Apollon

-~24 000 ans av. J.-C., Atlantide

L’île Délos et l’Atlantide

Apollon naquit dans l’île mystérieuse d’Ortygie, qui depuis s’appela Délos, c’est-à-dire la Brillante. Sa naissance s’accompagne d’un miracle, car Neptune éleva les eaux de la mer en forme de coupole, au-dessus de Léto. Sous ce dôme protecteur le dieu vint au monde.

Mais que signifie la légende ? J’y distingue le souvenir de l’immense marée qui engloutit l’île Atlantis… Neptune, le Dieu des océans, cache Ortygie dans ses vertes profondeurs.

Les chevaux d’Apollon, leur circuit terminé, allaient se reposer dans les îles des Bienheureux, aux confins occidentaux de l’univers, où ils broutaient des herbes magiques. (1)

Encore un souvenir de l’Atlantide, du bonheur primitif de la science engloutie…

Ortygie est la transformation d’une Titanide, qui chassée par Zeus, se changea en caille, puis en île flottante. Dans le langage symbolique des Anciens, cela veut dire que la nation des Astéria – c’est le nom de la Titanide – s’empara de certains territoires atlantes où fourmillaient des cailles…

Apollon, lui, est un héros atlante qui s’enfuit de sa patrie natale, lors de l’effroyable catastrophe. Les traditions celtiques le nomment : Lug, le dieu au visage rayonnant. (2)

Lug, nous l’avons vu, surgit des îles du Couchant et apporta aux Gaules, en même temps que sa science magique, la coupe de l’inspiration. Lug-Apollon était un grand prophète. Les Grecs et les Gaulois voyaient en lui la source de la divination prophétique, le Maître mystérieux qui lève les voiles de l’avenir.

(1) – GUIRAND F., Mythologie grecque

(2) – ROTH G. et  GUIRAND F., Mythologie celtique

François Brousse
Les Mystères d’Apollon, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1992, p. 9-10

Phaéton, le cataclysme de feu

Le mythe de Phaéton, fils d’Apollon, cache, d’après les prêtres égyptiens, un embrasement mondial. Ovide en parle comme d’une véritable fin du monde (1). C’est en effet la chute d’une civilisation dans un incendie prodigieux, allumé par une comète géante, et dont les peuples historiques ont conservé le souvenir halluciné.

Les anciens divisaient le monde en cycles énormes, qui formaient la Grande Année. D’après Platon, la Grande Année, comprenant 25 920 années ordinaires, se divise en douze mois et quatre saisons. Pendant l’hiver du monde, les écluses des cieux s’ouvrent, laissant tomber un déluge universel. Pendant l’été du monde, le phénomène contraire explose sinistrement, c’est l’incendie du globe, soit par le passage d’une comète monstrueuse, soit par la suractivité du Soleil devenant tout à coup plus ardent.

Le dernier déluge est décrit par les livres et les traditions de tous les peuples. Il causa l’engloutissement de l’Atlantide, avec sa haute civilisation, dont les incas conservent un pâle reflet.

De nombreux millénaires auparavant, l’empire des Noirs avait disparu dans le cataclysme de feu. Métropoles magnifiques, arts sacrés, science vertigineuse, tout cela s’engloutit sous la ruée des flammes.

Le cycle platonicien de 25 920 ans paraît insuffisant pour rythmer ces phénomènes, cette alternance de déluge et d’incendie, dont l’ampleur épouvante les temps. Les chiffres que donnent les initiés sont habituellement symboliques.

(1) – OVIDE, Les Métamorphoses, Livre 2

François Brousse
Les Mystères d’Apollon, 1992, p. 11- 12

Le serpent Python

Apollon extermina, sous ses flèches ailées, le grand serpent Python qui désolait le Parnasse. On a voulu voir sous ce mythe, la lutte de la lumière contre les ténèbres et le triomphe du Soleil, personnifié par Apollon, sur la nuit, symbolisée par le serpent.

Mais alors pourquoi Apollon est-il souillé par le sang du monstre ? Pourquoi doit-il se purifier ? Ces détails trahissent un meurtre véritable sur de vrais serpents.

En réalité, dans les temps primitifs, les races humaines durent lutter âprement, contre les derniers survivants des dinosauriens, contre l’arrière garde de cette armée de reptiles qui domina le monde, à l’époque secondaire. Les dragons légendaires ont existé dans la réalité. Ils ne disparurent pas tous avant l’arrivée des hommes, et les héros des âges farouches combattirent les monstres antédiluviens, oubliés dans la boue des marécages. De là sortirent les fières légendes qui proclament la victoire du dieu sur le dragon. On les retrouve sous toutes les latitudes :

Dans l’Inde, le héros Krishna immole un dragon monstrueux.

En Mésopotamie, le dieu Bel tue le dragon de la mer en lui jetant le sceau de son âme.

Chez les Hittites, le grand serpent meurt sous les coups du dieu Inar.

Chez les Scandinaves, Thor lutte contre le serpent Migdard qui s’enfuit épouvanté au fond des mers.

Chez les Iraniens, Roustem abat sous son cimeterre un dragon terrifiant.

Sur la terre entière s’érige l’immense figure du vainqueur des serpents. Ces animaux effroyables furent divinisés par la terreur des peuples. On les adora comme étant les maîtres du ciel et de la terre, les empereurs de la mort. Une auréole sacrée enveloppait leurs spirales. Voilà pourquoi d’innombrables dieux-serpents grouillent dans la forêt religieuse. Voilà pourquoi répandre leur sang est un sacrilège, une souillure. Les lutteurs primitifs qui seuls osaient affronter le dieu redoutable, tremblaient en le terrassant. Et l’on retrouve dans la souillure d’Apollon l’écho de cette crainte.

François Brousse
Les Mystères d’Apollon, 1992, p. 13- 14

Apollon Berger

Pour purifier ses mains sanglantes, Apollon se dépouilla de son éclat sublime et devint le berger du roi Admète. Cette légende symbolise l’incarnation des esprits supérieurs dans notre triste humanité. Les grands poètes, les poètes-rois, sont autant d’Apollons ayant perdu momentanément leur couronne solaire. Ils viennent accomplir une mission purificatrice dans l’enfer humain.

Les lions domptés par la lyre du dieu ne sont pas simplement un épisode merveilleux, ils traduisent aussi la souveraineté des mages. Les hommes qui sont parvenus à la réalisation parfaite de leur nature peuvent se promener sans crainte au milieu des fauves. Un magnétisme sacré protège ces nouveaux Daniel. Dans l’harmonie du monde, les lions s’humilient devant les Sages. L’homme ordinaire lui-même, pourvu que son coeur soit pur de craintes, dompterait les monstres par la majesté de son regard.

Bien des prophètes de l’Ancien Testament, Amos par exemple, sont qualifiés de bergers, c’est-à-dire de messagers divins. Cependant, au dessous de cette signification, se distingue une école secrète dont le nom, les Bergers, se répandit dans le monde antique.

La naissance du Christ fut saluée par des bergers que les anges avertirent, bergers évangéliques, bons pour des légendes attendries, mais surtout grands initiés en relation avec les esprits célestes.

Dans la rêveuse Chaldée, ces bergers devaient observer la règle précise de la continence, directive dangereuse qui peut aboutir au détraquement sexuel. Elle peut aboutir aussi à la transfiguration, métamorphosant le magnétisme physique en énergie spirituelle, car la continence absolue, action, désir, pensée, donne à l’homme la souveraineté sur les bêtes. Tant que le héros Sabani vécut chaste, les animaux sauvages lui obéirent. Lorsqu’il eut goûté les voluptés corporelles dans les bras d’une prostituée, les bêtes sauvages se mirent à fuir. Il conserva pourtant sa force prodigieuse. Un véritable initié ne tombe jamais complètement. D’ailleurs la continence ne constitue qu’un chemin parmi les trente-trois routes de la sagesse lancée vers l’absolu. […]

François Brousse

Les Mystères d’Apollon, 1992, p. 15-16

Le prophète Apollon, nourri de la sagesse atlantéenne, connaissait le renouvellement grandiose des âges sous le signe alterné du déluge et de l’incendie. Il communiqua cette doctrine aux disciples européens. Et les mythologies sont pleines de son fauve reflet.

Tant de siècles nous séparent du sage primitif que tous les essais de reconstitution semblent voués à l’impuissance. Pourtant on peut dégager deux traits certains : son grand orage intérieur, sa résurrection mystique et, sur le plan matériel, la guerre d’extermination qu’il entreprit contre les derniers dinosauriens. Ces derniers furent détruits sur l’Atlantide dans le grand mois du Scorpion, il y a environ vingt-six mille années.

François Brousse
Les Mystères d’Apollon, 1992, p. 52

 

Delphes

Apollon fut un grand bâtisseur de villes. Il aimait ceindre le front de la nature avec la couronne marmoréenne des cités. Un chef-d’oeuvre, Delphes, s’érigea sous son intervention magique.

Le navire crétois passe au loin sur la mer ténébreuse. Soudain, un dauphin extraordinaire, environné d’un éclat surnaturel, bondit du sein des flots et s’abat sur le vaisseau, qui miraculeusement, s’immobilise… Les matelots affolés se prosternent devant le terrible dauphin. Il reprend sa forme de dieu : c’est Apollon. Et tandis que le navire, guidé par l’invisible, allait s’échouer sur le rivage de Crissa, le Maître sublime dit aux hommes effarés :

– Nul de vous ne retournera dans sa ville, vous ne verrez plus vos riches demeures ni vos femmes chéries, vous garderez mon temple ! Vous connaîtrez la pensée des Immortels, les hommes vous honoreront et, en souvenir de ma métamorphose, vous m’adorerez sous le nom de Delphinien !

Ainsi, par la volonté du dieu lumière, naquirent les murailles merveilleuses de Delphes. Cette légende signifie probablement qu’Apollon était adoré par les Crétois comme le dieu des navigateurs et des prophètes, ils transmirent son culte à la Grèce naissante. Mais d’autre part, Apollon semble avoir une origine celtique : Hélénus, ancêtre des Grecs, pourrait fort bien n’être que le Bélénus, l’Apollon gaulois.

Nous en concluons que le Dieu hellénique Apollon est formé par la juxtaposition de deux divinités, l’une crétoise, l’autre celtique. Cette dernière conservant le radieux souvenir d’un prophète atlante venu des mers occidentales.

Mais quel que soit le réel fondateur de Delphes, Apollon lui-même ou son prophète Crétois, cet homme avait du génie : grande pensée, la pythie, grande pensée, le collège sacerdotal, grande pensée, les cérémonies magiques.

Le sage delphinien, voulant communiquer avec les dieux, choisit non l’organisme grossier d’un homme, mais la sensibilité nerveuse et éblouie d’une vierge. Exposée aux fumées sulfureuses qui montaient d’une caverne volcanique, une inspiration monstrueuse la saisissait. D’étranges et merveilleuses paroles jaillissaient de ses lèvres. La première pythie, Sibylla, s’écria un jour :

– Quand je serai morte, j’irai dans la Lune et je prendrai pour visage le sien. Je serai dans l’air comme un souffle. Avec les voix et les rumeurs universelles, j’irai partout. (1) […]

À travers un chaos de roches, trois sources intarissables bondissaient. Castalie était la plus belle et la plus célèbre. Les pèlerins, avant d’affronter le dieu dans son sanctuaire, devaient se purifier à ses eaux tonifiantes, symbole de la pureté morale, qui lave et fortifie les âmes.

Une goutte suffit à l’homme de bien, disait la pythie, mais pour le méchant, l’océan tout entier ne le laverait pas !

La pureté formait le premier pas, la connaissance formait le second. Être pur, c’est bien, mais le but réside dans la sagesse éternelle. Or l’homme, ce microcosme, renferme en lui la force de Dieu. Voilà pourquoi flamboyait en lettres d’or dans le temple de Delphes : – Connais-toi toi même et tu connaîtras l’univers et les dieux ! »

Cette parole colossale créa Socrate. L’oracle de Delphes sauva les Athéniens, lorsque les hordes innombrables de l’Asie se ruèrent contre les Grecs. C’est la pythie, c’est Apollon, qui conseilla aux héroïques enfants de Minerve d’abandonner leur ville, de se réfugier derrière des murailles de bois, c’est-à-dire sur leurs nefs intrépides. Ce conseil sauva la Grèce et le monde. Les Athéniens battirent la flotte du roi des rois. Devant l’acier européen, croulèrent les ruées asiatiques. […]

(1) – SCHURÉ Édouard, L’Évolution divine

François Brousse
Les Mystères d’Apollon, 1992, p. 31-33

Apollon

Les hauts rochers te chantent, et les sommets des montagnes et les fleuves qui roulent à la mer, et les promontoires qui s’avancent sur la mer, et les ports. (Homère)

 

Ô ténébreux ! Dompteur des bêtes colossales

Dont la crinière ardente incendie les éthers,

Du haut d’un char aux roues de foudre, aux yeux d’éclairs

Tu verses la bonté des flammes abyssales !

 

Sur l’armure des mers, sur l’épine dorsale

Des montagnes, tu ris d’un rire vaste et clair ;

Les dieux, quand ta colère épouvante les airs,

Chancellent, comme dans un ouragan, des salles !

 

Toi dont le plectre d’or dirige l’harmonie

Des sphères ! Loi vivante et suprême génie !

La sibylle tragique en son crâne te sent ;

 

Tu vêts de majesté l’aède prophétique

Où, trombe de splendeurs sur un trépied mystique

Tourbillonne et flamboie ton être incandescent !

8 février 1931

François Brousse

Le Rire des dieux, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, Clamart, 2006, p. 101

La mort et la résurrectiond’Apollon

La mort et la résurrection des dieux sont le coeur de diamant où palpitent les religions primitives. Osiris, Dionysos, Krishna, Mithra, Attis, Jésus, tous les dieux ressuscitent. Apollon est un trop grand seigneur pour ne pas imiter ses illustres confrères. À la vérité, ce n’est pas exactement lui qui ressuscite, mais le conducteur de son char solaire, le robuste Hélios, avec lequel on le confondit de bonne heure. Hélios fut tué par ses oncles, les farouches titans qui jetèrent dans la sombre mer son cadavre d’or. Mais Hélios-Apollon ressuscita sous la forme d’un astre radieux.

On voit nettement ici le symbole solaire. Ce symbole lui-même voile un autre symbole plus profond : la mort et la résurrection mystiques. Tous les initiés savent que sur le chemin de la divinisation intérieure, il faut traverser des affres morales d’une épouvantable intensité, où s’anéantit la personnalité humaine pour laisser éclore la personnalité angélique. […]

Aussi à mes yeux, la résurrection des dieux cache-t-elle l’historicité des prophètes. Derrière les vainqueurs de la mort se cachent des sages qui jadis foulèrent la terre d’un pied réel. Ces géants attirent sur eux toute l’imaginerie solaire, et la légende les enveloppe de ses brumes mythologiques. Mais le même récit divin peut dissimuler des humanités différentes.

En ce qui concerne Apollon, les Grecs eurent tort de le dédoubler. Primitivement Hélios et Apollon ne formaient qu’un seul être, Hélios dessinant les mythes solaires autour du héros, Apollon n’en conservant que les vestiges humains.

François Brousse
Les Mystères d’Apollon,  1992, p. 36

Autres textes