L’androgynie n’est‑elle pas la fusion avec le maître ?

Question à François Brousse

Q. : L’androgynie n’est‑elle pas la fusion avec le maître ?
F.B. : La fusion avec le maître est toujours une espèce d’androgynie, car le maître est, en principe, à la fois l’éternel masculin et l’éternel féminin, fondus en une seule synthèse ineffable et divine. Donc, on peut toujours aboutir à n’importe quel androgynat avec le maître, si vous avez un maître réel. Mais si vous avez un maître secondaire, tertiaire ou quaternaire, vous n’aurez absolument rien.

 Q. : Pouvez‑vous préciser ce qu’est l’androgynat avec l’ange, qui lui n’est que sur le plan mental ?
F.B. : L’ange, qui est sur le plan mental, est capable de descendre sur le plan astral et d’avoir une fusion avec le disciple, si celui‑ci ou celle‑ci s’élève sur un plan supérieur. Parce que tout est possible, même l’union avec un ange, même, j’allais presque dire, l’union androgynique avec Dieu. Tout peut se réaliser, il suffit d’avoir au cœur une aspiration suffisamment ardente et pure pour que tout se réalise, pour que l’ange descende et même l’archange. On peut faire l’amour également avec les extraterrestres dans une espèce de fusion totale et supérieure.

 Q. : Y a‑t‑il des androgynes dans les autres règnes, chez les elfes, les fées ?
F.B. : Il y a des androgynes dans tous les règnes. Il peut y en avoir par conséquent chez les elfes, chez les fées, chez les korrigans, chez les gobelins, chez les gnomes. Il peut par conséquent y avoir l’éclat mystérieux du soleil éternel qui se condense en un seul androgyne. C’est possible dans n’importe quel domaine, tout est possible, actuellement, parce qu’il ne faut pas oublier que nous arrivons à la fin d’un cycle. Et, à la fin d’un cycle, ce qui n’était pas possible dans les cycles antérieurs, devient possible. Tout est possible. C’est inquiétant et aussi rassurant. Vous pouvez vous jeter à l’aventure sur les flots éperdus de la mer infinie.

 Q. : Existe‑t‑il des planètes édéniques réservées aux androgynes ?
F.B. : Certainement ! Le monde étant infini, il est impossible qu’elles n’existent pas. Elles sont belles, elles sont de couleurs surnaturelles, elles sont toutes baignées de la Huitième Couleur et elles sont toutes pénétrées par la Quatrième Dimension. Elles n’existent peut‑être pas dans notre système solaire, elles n’existent peut‑être pas dans notre galaxie, mais elles existent dans d’autres galaxies. Il y a des milliards et des milliards de milliards de galaxies, il y en a certainement une qui correspond à ce que vous venez de dire. Il serait extraordinaire que nous ayons des idées que Dieu n’aurait pas eues avant nous !

Q. : Comment sait‑on quand on a atteint l’androgynat ?
F.B. : On ne peut plus se passer de la présence de l’autre. Nous avons alors atteint un androgynat. S’il est en dehors, nous sommes malheureux et si jamais il meurt, nous mourons en même temps que lui. Évidemment, il faut attendre la fin de notre vie pour savoir si nous sommes parvenus à l’androgynat, mais en principe il est impossible que l’on puisse se passer de l’autre qui est, en quelque sorte, notre air respirable et nous ne pouvons pas vivre sans lui. S’il nous manque, c’est une déchirure profonde et si nous arrivons à le revoir, c’est en même temps une union d’une joie infinie.

Il arrive aussi que lorsque nous mourons, il meurt. Ou lorsqu’il meurt, nous mourons. Nous avons ainsi atteint l’androgynat. C’est un phénomène très rare mais, de toute manière, il existe et il existera toujours. Swedenborg a écrit une page admirable là‑dessus dans son livre L’Amour vraiment conjugal. […] Si notre être androgynique est parti, on peut avoir par des mariages célestes des unions avec cet être disparu dans l’éther et nous reformons de cette manière‑là un véritable androgynat.

Q. : La voie de l’androgyne, pour atteindre l’illumination, n’est‑elle pas une voie difficile ?
F.B. : Je crois qu’elle est assez difficile, comme toutes les voies d’ailleurs. Pour atteindre l’androgynat, il faut se donner absolument à un être, ne vivre que pour lui, n’exister que pour lui et abandonner tout pour lui. C’est un travail de sacrifice permanent qui exige une volonté prodigieuse. C’est extrêmement difficile.

Q. : Faut‑il que pour les deux ce soit réciproque ?
F.B. : Il faut que ce soit réciproque. Par conséquent, c’est rarissime et presque impossible, mais cela existe quand même, une fois sur cent milliards.

Q. : Qui est Saraha [1], le fondateur du tantrisme ?
F.B. : C’était un sage qui avait réussi une union parfaite avec une fée, avec une déesse. De cette manière-là, il a pu réaliser le tantrisme avec elle et ensuite le réaliser autour de lui. Chaque femme, avec qui il réalisait le tantrisme, était sûre d’être sauvée dans cette vie même, avant d’atteindre la mort et l’illumination qu’elle procure.

Q. : Quelle part de complémentarité et quelle part de similitude trouve‑t‑on dans l’être avec qui on réalise l’androgyne ?
F.B. : Il faut toutes les complémentarités et toutes les similitudes. S’il en manque une seule, l’androgynat n’est plus réalisable. Il faut donc que nous soyons absolument complémentaires et absolument semblables. C’est d’ailleurs le propre de la synthèse de l’absolu où tous les contradictoires s’unissent. L’androgynat devient alors comme un reflet de l’absolu.

Q. : Peut‑on expliquer le pourquoi de cette apparente contradiction entre différence et similitude ?
F.B. : Si on explique, on fait intervenir la raison et, si l’on fait intervenir la raison, on brise l’intuition. Il faut monter sur un plan supérieur où la raison et l’intuition s’unissent pour former l’absolu. Si vous n’arrivez pas à ce plan supérieur, vous ne pouvez pas atteindre à l’androgynat. La raison et l’intuition finissent par former un être mixte qui est un androgyne. C’est très difficile à comprendre, car nous sommes en train de raisonner sur le plan justement de la raison et la raison doit être unie à l’intuition pour former l’androgyne de l’esprit éternel. Il faut évidemment aboutir à la destruction de toutes les contradictions. Savoir que ce qui pour nous est contradiction est pour une autre complémentarité et un aspect différent de l’absolu, car l’androgynat est un absolu.

Q. : Est‑ce ce dont parlait Anatole France [1844-1924] dans La Rôtisserie de la reine Pédauque avec l’union des fées, des salamandres ?
F.B. : Oui. Quand on arrive à fusionner avec sa salamandre, on arrive à une véritable intuition transcendantale. Anatole France avait reçu, très probablement, l’intuition du comte de Saint‑Germain, et il s’en est souvenu dans son livre La Rôtisserie de la reine Pédauque, où il dévoile, en riant, en s’en moquant et en y croyant, tous les principes de la science éternelle et divine. C’est un des livres les plus curieux. Il rejoint La Tentation de saint Antoine de Flaubert [1821-1880], où les mêmes vérités sont dévoilées sous un autre angle et où l’on sent la marque de l’intuition du Comte éternel.

Q. : Pouvez‑vous nous donner des exemples d’androgynat réalisé ?
F.B. : Victor Hugo et Juliette Drouet [1806-1883], Dante [1265-1321] et Béatrix, saint François de Sales [1567-1622] et sainte Jeanne de Chantal [1572-1641], saint François d’Assise [1181/1182-1226] et sainte Claire [1193/1194-1253], Julien l’Apostat [331/332-363] et Eusébia[2] et d’autres se sont réalisés.

Dans chaque siècle, on peut aboutir à un véritable androgynat. C’est difficile de le voir mais on le peut de siècle en siècle. C’est toujours la même puissance : on doit aimer intégralement et on fusionne intégralement. Ce qui fait qu’on ne peut pas vivre sans lui ou sans elle. Il faut absolument que l’un et l’autre se fondent dans quelque chose de transcendant. […]

Q. : Léonard de Vinci [1452-1519] a‑t‑il fait des expériences sur l’androgynat et sur d’autres personnes ?
F.B. : Il a fait des expériences avec une femme étonnante. Puis, il a fait d’autres expériences avec d’autres femmes. Ensuite, il a sélectionné.

Q. : Essayait‑il de reconstituer un androgyne ?
F.B. : Il était toujours androgyne, c’est d’ailleurs pourquoi on ne sait jamais qui il est. Le mystère de Léonard de Vinci est total, un peu comme le mystère de la Joconde. Il peut reconstituer, fabriquer des androgynes, si j’ose dire, avec des femmes supérieures appelées précisément à ce destin exceptionnel, parce qu’il a dépassé le temps, l’espace et la causalité. Il pouvait même créer des impossibilités possibles, créer des choses qui étaient impossibles, il les rendait possibles. C’est en quelque sorte un être descendu d’un autre monde, du troisième ou du quatrième millénaire. Il a remonté le temps par une méthode particulière et il a atterri au XVe siècle.

Q. : Y a‑t‑il un rapport avec le comte de Saint‑Germain ?
F.B. : En leur qualité d’immortels, Léonard de Vinci et le comte de Saint‑Germain se connaissent. Léonard de Vinci étant, en quelque sorte, la femme, et le comte de Saint­-Germain étant l’homme, il pourrait y avoir des relations androgyniques entre les deux êtres. C’est assez effarant. Et c’est encore une chose que l’on doit découvrir au XXIe siècle qui est le dernier siècle du Kali Yuga. Toutes les vérités seront révélées, surtout lorsqu’elles sont incompréhensibles. Elles seront révélées par la puissance de l’inspiration.

[…]

Q. : Existe‑t‑il une différence entre la réalisation atteinte par la fusion androgynique et celle acquise en soi ?
F.B. : Dans un cas, nous réalisons notre androgynat avec un être extérieur, dans l’autre cas, nous le réalisons avec nous‑même. L’essentiel, c’est de le réaliser, que ce soit avec l’un ou avec l’autre.

Q. : L’androgynat n’est donc pas une étape obligatoire ?
F.B. : L’androgynat n’est pas une étape obligatoire. C’est une expérience où nous pouvons aboutir à l’illumination. Nous pouvons y arriver sans cela, parce que l’androgynat est beaucoup plus compliqué qu’on ne l’imagine. C’est une des voies les plus compliquées et les plus difficiles. Certains chemins comme la contemplation de Dieu par exemple sont beaucoup plus faciles et permettent d’y arriver avec plus de rapidité. Mais comme beaucoup aiment la complication ! L’androgynat exerce une espèce de fascination vers lesquels s’élèvent à peu près tous les êtres.

[1] OSHO (1931-1990), Tantra, le chant royal de Saraha, [publication] Le Voyage intérieur, 1989
[2] « EUSÉBIA » : Seconde épouse de l’empereur romain Constance II (Flavius Julius Constantius, 337-361)

François Brousse

« Entretien avec François Brousse », Clamart, 21 sept. 1991, dans Revue BMP N°167, juill. 1998,