absolu,
Il faut monter plus haut que l’ombre et que l’aurore
Et ne rien désirer, pas même son salut !

Ô fantôme, je suis la porte des Élus !

9 juin 1982

François Brousse
L’Aigle blanc d’AltaïrClamart, Éd. la Licorne Ailée, 1987, p. 53

On contemple effarés…

On contemple effarés sous la toge romaine
L’invincibilité de la folie humaine

Le doute, c’est l’ultime épreuve de la vie,
Une fois dépassé, l’âme danse ravie.

Dans son grand apparat le grand voilier s’envole.
Quatrième dimension, je bois ton auréole.

L’avenir est à Dieu, l’éternité aux sages
Ils connaissent, ô mystère, tous les passages…

La mort et le soleil mesurent leur ardeur
Sous les rires ironiques du créateur.

Pour connaître une femme il faudrait mille femmes
Le goût du feu ne se trouve que dans les flammes.

L’Être nous verse devant ses farouches autels
L’envie d’écrire des poèmes immortels.

Les montagnes qui m’environnent sont magiques
J’ai composé l’ardent Cantique des Cantiques

Son verbe de miel vaut mieux que le fruit des bois,
De la chasse des dieux on entend le hautbois.

Le cormoran inattendu monte aux étoiles
Je cueillerai sur ta bouche un baiser d’étoile.

François Brousse
Revue BMP, Année 2001-2002, Clamart, éd. La Licorne Ailée, Oct. 2011

Les dieux décapités

Quand les dieux ont péché contre le Dieu des mondes,
Le bourreau noir surgit, d’épouvante masqué.
Il brandit l’yatagan des flammes infernales
Tandis que grondent les soleils.

Dans l’infini les dieux coupables s’agenouillent,
Courbant la gloire de leur couronne d’éther.
Leur front se pose sur le billot des ténèbres
Couvert d’un velours étoilé.

Et le bourreau géant décapite les dieux
Au vol de son épée de lumière implacable.
Et les têtes divines tombent dans la nuit
Comme d’énormes fruits de braises.

Elles tombent, chantant des paroles sacrées,
Parmi le tournoiement des planètes sans nombre,
Elles tombent au fond des mers et des volcans,
Nids géants des têtes célestes !

Les poètes, fuyant la foule aux cris de hyène,
Rôdent le soir sur les montagnes recueillies,
Ou sur le vert désert des plages scintillantes
Que parfument les îles d’or…

Ils entendent monter du cœur des monts sauvages
Et du poitrail des mers pleines de majesté,
Le chant mystérieux des têtes immortelles
La plainte des dieux enfouis !

C’est pourquoi la chanson des poètes terribles
Ruisselle de frissons, de mystères et d’effrois.
Ils traduisent la plainte en syllabes humaines
Que crèvent les tourments du ciel.

15 mai 1951

François Brousse
Il existe un Azur, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2010, p. 256

Époques

Chaque fois que l’on quitte
Une ère pour une autre,
Ce mouvement suscite
D’horrifiants apôtres.

L’époque de Jésus
Où le bûcher pétille
A beaucoup moins d’élus
Que celles des Bastilles.

Les mendiants hagards
Méditent le massacre
Par le feu des regards
La terreur se consacre.

La fin proche des temps
Dans toute pensée plane
Les tresses du printemps
Tombent sur l’Ottomane

Mais après les athées
Voleront les palombes
Sur la pierre des tombes
Monte l’éternité.

3 août 1993

François Brousse
L’Homme aux semelles de tempête, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 183

conseil

Tu piques sur ta toque
Un vaste diamant.
L’éternité s’en moque
Deviens plutôt chaman.

Saisis un élément,
Terre ou flamme baroque,
Ou l’azur véhément,
Ou l’onde au regard glauque.

Dans ce monde effaré
Ton souffle doit dorer
Le noir fronton du temple.

Ne désespère pas
Par delà le trépas
Dieu serein te contemple.

23 février 1993

François Brousse
Les Miroitements de l’infiniClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1994, p. 146

Le message

Quand Dieu montre sa face
Et jette son regard
La galaxie s’efface
Dans le lointain hasard.

Ce n’est qu’une préface
Déjà vient le couguar ;
Quoi que le soleil fasse
Le blé meurt au hangar.

L’éclair joue du trapèze
Le grand problème pèse
Sur nos corps écrasés…

Ô voyageur, espère
Le message du Père
C’est l’éternel baiser !

5 mai 1993

François Brousse
Les Miroitements de l’infiniClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1994, p. 336

Dans l’ombre du soleil…

 

Dans l’ombre du soleil et l’éclat des ténèbres,
Les pics m’ont dédié leur cintre d’argent pur.
Qu’importe l’astre d’or et les ombres funèbres !
Nos mains doivent cueillir les roses de l’azur.

Les fantômes du ciel, qu’un luth de feu célèbre,
Poignardent de rayons les flancs du mont obscur.
Le serpent de la nuit ondule en nos vertèbres
Et chante avec ferveur les rois cruels d’Assur !

Les immenses forêts dont le murmure énorme
Hallucine les mers sous des clartés sans forme
Gémissent de Bornéo jusqu’à Sumatra…

Mais toi, prince tranquille au sourire de flamme,
Âme qui peut centrer en toi toutes les âmes,
Construis dans le Soleil le trône de Mithra !

Juin 1982

François Brousse
Revue BMP N°186-187-188, mars-avril-mai 2000, Clamart, Éd. La Licorne Ailée

Hymne

Patrie ! ô mon pays ! France douce et sublime !
Déesse au casque d’or, à l’étendard flottant
Dont la cime
Se baigne en un jour éclatant !

France, reine du Monde et mère de la Gloire !
Montre à tes ennemis ton glaive étincelant
Ô pays souverain, toi dont l’ardente Histoire
Va de la Vierge Jeanne au paladin Roland !

Je t’aime, ô ma Patrie, oui, je t’aime, ô ma France !
J’aime ta voûte bleue et tes immenses bois
Que balance
Le vent aux murmurantes voix !

J’aime tes ruisseaux clairs et tes fleuves superbes,
Qu’ils soient tranquilles, lents, ou forts et furieux,
J’aime tes monts géants, j’aime tes frêles herbes,
J’aime ton sol empreint d’un passé glorieux

C’est là que mes parents sont nés, que mon enfance
S’écoule sous l’azur de ton ciel plus radieux,
Douce France,
Que le ciel où vivaient les dieux…

Parmi la chaîne Alpine et sur les Pyrénées,
On aperçoit parfois l’aigle, enfant du ciel d’or,
Par les cimes, de neige et de rocs couronnées,
Lorsque, vers le soleil, l’oiseau prend son essor

On songe à l’Empereur (1) en voyant, dans le vide,
Cet aigle audacieux qui fend l’air, s’élançant
Plus rapide
Que l’aile du fier ouragan !

France, fille des cieux, élève sur le monde
Ton drapeau surmonté de la croix de Jésus
Et dont les plis altiers, bougeants ainsi que l’onde,
Semblent du ciel, des lis et des flammes issus.

(1) Napoléon 1er

Note : Ce poème a été écrit entre treize et quinze ans. C’est-à-dire entre 1926 et 1928.

François Brousse
Fantaisies, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  2000, p. 75-76

Qui n’aime pas…

Qui n’aime pas Victor Hugo
Révèle une âme médiocre
Entend il ce lointain tango
Qui n’aime pas Victor Hugo ?

Sous un firmament indigo,
Le grand peintre étale ses ocres,
Le coq dolent sur ses ergots
Réclame un lascif fandango
Méditons sur Timée de Locres.
Les ignares et les cagots
N’admirent pas Victor Hugo.

20 août 1991

François Brousse
Les Transfigurations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1992, p. 161

Recherches

Pas un Mage n’est arrivé
Jusqu’au grand soleil qu’il rêvait
Pas un titan plein de colère
N’a brisé l’étoile polaire ;
Nul, pas même Milarépa,
N’a trouvé la clef du trépas ;
Nul penseur, pas même Voltaire,
N’a forcé l’abîme à se taire
Nul puissant Flammarion
N’a trouvé le nid des rayons,
La sublime Isis dévoilée
N’a jamais été violée.
Mais par la plume de Hugo
L’homme et Dieu deviennent égaux.

16 octobre 1989

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1991, p. 140

Colombes et vautours

Je ne me souviens plus du sonnet de Hugo, 
Tant pis je vais en construire d’une autre manière. 
Je récite des vers près des femmes altières 
Qui me couvent parfois d’un bel oeil indigo.

Ainsi qu’un coq lascif essayant son ergot, 
Je les caresse de maximes primesautières, 
Et plus d’une souvent jette de ses paupières 
Un regard prometteur qui flatte mon ego.

Mais quelquefois, hélas, on parle politique. 
Et ces colombes là deviennent frénétiques 
À la peine de mort, elles battent des mains.

Elles adorent les dictateurs inhumains. 
Alors, blême d’horreur, quittant leurs noirs chemins 
Je fuis, Ô Salomon, vers tes chastes cantiques.

 

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 137

Condor marin

Je suis le Temple
Que l’on contemple,
Je suis l’instant
Que l’on attend,
Je suis l’aurore
Que l’on adore.
Je suis l’éclair
Des joyaux clairs !
Mais je transmute
L’unique flûte !
Car l’astre étreint,
Condor marin,
Les pèlerins.

12 juin 1995

François Brousse
Le Pas des songesClamart, Éd. La Licorne Ailée, 2001, p. 61

Révolte

La révolte de Spartacus
A réveillé tous les esclaves
Le volcan crachera ses laves
Les vainqueurs se sentent vaincus.

Par delà les sombres conclaves
Apollon embrasse Bacchus
Le banquier, malgré ses écus,
Se plonge au fleuve qui le lave.

L’égoïste dans sa guinguette
Sait que le châtiment le guette
Le prêtre ne peut rien pour lui.

Son immense armée l’abandonne.
Sur le chêne altier de Dodone
Le soleil prophétique a lui.

5 février 1993

François Brousse
Les Miroitements de l’infini, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1994, p. 95

Solitaire

Les dieux m’ont oublié !
Je rêve dans mon île.
Mes larges escaliers
Jusqu’au zénith rutilent.

Au loin des cœurs sans nombre
Entrechoquent leur bal.
Pour moi, je reste à l’ombre
D’un aigle sidéral.

Ma chevelure ardente
Danse dans l’ouragan.
J’ai l’œil hagard de Dante
Et l’âme de saint Jean.

Les sirènes de moire,
Les tritons de carmin,
Les pieuvres, viennent boire
Dans le creux de mes mains.

Mais, quand, dans les rafales,
Je chante ma chanson,
La Terre triomphale
Est prise de frissons.

10 juin 1982

François Brousse
Revue BMP, N°216 – novembre 2002Clamart, Éd. La Licorne Ailée

Rex

Dans le choc des titans la lumière frémit
Elle s’envole dans l’espace
Malgré le flamboiement amical de Roumi
Le corbeau montre un bec rapace.

Le tourbillon des nuits grouille de monstres lourds
La lumière brandit son glaive
Le page vermillon traque le pas des ours
Une aurore lave les rêves.

Cesseras-tu de persécuter les chercheurs
Et de torturer les prophètes,
Esprit mystérieux jailli des profondeurs
Foudre qui tombe sur les faîtes ?

En vain les mages noirs dans l’horreur m’ont maudit
Mon front domine les fulgores.
Entre mes yeux pensifs la clarté resplendit
Je suis l’âme des météores.

François Brousse
La Rosée des constellationsClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 235

Gandhi

Les grands maîtres divins apportent sur le globe
L’étoile de l’amour comme un clair étendard.
Dans la plainte des mers, la blanche Porbandar,
Te vit naître, ô géant dont le front soutient l’aube.

Tu portes, dans les plis mystiques de ta robe,
L’horreur du machinisme aux monstrueux hasards,
La chasteté, pareille à l’oeil du léopard
Dont l’éclair sidéral dans la nuit se dérobe.

Comme Sakya Mouni qui murmurait : « Aimons » !
Comme Jésus tué sur les hauteurs des monts,
Par la Non-Violence, intrépide guerrière,

Tu délivres ton peuple, et, soleil exalté,
Tu meurs, assassiné dans l’ombre des prières,
Pour Dieu, pour la lumière et pour l’humanité.

 

François Brousse
Voltiges et Vertiges,
dans Œuvres poétiques, t. 2, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1988, p.144

Je et Lui

J’existais avant la naissance des étoiles
Et j’existerai après leur écroulement.
Mes aventures triomphales
Éblouissent le firmament.

L’atome épouvanté tremble devant mon être
Les galaxies et les univers bulles ont peur
Quand je m’accoude à ma fenêtre.
L’ombre m’adore avec stupeur.

Dieu est pourtant plus grand que moi, je suis son aube.
Tant que l’ignorance éteindra l’humanité,
Je m’incarnerai sur les globes
Pour proclamer la vérité.

25 août 1990

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 236

Le baiser

Quand les divins coursiers, dont l’or est la crinière,
Courbent les flots vermeils sous leurs ardents sabots,
S’engouffrent lentement, ainsi que des flambeaux,
En creusant dans la mer leur flamboyante ornière,

Quand le char du soleil, sous la vague entraînée,
Laisse un faible reflet parmi le ciel immense,
Lorsque du rossignol la céleste romance
S’évanouit dans l’ombre où Vénus pâle naît,

On aperçoit parfois la Lune svelte et rose
Par les derniers rayons du jour évaporé,
Fleur de la Nuit penchant vers l’horizon doré,
Qui, sur les corps sanglants des nuages, repose…

De même rougissait d’amour et de pudeur
Une charmante vierge, au bord du lit assise,
Car son jeune amoureux, dérangeant sa chemise,
Avait mis sur l’épaule un baiser plein d’ardeur

Et, comme pour chercher la chaleur des caresses,
Elle applique sa joue à l’épaule et frémit
Et son visage heureux sourit à son ami
Qui lui baise, charmé, ses ondoyantes tresses…

Amour, fleur éternelle et jour mystérieux,
Chaîne d’or et d’extase embrassant notre globe,
Jeune dieu du matin, ardent époux de l’Aube,
C’est toi qui règnes seul dans la terre et les cieux.

 

François Brousse
FantaisiesClamart, Éd. La Licorne Ailée, 2000, p. 63

Dévouement

Le regard absolu
Veille sur notre essaim,
Nous sommes les élus
De l’immortel tocsin.

Un être sans visage
Entre dans la maison,
Vient-il du fond des âges ?
Que nous dit son blason ?

La légende l’ignore,
On entend l’olifant
Hurler pour les infants
Sa complainte ignivore.

L’inconnu s’est levé !
Comme un joyeux colosse,
La clarté le revêt
Dans son rire véloce.

Les ailes de l’Esprit
Ouvriront nos fenêtres
Quand l’homme aura compris
Le dévouement des Maîtres.

14 juillet 1993

François Brousse
L’Homme aux semelles de tempêteClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 120

Métaphysique

à Claude Van Dyck

Les anges secouaient leurs six ailes de feu (Louis Bouilhet)

Que le cadavre froid, parmi l’ombre sans bornes,
Sentant glisser les vers dans sa carcasse morne,
Tressaille au souffle de la mort,

Seuls les êtres formés d’atomes la redoutent,
Mais l’âme incorruptible et une, en jaillit toute
Comme un cheval libre du mors !

Le mur des sens mangé par l’insecte et la mousse,
La Vie éclate comme une clémence douce
Qui brûle la nuit des remords,

Et l’Idée pure, dans les voluptés sereines,
Penche sublimement son front de souveraine
Que nul n’outrage, où rien ne mord,
Comme le feu des cieux joint les terrestres flammes
Sur l’aile incorporelle et tremblante des Âmes.

François Brousse
Voltiges et Vertiges
dans Œuvres poétiques, t. 2, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1988, p. 193

Karma

On traîne après son corps une ombre colossale
Qu’un monstre impitoyable a jadis dessinée.
Dans l’horreur de nos destinées
Le poisson vert foudroie les cryptes abyssales !

L’aurore aux yeux pourprés plane en vain sur nos fronts
Comme un vieux cormoran parmi les rochers lourds.
Nos laticlaves de velours
Cachent mal sur nos chairs la marque des affronts.

Où sont nos regrets noirs et nos remords de flamme ?
Le verbe aux triomphants dictames
Contemple, médecin, notre lente agonie.

Les nuages martyrs éveillent le mensonge
Et leur racine atroce plonge
Aux flots épouvantés de l’angoisse infinie.

François Brousse
De l’autre cygne à l’un
dans Œuvres poétiques, t. 2, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1988, p. 364

Statuette

Petite statue d’or tu restes dans mon coeur
Et tu y resteras jusqu’à la fin des mondes,
Nos âmes sont unies par des flammes profondes,
L’amour, force de Dieu, est l’éternel vainqueur.

Deux coeurs qui s’aiment sont toujours l’un près de l’autre
La distance n’est pas, le temps n’existe plus,
Du sourire de Dieu nous sommes les élus,
Archange Amour, de toi nous devenons apôtres.

Le vent a beau gémir son pleur désespéré,
Le haut de mon esprit chante l’être adoré,
Mon attachement comme un mont jamais ne baisse.

Demeure de mes vœux toujours la dame abbesse.
Comme deux blancs oiseaux dans le bleu de l’été,
Nous nous envolerons vers les éternités.

22 mars 1990

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 208

Profondeur et hauteur

Les sauvages secrets de l’antique Solyme
Tombent sur mon front pur, comme l’ombre des cimes
La voix de l’âme emplit l’éther :
Une planète Hercule engloutit Jupiter.

Plongeons au fond des mers pour y cueillir la Perle 
L’écume des passions sur mes récifs déferle, 
Mais – ô fontaine Baranton ! – 
Je bois voluptueusement ta magique chanson !

Montons, montons toujours ! La lumière dévore
Ce qui n’a pas l’éclat triomphal de l’aurore.
Sur la harpe pâle des fées
Se couchent les soupirs de la Tête d’Orphée…

J’entends dans les forêts un murmure d’abeille
Le vent de l’infini me bouscule et m’éveille
Je me dresse au bord de la nuit
Le regard de l’amour en ton oeil sombre a lui !

3 septembre 1988

François Brousse
Le Graal d’or aux mille soleils, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1989, p. 94

Évasion

Je me souviens de nos amours
Comme d’un palais enchanté
Le paradoxe des contours
S’illumine d’éternité.

Mes ailes battent pour toujours
Dans une rouge intensité.

Tout s’efface et tout recommence
L’illusoire est le seul pastel,
Connaissance n’est que démence
J’adore le supra réel.

L’abîme éperdument se creuse
Comme une vallée ténébreuse
Qui n’a jamais de conclusion,

Le mage approfondit sans cesse
La transcendance des sagesses
Dans l’irrémissible évasion.

18 août 1993

François Brousse
L’Homme aux semelles de tempête, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1995, p. 221

Veux-tu ?

Veux tu, douce Fée, dont le sein frémit,
M’attendre ce soir quand le ciel ami
Aura, d’un baiser scintillant et noir,
Transformé la Ville en pensif manoir ?

Nous écouterons la divine plainte
Dont le rossignol rythmera les brises
Et les astres, sur les eaux qu’ils irisent,
Epanouiront leur corolle sainte.

L’air mystérieux et vierge des branches
Ploiera tes cheveux, gonflera tes manches

Les étoiles d’or du ciel de velours
Béniront nos coeurs éperdus d’amour.

Viens, déjà le Soir trop ardent décline,
Entends tu gémir l’Ombre cristalline ?

 

François Brousse
Voltiges et Vertiges,
dans Œuvres poétiques, t. 2, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1988, p. 61

La fente

Lorsque la nuit s’épanche
On dirait que Dieu penche
Son visage vers nous
La gloire se renoue.

Quand la lumière tombe
Il semble que la tombe
Ouvre son esprit pur
Dans l’impalpable azur.

Au furtif crépuscule
Le fantasme recule
Une suavité
Remplit l’immensité.

Toujours par une fente
La rose triomphante
Darde son tambourin
Dans le Soleil serein.

12 avril 1994

François Brousse
Rencontre avec l’Être, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 345

L’oiseau de l’âme

L’oiseau de l’Âme et l’oiseau du Soleil
Se sont posés sur des branches lointaines,
L’un a le bleu nacré d’une fontaine,
L’autre flamboie comme un foyer vermeil.

Un grand désert plein de tigres moqueurs
Et de serpents ailés comme la foudre,
Un grand désert où tout vient se dissoudre
Semble un obstacle aux élans de leurs cœurs.

Mais, déployant leurs fastueux éveils,
Perçant la sombre illusion du monde,
Ils vont s’unir dans la lune profonde,
L’oiseau de l’âme et l’oiseau du soleil.

2 mars 1950

François Brousse
Au royaume des oiseaux et des licornes, Imp. Labau, Perpignan, 1982, p. 29

Autre cité

Le puissant chevalier,
Qui chasse les démons,
Est le meilleur allié
Du mage Salomon ;

Il choisit pour collier
Les glauques goémons,
Son destin est lié
À la splendeur des monts.

Il porte une massue
Qui trace les issues
Par où l’homme se hausse,

Son âpre volonté,
Comme l’aigle véloce
Construit l’Autre Cité.

12 août 1993

François Brousse
L’Homme aux semelles de tempête, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 211

La tour

L’inconstant Valéry
Continue son étude,
L’éternité sourit
De telle inquiétude.

Poète, tu créas
C’est tout ce que demande
Le sombre lauréat
Que la tragédie scande.

Un vers plein de frissons
Couronne l’apostrophe
Le superbe échanson
Verse le feu des strophes.

Ton nom sera cité
Par les fils du langage
Dans la haute cité
Du mystique et du sage.

Le tragique séjour
De la pesante Terre
Vient sur la haute tour
Consacrer le mystère.

10 avril 1994

François Brousse
Rencontre avec l’Être, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 341

Le sondeur

Mon livre est un escalier
Mon escalier est un livre
À Dieu je suis relié
Mourir c’est toujours revivre.

Comme s’efface le givre
Au soleil humilié
Par de nombreux colliers
La suprématie m’enivre.

Je creuse mon avenir
Dans l’éternel devenir
Pour la splendeur innombrable.

J’ai ouvert la profondeur
Moi, l’infaillible sondeur
De la gloire impénétrable.

7 mars 1994

François Brousse
Rencontre avec l’Être, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1995, p. 282