Le lait brûlant remplit l’amphore d’argent pur
Verse‑moi les trésors de Memphis et d’Assur.
Ô multiplication des baisers dans l’azur !
Le papillon est toujours libre quand il vole
Ce fleuve où l’on se baigne a pour source le pôle.
Exaspérés des fous que hante le péché,
Je suis impatient comme un ours mal léché
Le ciel bleu est l’abîme où s’engloutit mon âme
Dans mes yeux Uranie met son regard de flamme.
L’eau sert à refléter les antiques oublis.
Ton vrai visage se retrouve dans ses plis.
On contemple en riant la chute des rayons.
C’est la prolixité des bleues inspirations
Les filles de la nuit m’effleurent de leurs ailes.
Leur vol m’emporte vers les rives surnaturelles.
De la bouche des morts sort le cri de la vie
Est‑ce toi, Dieu, qui parle à mon âme ravie ?
Le brasier de l’esprit a pour cendres les mondes.
Le tonnerre est l’archet du violon des mondes
Que le sommeil est doux à l’ombre de tes seins !
Mozart est revenu jouer du clavecin…
Le sanglot des oiseaux fait éclore les roses.
Les imposteurs s’enfuient dans leurs tristes chloroses
Les barques des grands maîtres sont les seuls vaisseaux
Qui brisent des typhons les fabuleux assauts.
Le buffle en mugissant fait palpiter les tombes
D’où montent des essaims d’aigles et de colombes,
La couronne des dieux, c’est le cerveau de l’homme.
Les Hespérides m’ont lancé leurs rouges pommes.
Quand elle enfante des étoiles et des âmes
Je m’enivre à l’odeur cosmique de la femme.
Comme les cordes d’une lyre éolienne
Je ne distingue plus ton âme de la mienne.
La France par la souffrance devient Dieu
Le bois noir du cyprès rend odorant le feu…
L’archange et le diable ont créé la panthère
Les reptiles sifflent lugubrement sous terre
Le grand lion rugit sur la hauteur des monts
Laisse les lourds crapauds baver dans les limons
Mon regard triomphant renversa la géante.
Tous les monstres s’éparpillent dans l’épouvante
Je vous ai délivré d’un souci trop cuisant
Le navire évita le piège des brisants
La lumière s’est balancée dans les étoiles
Sous le souffle inconnu tremblent toutes mes voiles
Le gland contient le chêne et la femme l’archange.
Même l’arbre du mal tout évolue, tout change
Malgré l’obscurité qui ricane et redouble
C’est en dansant sur le soleil qu’on se dédouble
Quand deux hommes s’embrassent, ils pensent aux femmes.
La salamandre rit dans le tombeau des flammes
Ô médecin des morts, tu m’offres tes dictames

10 janvier 1990

François Brousse
Le Sourire de l’astreClamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 22