L’Inconnu
Je suis le dieu du bien, je suis le dieu du mal
J’erre, étranger masqué, dans la cohue humaine.
Sous un double rayon d’archange et d’animal,
Un caprice inconnu vers les hauteurs me mène.
Le bruit clair de mon pas fait trembler les momies
Dans la sérénité lugubre de leur crypte.
L’astre de mon coeur fend les ombres ennemies
Et mes yeux ont conquis les trésors de l’Égypte.
J’ouvre la porte immense et pâle des aurores
Pour contempler la reine au sourire de sphinx.
L’aigle toujours m’emporte en ses ailes sonores,
Je viole parfois l’antre sacré des lynx.
J’entends vibrer vos voix, ô farouches planètes
Qui dansent dans le rire enivré de l’éther !
Le chant des rossignols et le cri des rainettes
Éveillent en mon front l’écho de Lucifer.
Les univers secrets parlent dans mon silence
Illuminé, qu’effare un reflet du Seigneur.
Devant la sombre mer qui toujours recommence
On voit ma silhouette au faîte d’Elseneur.
Qu’y suis-je, ange ou démon ? magicien ou mage ?
Le manteau du mystère entoure mon exil.
Et les vents inouïs déchaînent leur orage
Pour me jeter vivant dans l’ineffable Avril.
François Brousse
L’Angélus des rêves
Paris, Éd. Saint-Germain-des-Prés, 1978, p. 48-49
Poème édité dans la revue Conflent , Prades, N°25, Janvier-Février 1965, p. 31