Puis-je maintenant vous parler des Artistes ?
Questions à François Brousse (Extraits)
Q. : Puis-je maintenant vous parler des Artistes ?
Avec plaisir. Les poètes et les artistes sont les enfants turbulents qui gambadent autour du Trône Éternel. Si vous n’êtes pas semblables à ces petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu.
Q. : Est-il nécessaire d’être poète ou artiste pour connaître l’ivresse de la Grande Délivrance ?
Absolument. Trois yeux brillent sur le front de Dieu : sagesse, amour, beauté. Pour briser les entraves humaines et ouvrir les ailes de la divinité, nous devons réunir en nous ce triple rayon. Soyons à la fois le Métaphysicien sublime, l’Apôtre serviteur des humains et le Poète illuminé par la suprême splendeur.
Q. : Ces trois couronnes sont-elles nécessaires ?
Ces trois couronnes forment la tiare du Libéré. Toutefois on peut les acquérir dans trois existences successives. Soyez Zénon dans une vie, François d’Assise dans la seconde, Musset dans la troisième, et les portes du Paradis s’ouvrent dans un éclat miraculeux !
Q. : Certains hauts prédestinés possèdent-ils déjà le triple rayon ?
Ce sont les philosophes surhumains, comme Plotin, les sauveurs comme Jésus, les poètes majeurs comme Dante.
Q. : Pourquoi certains poètes ou artistes, créateurs de chef-d’œuvre, se roulent-ils dans les drogues et les mœurs dissolues ?
Il arrive qu’un chercheur de beauté reçoive brusquement le feu de l’inspiration. L’homme se trouve projeté dans des abîmes prodigieux, il nage parmi les dieux et les astres, ses ailes nouvelles-nées couvrent tout l’horizon de l’univers, il goûte l’extase d’une dimension inédite. Retombé sur la Terre, l’explorateur momentané du ciel n’aspire qu’à remonter vers l’infini. Dans ce but, il frappe à toutes les portes et se hasarde dans tous les chemins. Tant mieux pour lui si des sensations inattendues lui donnent des énergies créatrices ! Le véritable inspiré se rit des drogues. Le sang divin coule dans ses veines surnaturelles. Il se meut normalement dans la lumière de l’inspiration. De ses lèvres frémissantes jaillissent les chants inaltérables. Les titans et les oréades sont ses compagnons de jeu. Les perversions sexuelles le laissent indifférent : il possède les Divinités. Les stimulants chimiques ont pour lui peu d’attraits : il boit à traits profonds la coupe de l’éternité.
Q. : Est-il nécessaire de traverser les recherches éperdues de l’exilé du ciel pour atteindre la gloire de l’Homme transcendant ?
C’est une route. Mais il en est d’autres. L’initiation, par exemple. On peut dire que la plupart des hommes de génie réincarnent de grands initiés. Les maîtres des cryptes secrètes deviennent, sous de nouveaux visages, les fécondateurs de l’âme humaine.
Q. : Y a-t-il correspondance entre le plan artistique et le plan spirituel ?
Une architecture complexe et subtile fait correspondre les plans de l’être deux à deux. En bas, le physique se relie à l’astral qui monte jusqu’au supramental, comme un cri jaillit de l’abîme et atteint les hauteurs solaires. De même, l’éthérique touche le mental, et, par le mental, communique avec l’esprit éternel.
Ainsi, en dehors de l’amour qui nous transfigure, s’ouvrent deux voies royales : l’art et la philosophie, la poésie et la métaphysique. Elles aboutissent, l’une à l’inspiration divine, l’autre à l’intuition cosmique. Le mage brandit le sceptre des créations et le miroir de l’absolu. Mais un art réaliste tombe comme une fusée monte sur la boue, et une démarche froidement intellectuelle ressemble à l’arbre desséché par les vents de l’hiver. L’aigle surhumain a deux ailes : le sentiment et la pensée, qui le transportent dans l’ineffable.