La pensée hugolienne

La pensée hugolienne

 

Nul front terrestre ne dépasse Victor Hugo.

Il semble que tous les dons humains et surhumains se soient condensés en cet homme prodigieux qui est comme le cœur du monde.

 François Brousse

« Sur Victor Hugo » dans Revue BMP N°325, oct. 2012

Victor Hugo

La renommée de Victor Hugo est assez semblable à ces astres qui s’allument et s’éteignent périodiquement. On le croit mort pendant quelques années, on raille le vieux soleil éteint ; puis, brusquement, l’étoile endormie se réveille avec une splendeur inouïe.

Les autres romantiques sont des dieux, mais des dieux statufiés : ils demeurent immobiles dans le calme de leur gloire. Au contraire, Hugo est vivant ; sa grande âme se mêle perpétuellement aux convulsions actuelles. De même qu’il possède les clefs magiques de la poésie, il possède les clefs brûlantes de la pensée. On ne peut pas l’aimer ou le haïr à demi : il suscite les adorations ou les fureurs. Mais il s’impose comme ces éléphants blancs des forêts du Siam.

François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de Victor Hugo, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1985, p. 19

Victor Hugo

La renommée de Victor Hugo est assez semblable à ces astres qui s’allument et s’éteignent périodiquement. On le croit mort pendant quelques années, on raille le vieux soleil éteint ; puis, brusquement, l’étoile endormie se réveille avec une splendeur inouïe.

Les autres romantiques sont des dieux, mais des dieux statufiés : ils demeurent immobiles dans le calme de leur gloire. Au contraire, Hugo est vivant ; sa grande âme se mêle perpétuellement aux convulsions actuelles. De même qu’il possède les clefs magiques de la poésie, il possède les clefs brûlantes de la pensée. On ne peut pas l’aimer ou le haïr à demi : il suscite les adorations ou les fureurs. Mais il s’impose comme ces éléphants blancs des forêts du Siam.

François Brousse

Les Secrets kabbalistiques de Victor Hugo, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1985, p. 19

Pendant toute sa vie, Hugo a combattu pour diminuer la misère, la tyrannie, et chasser les guerres. Il est le précurseur des États-Unis d’Europe et des États-Unis du Monde.

C’est probablement le premier qui ait parlé des droits de la femme, puis ceux de l’enfant. 

François Brousse

Revue BMP N°56, avril 1988

Hugo dispense aux esprits les pommes d’or des Hespérides intemporelles : la justice.

Toute sa vie fut consacrée au triomphe des causes justes : supprimer la guerre, la misère, l’oppression de l’homme par l’homme, l’aveugle violence. Les tyrannies et les fanatismes, ces forteresses des ténèbres, tremblèrent quand sonna le grand clairon du libérateur. Il proclama, avec l’inlassable ténacité du missionnaire, que la personne humaine est le temple de Dieu, temple infiniment respectable, et dont rien n’autorise la destruction. Vérités suprêmes, horriblement méconnues par le réalisme monstrueux des âges noirs. Dans aucun cas, la violence sanguinaire n’est admissible.

Hugo ira jusqu’à écrire cette phrase prodigieuse, qui devait être la formule de tous les esprits supérieurs : – Je suis pour l’erreur persécutée contre la vérité persécutrice. Platon avait dit : -– On doit répondre à l’injustice par la justice. À ces hauteurs étoilées, justice et amour se confondent. La Vierge armée du glaive et l’adolescent aux ailes de feu recomposent l’androgyne éternel.

François Brousse
Revue BMP N°78, mai 1990

Hugo, après avoir été enfermé dans le christianisme, en est ressorti très rapidement.

Son christianisme était un christianisme théosophique dans le meilleur sens du mot. Parmi ses lectures favorites figurait Fabre d’Olivet qui lui a appris la réincarnation et l’inspiration divine. Fabre d’Olivet a traduit les Vers dorés de Pythagore et cette lecture a profondément inspiré, semble-t-il, Hugo. Je pense que, même si Hugo n’avait pas lu Fabre d’Olivet, il serait arrivé exactement au même résultat.

Pour Hugo, il y a deux espèces de religion : la religion des prêtres, parfaitement ridicule et mauvaise, et la religion divine qui est la contemplation de Dieu en dehors du temps, de l’espace et de la causalité, Dieu, source de l’Être et source de la Valeur, et qui est en même temps celui qui parle au fond du cœur humain sous forme de ce qu’on appelle la conscience.

François Brousse
Conf. « Les mages du romantisme », Paris, 24 juin 1988

1843 est une année primordiale dans la vie du grand révélateur, le poète surhumain, le mage resplendissant Victor Hugo.

Les Burgraves, son drame le plus haut, échoue sur l’ironique scène parisienne et sa fille Léopoldine, si aimée, meurt tragiquement dans le fleuve azuré. Un choc terrible ébranla le cœur du prophète. Il se tourna plus intensément vers le maître voilé qui distribue la mort. Ses méditations farouches sur le mystère des tombes ont engendré les poèmes des Contemplations, tout ruisselants de flammes et de larmes. Il y passe un prodigieux frisson transcendantal, la fièvre de l’infini. […]

Puis vinrent la révélation spirite (elle débute en 1848, avec les phénomènes d’Hydesville), les ouvrages extraordinaires d’Éliphas Lévi, la prédication ardente d’Allan Kardec, les pyramides de science céleste bâties par Helena Blavatsky, les visions de Saint‑Yves d’Alveydre, les élans vertigineux de Rudolf Steiner, l’apostolat d’Annie Besant, les messages explosifs de Krishnamurti. Au milieu de tout ce tourbillon, les livres de Hugo, publiés de son vivant ou posthumes, flamboyaient comme des comètes, depuis Les Contemplations jusqu’à Océan, qui parut en pleine guerre mondiale (1942).

François Brousse
Commentaires sur l’Apocalypse de saint Jean – t. 1, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2001, p. 76

« Tout vit. Tout est plein d’âmes »

Cette formule hugolienne se trouve dans « Ce que dit la bouche d’ombre ». Hugo est le premier à dire au XIXe siècle cette vérité magique. Il admet que la Terre est la geôle de l’univers et qu’on y trouve des esprits venant de toutes les planètes, des esprits dégradés, des esprits punis qui se débattent à l’intérieur non seulement des êtres humains, mais aussi des animaux, et même des plantes, des pierres, des minéraux et par-dessus le marché à l’intérieur des objets fabriqués par l’industrie humaine.

[1]François Brousse
Revue BMP N°79-80, juin-juill. 1990

Nouvelle édition – Juin 2025

QUATRIÈME DE COUVERTURE

Tous les grands poètes et tous les grands prophètes ont deux visages : un visage exotérique et un visage ésotérique ; un visage qui répand un regard particulier, souvent singulièrement humain, et un visage qui répand un regard inspiré, la plupart du temps divin.

Victor Hugo parle avec un Verbe si brillant, si extraordinaire, avec des métaphores si resplendissantes qu’on est ébloui par cet éclat, mais on ne voit pas derrière ce voile de splendeur le visage de l’éternelle sagesse. Victor Hugo a choisi la beauté, il prend place parmi les plus grands prophètes de tous les temps.

François Brousse dévoile dans cet ouvrage la métaphysique hugolienne et des aspects cachés du poète-mage.

Ce recueil fait suite et vient compléter l’essai Les Secrets kabbalistiques de Victor Hugo, il rassemble un ensemble de conférences de François Brousse dispensées dans plusieurs villes de France entre 1982 et 1993.

Hugo savait très bien que la destinée de l’homme est d’arriver à l’unité de tous les peuples, à l’unité de toutes les religions, à l’unité de toutes les philosophies.

François Brousse
Splendeurs ignorées de la pensée hugolienne, Paris, Éd. La Licorne Ailée, 2025

« Ce que dit la bouche d’ombre »

« La Bouche d’Ombre (1) » profère les nouvelles vérités, les vérités éternelles.

L’origine du mal, par l’impossibilité où se trouve le Parfait de créer le Parfait, sans quoi les deux Parfaits se confondraient en Un. La créature doit être, par nature, imparfaite. « Donc Dieu fit l’univers, l’univers fit le mal. »

La décadence cosmique, de l’ange à l’esprit, et de l’esprit à l’homme. La Terre, un des bagnes du système solaire, qui renferme dans tous ses règnes, minéral, végétal, animal, hominal, des âmes punies. L’homme, par sa liberté, plateforme tournante du monde idéal et du monde matériel. L’ange y descend, la bête y monte.

La loi de répercussion qui nous fait subir le long des vies successives le contrecoup fatal de nos actes et de nos pensées.

Enfin, l’inévitable apothéose de l’univers, car toutes les âmes obtiendront la libération des chaînes terrestres. Les voyageuses de l’infini rentreront, après de longues odyssées, au port de la Béatitude.

C’est par l’amour et la pensée, deux ailes surnaturelles, que l’insecte humain se transfigure en puissance divine.

 (1) – Les Contemplations (1856), Livre sixième – Au bord de l’infini, XXVI, « Ce que dit la bouche d’ombre »

François Brousse
Nostradamus ressuscité,  t. II, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1997, p. 188-189

Religion et Religions de Victor Hugo développe l’idée que les religions fanatisent l’ignorance humaine, mais qu’il existe, au‑delà de ces fantômes, une religion métaphysique, proposée aux mages et aux prophètes.

Elle est le souvenir et l’espérance de l’humanité.

François Brousse

Revue BMP N°65, mars 1989

Hugo, pour l’Église catholique tout entière, avec ses papes et ses dogmes, a très peu d’admiration. Le poète, du fond de son âme, croit en Dieu, qui unit en Lui la puissance, l’amour, la raison, et une infinité d’autres attributs inconcevables pour l’esprit humain.

Au nom de la raison universelle – reflet de Dieu –, il s’attaque à l’absurde forteresse des dogmes. Écoutez cette page fulgurante :

Vous prêtez au bon Dieu ce raisonnement-ci :
 – J’ai, jadis, dans un lieu charmant et bien choisi,
Mis la première femme avec le premier homme ;
Ils ont mangé, malgré ma défense, une pomme ;
C’est pourquoi je punis les hommes à jamais.
Je les fais malheureux sur terre, et leur promets
En enfer, où Satan dans la braise se vautre,
Un châtiment sans fin pour la faute d’un autre.
Leur âme tombe en flamme et leur corps en charbon.
Rien de plus juste. Mais, comme je suis très bon,
Cela m’afflige. Hélas ! comment faire ? Une idée !
Je vais leur envoyer mon fils dans la Judée ;
Ils le tueront. Alors – c’est pourquoi j’y consens –
Ayant commis un crime, ils seront innocents.
Leur voyant ainsi faire une faute complète,
Je leur pardonnerai celle qu’ils n’ont pas faite ;
Ils étaient vertueux, je les rends criminels ;
Donc je puis leur rouvrir mes vieux bras paternels,
Et de cette façon cette race est sauvée,
Leur innocence étant par un forfait lavée (1).

Ni Voltaire, ni les Encyclopédistes, ni Renan, ni Anatole France, ni personne, n’a écrit une page aussi remplie de révolte, d’ironie et de logique. Il importait pour l’honneur de l’esprit, pour la gloire de la véritable religion, qu’un grand penseur osât secouer avec une pareille violence le dogme incohérent du péché originel.

(1) – Religions et Religion (1880), I, Querelles, VII – « Chef d’œuvre » et VIII – « Suites »

François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de Victor Hugo, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1985, p. 21

Quelle est l’origine même du mal ?

Pour les matérialistes, il n’y a pas d’origine, car il n’y a ni bien ni mal ; c’est soit le hasard, soit le déterminisme.

L’explication des chrétiens est un peu puérile, car selon eux, Dieu aurait mis Adam et Ève dans un jardin, il y a 4 000 ou 5 000 ans, et il leur aurait interdit de prendre le fruit de l’Arbre de la science du bien et du mal. Ils auraient désobéi à l’instigation de Satan qui aurait pris la forme d’un serpent pour les séduire et Dieu, se mettant en colère, les a mis à la porte du paradis, et nous portons le poids de la naïveté, pour ne pas dire l’imbécillité, de nos premiers parents. Cette explication a la particularité de nous rendre responsable des fautes d’êtres qui existaient des milliers d’années avant notre naissance. C’est donc d’une injustice absolue. Et pour compléter cette injustice absolue, il y a ce qu’on appelle « le péché mortel », c’est-à-dire que si vous défiez les commandements de Dieu ou de l’Église, vous êtes condamnés à des peines éternelles, à souffrir pendant l’éternité. Cette espèce de folie, propre aux cerveaux médiévaux, est encore partagée par de nombreux contemporains. Je crois que, dans l’avenir, elle s’effacera comme un cauchemar.

En face de ces affirmations pour le moins chaotiques, se dresse l’explication hugolienne :

Dieu n’a créé que l’être impondérable.
Il le fit radieux, beau, candide, adorable,
Mais imparfait ; sans quoi, sur la même hauteur,
La créature étant égale au créateur,
Cette perfection, dans l’infini perdue,
Se serait avec Dieu mêlée et confondue,
Et la création, à force de clarté,
En lui serait rentrée et n’aurait pas été.
La création sainte où rêve le prophète,
Pour être, ô profondeur ! devait être imparfaite.

Donc, Dieu fit l’univers, l’univers fit le mal (1).

Hugo nous rappelle comment l’être descend de plus en plus de son rang d’ange jusqu’au rang humain. Et là, étant humain, il est libre et il a la possibilité d’agir comme un être humain, auquel cas il revient sur la Terre, ou bien d’agir comme un être divin, auquel cas il remonte dans le ciel des idées, ou bien d’agir comme un être animal, auquel cas il descend dans le cercle infernal des existences animales.

Cette idée de métempsycose, c’est ce que Hugo apporte de nouveau. Quand je dis qu’elle est nouvelle, elle est nouvelle en Occident ; car, à la suite je crois surtout du christianisme, on prétendait que l’être humain avait une dignité absolue et qu’il était totalement différent de l’être animal. À partir de cette théorie, on s’est permis de considérer l’animal comme un objet qu’on peut tuer, qu’on peut livrer à la vivisection, qu’on peut torturer sans le moindre remord, puisque c’est un être dépourvu d’âme. Au contraire, les platoniciens, les pythagoriciens, les druides, les hindous et les Tibétains croient tous à la métempsycose, et c’est pourquoi ils auront, vis à vis de l’animal, une attitude infiniment plus humaine et infiniment plus belle. Le Bouddha déclarait qu’il fallait aimer, non pas simplement les humains, mais aussi les animaux. Il allait jusqu’aux plantes, aux rochers et aux étoiles. Vous retrouvez cet amour universel dans Hugo qui dépasse bien entendu le christianisme et la plupart des ésotéristes contemporains, tellement orgueilleux d’être homme qu’ils refusent absolument d’admettre qu’on puisse retomber dans l’animal. Et pourtant, il suffit de voir les bourreaux, ou nazis ou totalitaires, qui ont déshonoré le monde, il suffit de voir Staline ou Hitler pour constater que l’homme peut être pire que l’animal et qu’il peut, grâce à son libre arbitre, tomber encore plus bas.

Non seulement Hugo apporte une explication lumineuse et claire à l’origine du mal – différente du jardin d’Éden, différente du hasard ou des combinaisons inconnaissables du matérialisme –, une explication qui satisfait le cœur ainsi que l’intelligence, la raison et l’esprit, mais ce qu’il a apporté de nouveau, c’est également l’idée de la métempsycose. Il n’est pas tout à fait exact de dire qu’il s’agit d’une idée nouvelle puisqu’elle apparaissait déjà chez Pythagore, Platon, Plotin, Jamblique et Porphyre, c’est-à-dire dans les esprits les plus géniaux de l’Antiquité. Cette idée a séduit énormément d’esprits à travers les âges et elle continuera encore à en séduire.

Une autre idée nouvelle de Hugo, c’est que, non seulement les objets inertes sont pleins d’âmes vivantes, mais il va jusqu’à dire que s’il y a des âmes dans les roches, il peut y en avoir aussi dans les objets créés par l’homme. Les objets créés par l’homme peuvent être remplis par des âmes châtiées qui y sont enfermées. La hache, par exemple, contient une âme ; le billot en contient une autre. Il va jusqu’à dire que la tenaille du bourreau contient Louis XI et Philippe II (2)

(1) – Les Contemplations (1856), Livre sixième – Au bord de l’infini, XXVI, « Ce que dit la bouche d’ombre » (Jersey, 1855)

(2) – « La pince qui rougit dans le brasier hideux / Est faite du duc d’Albe et de Philippe Deux », dans Les Contemplations (1856), Livre sixième – Au bord de l’infini, XXVI, « Ce que dit la bouche d’ombre »

François Brousse
Conf. « Victor Hugo », Strasbourg, 18 juin 1988
Dans Splendeurs ignorées de la pensée hugolienne, Paris, Éd. La Licorne Ailée, 2025

 

Après la chute, la rédemption commence. Les globes sont des bagnes qui se rachètent par la souffrance et par l’amour. Pas d’enfer éternel.

Les âmes, à travers des palingénésies purificatrices, progressent vers le bonheur. Elles peuvent tomber jusqu’au fond le plus ténébreux des êtres, mais leur déchéance n’est que momentanée.

Quant à l’homme, il forme la ligne entre les esprits supérieurs qui vivent dans l’invisible, et les âmes emprisonnées dans la matière. Les Dieux punis s’y mêlent aux monstres pardonnés. L’homme doit travailler à devenir plus intelligent et meilleur. Ainsi il se sauvera lui‑même, et il contribuera à sauver l’univers. Possesseur du libre arbitre, il ignore ses vies antérieures. Son âme communique directement avec l’âme divine par la prière, la méditation, l’amour…

Puissante construction métaphysique, la religion de Hugo rejoint sans peine la pensée des sages de l’Inde, et ce libre christianisme qui va des gnostiques aux anthroposophes, à travers les siècles fécondés. Mais elle se heurte aux églises murées dans leurs dogmes de granit, aux fureurs du fanatisme et de la sottise. Jamais une hiérarchie ecclésiastique n’admettra qu’on puisse atteindre Dieu en dehors de ses enseignements. Hugo convie tous les hommes à découvrir Dieu par leur raison et leur cœur. L’Église affirme :  – Les mystères incompréhensibles de Dieu sont révélés par moi seule !

Hugo déclare que toutes les âmes, après des réincarnations plus ou moins longues, trouveront le paradis. L’Église proclame que l’enfer éternel attend les incrédules et les impies ! L’opposition entre les deux doctrines est irréductible

À vrai dire, le poète ne condamne pas les églises de façon absolue. Dans l’humanité, les âmes n’ont pas le même degré de développement ; cela rend les religions nécessaires pour les esprits encore faibles, qui ne peuvent trouver en eux-­mêmes l’éblouissante vérité. Ces esprits atteindront un stade supérieur lors de leurs réincarnations ultérieures. Pour le moment, il leur faut des lisières.

Toutefois, les prêtres ont le devoir de rester dans leur rôle de prêtres. Quand ils prétendent gouverner les peuples, le désordre et la mort s’introduisent au sein des sociétés.

François Brousse
Dans la Lumière ésotérique, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1999, p. 294-295

 

ÉCRIT SUR UN EXEMPLAIR DE LA DIVINA COMMEDIA

Un soir, dans le chemin je vis passer un homme
Vêtu d’un grand manteau comme un consul de Rome,
Et qui me semblait noir sur la clarté des cieux.
Ce passant s’arrêta, fixant sur moi ses yeux
Brillants, et si profonds qu’ils en étaient sauvages,
Et me dit : — J’ai d’abord été, dans les vieux âges,
Une haute montagne emplissant l’horizon ;
Puis, âme encore aveugle et brisant ma prison,
Je montai d’un degré dans l’échelle des êtres,
Je fus un chêne, et j’eus des autels et des prêtres,
Et je jetai des bruits étranges dans les airs ;
Puis je fus un lion rêvant dans les déserts,
Parlant à la nuit sombre avec sa voix grondante ;
Maintenant, je suis homme, et je m’appelle Dante (1).

 Victor Hugo, Juillet 1843

Hugo, par sa seule intuition, a prévu l’évolution universelle, qui monte du minéral au végétal, du végétal à l’animal, de l’animal à l’homme.

Les trois principales étapes du monde animé palpitent dans la pensée du prophète.

Mais ce poème, merveilleusement intuitif, contredit la théorie hugolienne des archanges solaires. Dante ne descend pas des astres, il émerge au contraire des profondeurs du globe. Le mouvement n’est pas lancé de haut en bas, mais bien de bas en haut. Dante ne surgit plus du fond des espaces flamboyants, il se forme lentement dans les entrailles terrestres. Qu’est-ce à dire ? La clef de cette contradiction monstrueuse brille dans ces vers :

Dieu mêle en votre race, hommes infortunés,
Les demi-dieux punis aux monstres pardonnés (2).

En réalité, deux mouvements s’entrecroisent en la race humaine, la descente des Archanges, et la montée des animaux. L’immense âme dantesque vitalisa des formes nobles parmi les êtres inférieurs, montagne, chêne, lion, avant de donner sa fleur magique.. Il faut donc compléter la théorie hugolienne des Mages par l’arrivée, sur le chemin de l’évolution universelle, d’âmes prédestinées. Le Soleil n’est pas la seule racine des surhommes ; la Terre les engendre aussi. Ils sont la plus haute pensée de Démogorgon. En eux, l’esprit de la Terre se pénètre de lumière.

 

(1) – HUGO Victor, Les Contemplations. Livre III

(2) – HUGO Victor, Les Contemplations. « Ce que dit la bouche d’ombre »

François Brousse
Revue BMP N°146 – septembre 1996

 

Les caodaïstes

Le poète-mage Victor Hugo se nomme initiatiquement Olympio, que certains ont la naïveté de considérer comme un simple tribun, alors qu’il est un des prophètes les plus prestigieux de l’humanité.

Les caodaïstes indochinois l’ont placé à juste titre parmi les Grands Maîtres du monde, aux côtés du Bouddha, de Jésus, de Confucius et de Lao Tseu. Ils auraient pu compléter cette liste par Pythagore et Krishna, mais de toute manière, leur religion est un rubis vivant qui répand l’amour universel et l’adoration des grands libérateurs.

Victor Hugo fut tour à tour royaliste (dans son enfance, sous l’influence de sa mère), puis républicain, ensuite socialiste, enfin ce qu’on pourrait appeler anarchiste spiritualiste.

Sa formule était : « L’homme libre sous Dieu souverain ».

Derrière tous ces masques brillait le même visage de lumière. Il enseigna toujours le respect de la vie humaine et la tolérance universelle. Cette succession de titres est elle‑même un enseignement, car l’appartenance politique est chose superficielle, seuls comptent la clémence du cœur, et l’élan vers Dieu. 

François Brousse
Revue BMP N°56, avril 1988

 

L’Avatar

Très peu savent que Hugo est en somme l’un des plus grands écrivains et l’un des plus grands visionnaires et l’un des plus grands prophètes et l’un des plus grands mages de tous les temps. Dans l’Avatar du XIXe siècle, il occupe une place de choix. Cet avatar du XIXe siècle comprend : Ramakrishna, Helena Blavatsky, Le Bab, Vivekananda et Victor Hugo, lequel représente la joie en même temps que la beauté en même temps que la splendeur.

François Brousse
Conf., « Le Baptême du duc de Bordeaux », Prades, 17 mai 1982

Les vrais prophètes

L’image de l’Envoyé contient toujours de merveilleux mystères.

Par l’essentiel de son âme, il se relie à l’amour universel. Les faux prophètes expectorent la haine des classes, des races ou des individus. Les faux prophètes jettent sur la Terre un glaive trempé de sang.

Les vrais fils de Dieu proclament la bonté, la pitié, la miséricorde. Ils jettent sur la Terre des semences de lumière éternelle. Ils sont les grands semeurs de la charité céleste. Ils proclament l’oubli des injures, la bienveillance envers les hommes et les animaux. C’est le carrefour où se rejoignent Krishna, Bouddha, Jésus, Manès et Victor Hugo.

François Brousse
Revue BMP N°134-135, juin-juill. 1995

Hugo, chronologiquement, est l’un des premiers théosophes du XIXe siècle.

Dans les Odes et Balades, à son aurore, le poème « l’âme », daté du 24 juin 1823 (le jour de saint Jean-Baptiste, le Précurseur, fête occultiste s’il en fut), proclame le caractère éternel de notre être.

Hugo sait que son génie provient de son âme divine, qu’elle a vu la formation des mondes sous le souffle de Jéhovah, qu’elle a visité le gouffre où trône le roi du mal, qu’elle remonte par instants au paradis et qu’elle reviendra à la source première. Hugo nomme Dieu :

Lui, centre commun des âmes
Foyer de toutes les flammes,
Océan de tous les flots…

L’épopée métaphysique de l’âme éternelle sortant de l’Absolu et y retournant se trouve puissamment évoquée dans cette Ode.

François Brousse
Dans la Lumière ésotérique, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1999, p. 286

Synthèse harmonieuse du génie poétique et du génie gnostique, fils de l’éclatante lumière et des ténèbres primordiales, tel fut le gigantesque Victor Hugo.

C’est surtout dans le poème Dieu que se déploie son envergure capable d’ombrager les milliards de mondes qui rôdent dans l’abîme. En cette œuvre, le génie humain atteint sa plénitude de surhumanité.

François Brousse

Nostradamus ressuscité,  t. II, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1997, p. 194

ENTRETIEN (Extrait)

Pourrais-tu commenter cette phrase de Victor Hugo : « Les grands hommes, mépris du temps qui les voit naître, / Religion de l’avenir[1] ! »

F.B. : C’est une vérité universelle. Jésus avait dit quelque chose de ce goût-là : « Nul n’est prophète en son pays », et l’un des signes les plus nets de la vérité d’un prophète est d’être méconnu de son époque, à tel point qu’on se demande souvent s’il a réellement existé. Après, au fur et à mesure que les siècles passent, les vérités réapparaissent dans l’ombre et dans le Soleil : on comprend alors la grandeur du Maître, toute la puissance de son message et, en même temps, la radiation magnétique de son être, qui féconde ou qui a fécondé toute la Terre et lui permet d’avancer graduellement vers la libération suprême. En somme tout est dans ce vers. Ensuite, quand on a compris la grandeur du Maître, il suffit de méditer sur lui pour être sauvé. Si on arrive à méditer sur un grand Maître et à penser à lui au moment de mourir, on est absolument sauvé et on n’a plus besoin de se réincarner sur les tristes planètes matérielles.

[1] HUGO Victor, Les Voix intérieures (1837), XI, « Dédain », I.

François Brousse

Entretien, Clamart, 21 oct. 1992

La création de Hugo est comme une montagne à deux versants, l’un plein de lumière, l’autre noyé de ténèbres et de mystère. Sur le versant lumineux se dresse le tribun, sur le versant ténébreux se dresse le prophète.

Le tribun, auquel on a reproché de flatter et de trahir toutes les causes, présente au contraire un majestueux monolithisme moral.

Dans les royalistes Odes et Ballades comme dans le socialiste L’Art d’être grand-père, Hugo reste l’inébranlable défenseur de la liberté et de l’humanité. Son évolution – voulue par Dieu – démontre une essentielle vérité, si oubliée : on peut être noble et grand dans n’importe quel parti politique. D’autre part, elle résume la montée du peuple, qui jadis mourait pour le Roi, et marche maintenant vers la fraternité universelle.

Toujours, le mage fut un microcosme étincelant.

Dans sa pitié profonde, Hugo combattit avec acharnement la peine de mort, cette honte des nations civilisées. Il en étale la sauvagerie et l’inutilité. Il dénonce la sombre horreur qui tombe des échafauds sur les villes muettes. Il veut guérir ou racheter le criminel, dont les actes ont le plus souvent des racines sociales, et non le tuer. « Je ne veux pas la mort du pêcheur » avait déjà dit le Nazoréen… »

Du point de vue ésotérique, les ailes de la raison ombragent Hugo. Le Karma donne exactement aux hommes ce qu’ils ont donné, la mort ou la vie, la haine ou l’amour. Donc, le sang d’un criminel exécuté empoisonne tout l’organisme social. Quant à l’innocent ou au juste assassiné par les lois, son cadavre pèse d’un poids terrifiant dans les balances divines… Pour l’équilibre de la société, comme pour le bonheur de l’individu, la peine de mort doit disparaître.

Hugo s’est dressé violemment contre Napoléon III, ce nain difforme, successeur d’un géant. L’attitude hugolienne érige en plein azur la résistance de l’esprit contre les dictatures. Le tribun, épris de justice, prend la stature du pontife. Son livre des Châti­ments fulgure sous les voûtes de l’éternité. Poèmes de haine ? Non, mais d’indignation et d’espoir. Il fustige les massacreurs, les Jésuites, les bourgeois hideux qui s’enrichissent de la sueur des misérables, l célèbre le dévouement des proscrits, l’élan révolutionnaire, la future fraternité dont la lumière auréolera les peuples.

François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de la Bible, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1987, p. 251-252

L’âme de Hugo est devenue identique à l’âme du cosmos. Il est de la même taille, dans le même lieu, que Jésus le Nazoréen, que Krishna, que Bouddha et Orphée.

François Brousse

Revue BMP N°24, juin 1985

La Religion de Hugo se résume ainsi : croire en Dieu créateur et sublime dont les prêtres sur Terre sont les génies. C’est tout. Il faut Lui offrir comme prière un amour universel.

François Brousse
« Sur Victor Hugo » dans Revue BMP N°325, oct. 2012

RECHERCHES

Pas un Mage n’est arrivé

Jusqu’au grand soleil qu’il rêvait

Pas un titan plein de colère

N’a brisé l’étoile polaire ;

Nul, pas même Milarépa

N’a trouvé la clef du trépas ;

Nul penseur, pas même Voltaire,

N’a forcé l’abîme à se taire

­Nul puissant Flammarion

N’a trouvé le nid des rayons,

La sublime Isis dévoilée

N’a jamais été violée.

Mais par la plume de Hugo

L’homme et Dieu deviennent égaux.

16 octobre 1989

François Brousse

La Rosée des constellations, Clamart, Éd. la Licorne Ailée, 1991, p. 140

Hugo se place, non seulement parmi les plus hauts génies poétiques de tous les temps, mais encore parmi la couronne des révélateurs et des prophètes.

Cette couronne d’émeraudes vivantes qui ceint le front de l’Inconcevable. Les kabbalistes le connaissent sous le nom de Mage Olympio.

François Brousse

La Trinosophie de l’étoile Polaire, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1990, p. 39

DIATRIBE

Oui, vous avez le droit de rejeter Hugo
Et moi j’ai bien le droit de vous trouver idiot !

Vous avez le loisir de faire grise mine
Au géant que l’aurore insondable illumine ;
Mon rêve a le plaisir de vous savoir petits
Et de vomir vos noms dans la fange engloutis.

Touchez avec précautions le feu splendide
Car il pourrait brûler vos doigts.
Ô crapauds bafouilleurs, rampez dans l’ombre vide,
Ces oies se prennent pour des rois…

Pour comprendre le maître, il faut avoir dans l’âme
L’orchestre des parfums, non une plaie infâme ;
Pleutres, vous admirez les écraseurs d’humains :
Lui, n’aime que l’étoile aux radieux chemins !

Vils histrions, léchez l’inconstante vipère
Dans vos antres de fiel !
Cela n’empêche pas la mer et le tonnerre
D’adorer l’Éternel.

Dans le bleu de l’abîme on voit songer l’augure :
L’âme en chantant les Dieux monte et se transfigure !

François Brousse
Ivresses et Sommeils, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2e éd. 1989, p. 50

Le kabbaliste Hugo, sur le frémissement de l’antique terre des druides, essaya de fonder la religion des mages, où les poètes, mêlés aux prophètes, étaient considérés comme des missionnaires divins.

Il donne de ces géants une liste colossale ; d’un côté : Hésiode, Orphée, Zoroastre, Moïse, Pythagore, Jésus, Manès ; de l’autre : Homère, Eschyle, Job, Isaïe, Dante et Shakespeare (1). Cette souveraine tentative est la dernière expression en date du génie celtique dont les deux ailes embrassent les deux
mondes : mysticisme et poésie. Dans le cœur de Hugo ressuscitèrent les anciens bardes qui cherchaient parmi les cromlechs bleuis par la Lune, la fusion avec l’Être suprême.

(1) – HUGO Victor, William Shakespeare

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 88

Le lion dela justice, Hugo, toujours, a défendu l’éternelle justice, protégeant les faibles, combattant les tyrans, réclamant l’équité sociale, faisant de l’harmonie l’âme même de Dieu. Ce qui lui donnait la croyance aux transmigrations de l’esprit et à l’équilibre cosmique.

François Brousse

La septième Erreur de l’humanité, « III – L’enchanteur Merlin », Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 15-16 

 

François Brousse
Pensée inédite

 

Mes chers amis, il est évidemment très difficile de parler de Hugo, attendu que depuis un siècle, il n’a cessé d’être le fantôme obsesseur de toutes les intelligences.

La plupart des grands maîtres du passé, des grands philosophes, des grands écrivains reposent en paix : personne ne les ennuie ; mais lui n’est pas une momie, il est un être vivant et, sitôt que l’on prononce le nom de Hugo, on peut dire que d’une manière générale il y a à la fois des enthousiasmes déchaînés et des haines forcenées. Pourquoi cet extraordinaire spectacle ? […] C’est un être vivant et non pas une momie poussiéreuse pétrifiée dans les annales du passé, il est une âme vivante qui se mêle à l’humanité, il est devenu Un avec la vie multiple aux millions de visages ; voilà pourquoi il est toujours présent et voilà pourquoi il sera presque toujours contesté. […] Il en est ainsi pour la plupart des êtres divins qui ont surgi sur la Terre : Jésus, Bouddha et d’autres ont tous été contestés […].

Hugo bouleverse tout. Il arrive avec la puissance d’un ouragan. Il renverse tous les obstacles se présentant devant lui et apporte en même temps des torches flamboyantes qui sont l’amour, la beauté et l’intuition : il est difficile de ne pas entendre frapper à notre porte la main de Dieu qui nous demande d’entrer. […] Hugo est, parmi les esprits humains et divins, une des figures les plus puissantes, les plus étonnantes, les plus profondes.

François Brousse
Conf. « La lumière inconnue de Victor Hugo », Paris, 22 mai 1985