Quand les dieux ont péché contre le Dieu des mondes,
Le bourreau noir surgit, d’épouvante masqué.
Il brandit l’yatagan des flammes infernales
Tandis que grondent les soleils.

Dans l’infini les dieux coupables s’agenouillent,
Courbant la gloire de leur couronne d’éther.
Leur front se pose sur le billot des ténèbres
Couvert d’un velours étoilé.

Et le bourreau géant décapite les dieux
Au vol de son épée de lumière implacable.
Et les têtes divines tombent dans la nuit
Comme d’énormes fruits de braises.

Elles tombent, chantant des paroles sacrées,
Parmi le tournoiement des planètes sans nombre,
Elles tombent au fond des mers et des volcans,
Nids géants des têtes célestes !

Les poètes, fuyant la foule aux cris de hyène,
Rôdent le soir sur les montagnes recueillies,
Ou sur le vert désert des plages scintillantes
Que parfument les îles d’or…

Ils entendent monter du cœur des monts sauvages
Et du poitrail des mers pleines de majesté,
Le chant mystérieux des têtes immortelles
La plainte des dieux enfouis !

C’est pourquoi la chanson des poètes terribles
Ruisselle de frissons, de mystères et d’effrois.
Ils traduisent la plainte en syllabes humaines
Que crèvent les tourments du ciel.

15 mai 1951