En quoi sommes-nous responsables de notre ignorance ?

Question à François Brousse

Q. : Voudriez‑vous nous repréciser en quoi nous sommes responsables de notre ignorance ?

F.B. : Notre ignorance est le fruit d’une série de karmas antérieurs. Si nous sommes ignorants, c’est que nous voulons l’être. Nous avons rejeté une multitude de choses qui nous ennuyaient, et cela nous empêche de développer toutes les perfections de notre être ; nous sommes donc responsables de cette ignorance, et nous en sommes pleinement responsables, à chaque instant d’ailleurs. Nous pouvons dire : « Je ne savais pas cela ! » En réalité, on aurait dû le savoir, parce que, si on ne le sait pas, c’est que l’on n’a pas voulu le savoir, et si l’on n’a pas voulu le savoir, c’est que l’on s’est complu dans notre ignorance. Donc nous en sommes responsables. Je parle évidemment des choses essentielles. Les erreurs des savants et celles des mathématiciens ne comptent que fort peu. Seules nous importent les erreurs des métaphysiciens. Si nous admettons ces erreurs métaphysiques, nous en sommes alors responsables ; si nous ne les admettons pas, nous en sommes également responsables, mais dans le meilleur sens du terme. Nous sommes toujours responsables de notre ignorance quand elle est éclairée d’un éclair métaphysique.

Q. : Peut‑on tout savoir sans être réalisé ? Parce que tu dis que quand on ne sait pas quelque chose, c’est qu’on l’a voulu, c’est qu’on en est responsable.

F.B. : On en est responsable, mais je parle des choses essentielles. […]

Les choses essentielles sont par exemple :

  • L’existence de Dieu,
  • L’éternité de l’âme,
  • La liberté humaine,
  • Le karma,
  • La réincarnation,
  • Et la métempsycose.

Tout ceci, nous aurions pu le savoir et si nous refusons de le savoir, c’est que nous l’avons consciemment rejeté, parce que ces vérités sont gravées au fond de notre être par nos expériences intérieures et aussi par la volonté de la Providence qui n’a pas voulu que nous soyons ignorants. Dieu a mis sa griffe de flamme dans notre âme. Si nous la refusons nous en sommes responsables.

Q. : Cela veut‑il dire que ces vérités nous sont révélées lors de notre première vie humaine ?

F.B. : Dans notre première vie humaine, nous rencontrons inévitablement un maître qui nous révèle toutes les vérités fondamentales. Si nous les acceptons, c’est parfait, car alors nous n’avons plus de vie, c’est‑à‑dire que nous vivons une seule existence au terme de laquelle nous entrons immédiatement dans la sphère de l’Éternité. Si nous ne les acceptons pas, nous sommes alors obligés de revenir indéfiniment jusqu’à ce que nous acceptions ces vérités éternelles qui nous ont été révélées.

Il est très simple au fond d’être sauvé. Sitôt que l’on sort de l’espèce animale, on rencontre un maître et il suffit de le croire. Si l’on refuse de le croire – c’est toujours notre libre arbitre qui
parle –, nous sommes obligés de nous réincarner jusqu’à ce que nous ayons touché ces vérités directement par expérience, à travers des centaines d’existences et des milliers de douleurs presque infinies que nous pourrions parfaitement nous épargner.

Q. : Connaissait‑on ces vérités essentielles avant de s’incarner et a‑t‑on choisi de les oublier lors de l’incarnation ?

F.B. : Lors de la première vie humaine, nous connaissions ces vérités essentielles, mais le libre arbitre existe ; donc, tout en connaissant ces vérités, nous pouvons les rejeter et refuser de les reconnaître, ou bien nous pouvons les admettre. Si nous les refusons, nous sommes jetés dans le tourbillon insensé des existences jusqu’à ce que nous arrivions quand même à rencontrer un maître, à avoir une confiance absolue en lui, et, avant de mourir, à penser à lui. À ce moment‑là, nous serons sauvés. Mais nous pourrions nous éviter tout cela. Nous sommes libres. Certains ont absolument envie de savoir ce qui va se passer dans le mal comme dans le bien. Je dirai qu’il s’agit là d’une curiosité légitime, mais dangereuse dont on pourrait je crois fort bien faire l’économie.

Q. : Nous nous infligeons donc toutes les épreuves que nous vivons, mais se peut‑il que des êtres soient éprouvés par les maîtres du karma, lesquels redistribuent un karma plus ou moins négatif, et qu’ils puissent dépasser cette prescription ?

F.B. : Tout le monde peut dépasser tout cela, c’est ce qu’on appelle « la grâce de Dieu ». À un moment donné, quand on sent que l’être est trop malheureux, il se peut très bien qu’un être de lumière descende pour apporter la vérité ; mais parce que notre cœur est pur, en ce sens qu’il est sincère et qu’il demande toujours la lumière éclatante du vrai : il finira par l’avoir. Je dirais même que le rejet égoïste avec la recherche du nouveau est encore une manière de connaître les profondeurs de Dieu. De toutes les manières, que ce soit à travers les ténèbres ou à travers la lumière directe, nous serons toujours sauvés, mais cela peut prendre des milliers d’années.

Q. : Il faut donc vaincre cette épreuve d’en vouloir à des gens qui peuvent nous faire progresser, ce sont en fait des cadeaux ?

F.B. : Oui, tous les gens qui peuvent nous faire progresser sont des cadeaux donnés.

Q. : Même des épreuves que l’on juge mauvaises ; en fait, c’est nous-mêmes qui les jugeons comme telles ?

F.B. : Oui mais en même temps ces épreuves nous apportent des grâces nouvelles et des connaissances que nous n’avions pas jusqu’alors.

Q. : Quelles sont les connaissances métaphysiques des animaux ?

F.B. : Cela dépend desquels. Il y a d’abord des animaux qui sont des animaux, et il y a des animaux qui sont des humains incarnés dans des animaux. Pour les animaux purs, l’homme est un dieu vivant sur Terre et ils ont pour l’homme une adoration éperdue. Par contre, les animaux qui sont des humains incarnés dans les animaux, se souviennent fort bien de toutes leurs erreurs, et, en se souvenant de leurs erreurs, ils peuvent évoluer de plus en plus vers la lumière. Donc les connaissances métaphysiques des animaux sont certaines, qu’ils soient en train d’évoluer de manière normale, ou qu’ils soient des êtres dégénérés, réincarnés dans des animaux qui se souviennent de la vérité divine qu’ils ont rejetée. […]

Q. : Quelles sont les connaissances métaphysiques des autres animaux qui ne sont pas des animaux domestiques, comme le lion, le rhinocéros ?

F.B. : Ils ont des connaissances métaphysiques. Le lion est en communication avec la splendeur des forêts, il a donc une connaissance métaphysique qui lui vient de l’admiration qu’il a pour le monde et pour lui‑même : il se considère comme le roi des animaux et comme l’être le plus extraordinaire que la Terre ait porté. Il a donc un commencement de connaissance métaphysique. Tous ont des connaissances métaphysiques. Le lion a ceci de particulier qu’il est capable de pardon ; le tigre en est incapable. Le lion, lorsqu’il est sur le point de dévorer quelqu’un, peut très bien s’arrêter, par nonchalance, et lui faire grâce par plaisir. Le lion est capable de liberté et aussi capable d’évolution métaphysique. Tous les êtres ont des connaissances métaphysiques, même les rochers.

 

François Brousse

« Entretien avec François Brousse », Clamart, 31 août. 1993, dans Revue BMP N°156, juillet 1997