Ogmios

Dieu celte de l’éloquence, de la poésie et de la mythologie gauloise

 

Ogmios, le dieu sauveur

Le dieu sauveur du monde chez les Gaulois s’appelle Ogmios. Lucien l’assimile à Héraclès, autre sauveur du monde (l). L’assimilation n’est pas entièrement juste et c’est là qu’éclate l’esprit souverain des primitifs.

Héraclès, le dieu grec, sauve le monde avec ses muscles, Ogmios, le dieu gaulois, sauve le monde par la magie de ses chants. L’un brandit sa massue, l’autre laisse échapper de sa bouche des chaînes d’or qui vont se fixer aux oreilles transfigurées des nations.

Ogmios civilise par l’éloquence et la poésie. Il se rapproche d’Orphée, la plus haute figure du génie hellénique. Il féconde la Terre non avec le sang de ses ennemis, mais avec le fluide vivifiant de son Verbe. Il est le grand médiateur entre la douleur des hommes et la justice de Dieu.

(1) – GRENIER Albert, Les Gaulois, chap. VI : Les Religions de la Gaule

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 16

Ogmios était le Dieu de la poésie et de la science, le roi des révélateurs, l’empereur des mages.

Les bardes l’appelaient Gwyon et lui donnaient la coupe de régénération, dont trois gouttes brûlantes suffisaient à dévoiler les arcanes de l’avenir.

François Brousse
« Méditations sur le Graal universel » dans Revue BMP N°51, nov. 1987

Ogmios, le Verbe éternel

Les druides […] connaissaient l’évolution du monde vivant. Ils connaissaient également les incarnations périodiques de l’esprit de Dieu. Ogmios était pour eux non seulement un héros légendaire, mais la substance même de l’Amour absolu, le Verbe éternel. Il descendait dans le cœur des sauveurs du monde. C’est ainsi que le barde Taliésin fut considéré comme une incarnation de Gwyon‑Ogmios (1).

Lug, à la face rayonnante, comptait aussi parmi les enfants d’Ogmios, de même que Bran‑ab‑Llyr, le mystérieux possesseur de la Coupe d’immortalité. Ogmios se confond avec Dis Pater, le Maître de la Lumière, ancêtre de cette fière race celtique dont l’énergie dompta et libéra l’univers.

(1) – Otto RAHN, La Croisade contre le Graal

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 99

 

La mission d’Ogmios

Ogmios naquit il y a environ trois mille ans dans une des forêts multiformes de la Gaule, au bord du fleuve Seine, parmi le peuple des Carnutes. Ce peuple conservait de vieux arcanes qui lui furent enseignés, quelques siècles auparavant, par des voyageurs phéniciens venus du fond de l’Asie, de cet empire fondé par Kar, le mage chaldéen.

L’empire de Kar et sa religion monothéiste ont jeté des lumières impérissables dans l’obscur éloignement des âges. Carnutan, la capitale des druides, signifie en langue carienne : lieu où furent expliquées les lois sacrées de Kar (1). Elles imposaient le culte d’un Dieu unique écrasant de sa puissance la pullulation des mortels. Ce dieu âpre, enfanté par le violent génie sémitique, fut adouci sous la suave haleine de l’esprit celte, aussi grand mais plus harmonieux.

Derrière le grouillement des divinités forestières, les druides conservaient le secret du grand maître des mondes. Ogmios devait transformer et révéler le dieu de Kar. Il l’arracha aux sanctuaires occultes pour l’offrir aux yeux ardents des hommes mais il le décomposa en trois forces fondamentales : Ésus, Sélénus et Gwyon.

Ésus, l’infini trônant dans l’abîme ; Sélénus, la lumière, robe éblouissante de l’Incréé ; Gwyon enfin, l’amour universel. Par cette formidable hérésie, il retrouva les sources profondes de l’odeur du Gange paradisiaque que les prêtres gaulois laissaient lentement mourir. Son culte monta surtout vers la face intellectuelle de l’Être.

Il fit de Gwyon l’ouragan de l’inspiration soufflant sur les hommes, l’océan de sagesse où puisent les méditatifs, le père effrayant des révélateurs. Il repétrit dans sa main ardente, l’ordre des prêtres et lui donna sa triple hiérarchie, bardes, vates et druides, correspondant aux trois fleuves de substances divines qui coulent au sein de l’Incréé. Il apporta une morale dynamique, basée sur l’héroïsme, qui, jetée comme un brandon parmi cette robuste race kymrique, alluma dans les poitrines un incendie de bravoure exaltatrice.

Ogmios fut vraiment le père des peuples gaulois. Il marqua nos ancêtres de ses griffes indestructibles : l’amour violent de l’intelligence, le courage exaspéré. Aussi, la reconnaissance populaire fit‑elle du héros l’enfant bien‑aimé de Gwyon. Il se dresse, parmi les épaisses ténèbres des forêts gauloises, comme la lumière vivante de notre race. C’est en suivant ses traces colossales que les Français, fils des Celtes‑Gaulois, imposeront au monde leur civilisation. 

(1) – Colonel A. BRAGHINE, l’Énigme de l’Atlantide

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 102-103

 

OGMIOS

J’ai d’abord été les ténèbres,
Je suis maintenant la clarté,
Le calme azur illimité.
J’ai d’abord été les ténèbres.

Entendez‑vous ces noms célèbres
Qui remuent la haute cité ?
Ce sont les Maîtres exaltés,
Ils chassent les serpents funèbres.
Leurs yeux font flamboyer l’été
Ils soufflent la sérénité.
J’ai d’abord été les ténèbres,
Je suis l’immortelle clarté.

2 avril 1990

François Brousse
La Rosée des constellations, Clamart, Éd. la Licorne Ailée, 1991, p. 209

 

Ilhomber, le sage pyrenéen

Sa mère Bélisama le confia à un grand sage, Ilhomber, dont les pensées erraient comme des colombes apocalyptiques dans l’abîme du ciel. Ilhomber vivait parmi les cimes pyrénéennes, près des lacs au bleu si intensément pur, au fond d’une caverne enveloppée de chênes. Il ne mangeait que des aliments innocents, des végétaux exempts de toute souillure, ne buvait que l’eau des torrents, toute vibrante de l’âme des montagnes. Le soir, il prenait sa harpe, montait sur un rocher vertigineux et, la tête dans les astres, chantait une ode triomphale aux grands ancêtres.

Cet ascète lyrique exerçait sur le monde une redoutable royauté. Les ours sauvages, les loups affamés respectaient ses prunelles, pleines de visions. Il était l’empereur des déesses‑fées, des Mères celtiques dont les blancheurs flottent aux rayons de la Lune sous les monstrueuses forêts.

Ilhomber emmena Ogmios dans son antre, parmi les constellations et les souffles, comme un lion emmène un lionceau, et lui donna les parcelles de sa sagesse merveilleuse. Parmi les roches, les grands bois de pins, les ravines fleuries de menthes sauvages, sur les bords de la Méditerranée aux flots d’intense lumière dont les golfes sont d’un indigo profond comme l’infini, Ogmios, pénétré par la mer, l’arbre et la montagne, apprit les premières lettres de l’alphabet des mages. Les Mères lui enseignèrent l’énigme de la formation des métaux, de la croissance des plantes, du vol des nuages, de l’apparition des météores, de la direction des eaux et de l’ouverture des volcans.

Puis il quitta son vénérable maître, se mit à parcourir le monde à la recherche de nouveaux secrets. Il avait alors vingt‑et‑un ans, une sagesse profonde, une beauté fulgurante. Les rythmes de la Terre dansaient comme des fous tournoyant dans les palpitations de son âme. Tout l’abîme se tordait dans ses admirables cheveux de soleil. Chaque forêt rencontrée l’accueillait merveilleusement, avec ses déesses‑fées pleines de sourires, et il couchait au fond des palais souterrains, parmi les colonnes de perles et de diamants, sur des draps de pourpre, entre les bras de ses amies étoilées.

Balor et les enfants de l’abîme

Bientôt sa nature divine se révéla. En des temps, les horribles Fomorés, les géants à tête de chèvre, avaient asservi sa ville natale, l’antique Carnutum. Commandés par le dieu à l’œil maléfique et au cœur de tigre, le terrible Balor, les géants Fomorés bâtirent sur une colline une forteresse faite avec les ossements de tous les Celtes massacrés. Derrière ces indestructibles murailles, ils passaient leur temps à d’effroyables festins de chair humaine, ces rudes estomacs ne s’accommodaient point d’autres mets, et leur âpre gosier préférait à l’hydromel le sang fumant des esclaves. Ils ramenaient de leurs razzias de belles vierges celtiques, dont ils souillaient la grâce et la douceur, avant de les immoler aux pieds de leur roi, Balor aux yeux ténébreux rayés de sang. Ils dévoraient ensuite leurs membres palpitants. Quant aux chevelures des vierges, les géants s’en tissaient des tuniques chaudes et rayonnantes.

La prophétie de Bélisama

Ogmios en arrivant au pays des Carnutes apprit que sa mère Bélisama était morte après l’invasion des monstres capricéphales. Sur sa couche mortuaire, elle avait dit aux malheureux Galates : – Mon fils Ogmios vous libérera des géants !

Aussi, dès que les Carnutes connurent l’arrivée du fils de Bélisama de nombreux cavaliers gaulois vinrent s’enrôler sous sa bannière. Dans le labyrinthe des forêts, une petite armée se forma, composée de héros à la force indestructible, exaltée par le génie de son chef. Tous voulaient âprement reconquérir la liberté perdue, refouler les atroces géants, redonner à leur terre sa gloire primitive. Ils avaient la certitude de la victoire. Tous vénéraient leur divin conducteur.

Les déesses‑fées, indignées de la barbarie des géants, et conquises par l’éblouissant Ogmios, avertissaient les Celtes des mouvements de leurs ténébreux adversaires. Elles offrirent aux révoltés les immenses cachettes de leurs demeures souterraines. Ils vivaient là, parmi la scintillation des dômes, la coruscation des pierreries, comme des lions spectraux qui, par moments, bondissent hors de leur caverne invisible pour répandre la mort.

Une multitude de géants isolés ayant trouvé la mort dans ces batailles, les Fomorés n’osèrent bientôt se livrer à leurs raids habituels. La crainte commença de mollir leurs muscles qui, jusqu’alors, n’avaient palpité que de colère et de luxure. Balor voua Ogmios aux puissances infernales, mais les imprécations du magicien ne purent rien contre le lumineux prophète.

La guerre contre les géants

Il vint un jour où Ogmios se sentit assez fort pour investir la forteresse des monstres. Les déesses‑fées, en prévision d’une lutte terrible, lui donnèrent des armes surnaturelles : une lance qui ne manquait jamais son but, une armure impossible à briser et une épée dont la lance était remplacée par un tournoiement de feux. Le nain Goïnir, qui vivait dans les profondeurs, à la source des fleuves souterrains, lui fit cadeau d’une monture merveilleuse, fabriquée avec le corps d’un cheval et les ailes d’un oiseau fabuleux appelé Rock. Ce coursier splendide, à la croupe tachetée comme un ciel nuageux et aux yeux pleins d’orage, allait plus vite que les vents. Ogmios l’enfourcha et, ceint de ses armes miraculeuses, mena ses troupes vers la libération.

La guerre durant trois ans fut féconde en exploits magnanimes. Les enfants de l’abîme, retranchés derrière leurs remparts d’ossements, autour de leur roi maléfique, possédaient toutes les ressources de la violence et de la magie. Lorsque la tête monstrueuse de Balor paraissait au­-dessus des murailles livides, les Celtes les plus braves se cachaient, car les yeux du monarque avaient l’effrayant pouvoir de tuer quiconque recevait le choc de leur regard.

Mais Ogmios sur sa lyre chantait les âpres délices de la gloire, la destinée des héros morts qui allaient s’asseoir dans le palais des dieux, au‑delà des étoiles. Son âme indomptable incendiait les cœurs. Les bouillonnements de l’espérance remuaient les troupes assiégeantes. Au contraire, les épouvantables Fomorés sentaient poindre avec angoisse l’aurore du châtiment.

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1993, p. 109-114

Le triomphe

Le soleil de la libération se leva la troisième année. Les troupes gauloises assaillirent directement la fontaine des ténèbres, demeurée seule au milieu de l’effondrement de ses enceintes. Sur les ailes irrésistibles de son cheval volant, Ogmios s’éleva le long de la tour colossale. Les dards, ouragan vaincu, se brisaient sur son invulnérable armure, tandis que le tourbillon d’air engendré par les plumes protégeait le coursier fabuleux.

L’horrible Balor ouvrit alors ses prunelles de nuit et de sang pour lui lancer un influx mortel. Mais le rayonnement de Lug était tel que le maudit fut obligé de clore ses paupières comme un sanglier devant le glorieux Soleil. Et le glaive flamboyant du héros, pénétrant dans les entrailles du monstre, brûla les sources même de sa vie… Balor s’écroula dans un rugissement effroyable qui fit tomber, mortes d’effroi, toutes les colombes habitant les forêts voisines.

À ce rugissement, les géants poussèrent une clameur de désespoir, tandis que, soulevés par une marée souveraine, les Celtes brisaient les portes de fer. Rués comme un déluge, ils massacrèrent furieusement les hideux titans à la tête de chèvre, dont les cadavres furent brûlés sur la cime de la tour, jetant au zénith l’apothéose du feu victorieux. Sa large lueur s’épandit sur le monde comme une pourpre impériale, annonciatrice de mort et de renaissance.

Niameh, l’Âme du monde 

Ogmios, fouillant sous les décombres de la forteresse écroulée pour tâcher de découvrir les restes de la science magique des géants, arriva, à travers de tortueux souterrains, devant des portes étranges. Elles étaient faites d’un métal inconnu aux reflets rougeâtres. Des sentences en langue incompréhensible se lisaient sur les battants colossaux. Grâce à sa science prodigieuse, Ogmios traduisit ces lettres immémoriales. Elles disaient simplement : – Ici repose Niameh, l’Âme du monde.

Les incantations d’Ogmios firent lentement tourner sur ses gonds la porte mystérieuse, et une large salle aux murs d’or apparut. Une lumière énigmatique, blanche comme la pleine lune, éclairait, pâle et roide dans son cercueil de cristal, une femme d’une beauté royale. Les reflets du sépulcre formaient un enchantement diamantin, pareil à une vague figée et mouvante à la fois, sous le feu de laquelle resplendissait le sourire de l’inconnue.

Elle avait une couronne de perles sur la tête, une robe formée de pétales de lys et l’ombre du mystère sur ses cils vertigineusement fermés. Une étrange lumière environnait son front candide.

Ogmios essaya de la réveiller de son merveilleux sommeil en invoquant par trois fois le dieu des nuages et des étoiles : l’immense Ésus. Mais la déesse ouvrit sa bouche radieuse, laissant échapper ce murmure :

Si tu veux me réveiller, Ogmios, il faut conquérir la Coupe d’immortalité qui se trouve dans la Terre du Cœur Vivant, parmi les mers inexplorées, du côté où se couche le soleil.

 

Elle referma ensuite ses lèvres terribles. Et Ogmios, ivre d’amour, partit conquérir la Coupe d’immortalité.

La barque de Goïnir

Goïnir lui composa une barque magique en un verre dur comme l’acier, étincelant comme l’aurore, et qui marchait sans voiles ni rames, au gré de la volonté. Il mit plus de trois mois à faire cette œuvre colossale. Il y employa les ressources de la science universelle et quand enfin la barque surgit comme une perle géante, tous deux, le nain et le héros, montèrent accompagnés du cheval‑volant sur le mystérieux esquif. Goïnir concentra sa pensée : la barque obéissante se mit à fendre les flots d’un rythme ardemment sûr, laissant derrière son sillage le grand frissonnement des chênes de l’Armorique, ayant devant sa proue les horizons illimités de la mer.

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 118-122

L’île d’Abdellion 

Dans un indescriptible rayonnement se dessinait l’île merveilleuse. Sous la vie innombrable de ses arbres, toute sonore de chants d’oiseaux, toute diaprée de plumes éclatantes et de fruits empourprés, elle apparaissait, avec ses collines aux lignes chastes, ses palais de marbre aux colonnes de cristal, ses fées et ses génies aux ailes de lumière, comme une incroyable vision. La mer autour d’elle devenait d’une douceur séraphique, mêlait ses flots comme les strophes d’un poème sacré, multipliait la somptuosité de ses multicolores transparences. Et le ciel infini baignait tout de son indicible azur et transmuait tout en bleu : bleus les fleuves, bleus les feuillages, bleues les demeures et bleues les formes humaines. Dans cette symphonie bleue, les voyageurs débarquèrent éblouis. Un jeune homme s’approcha d’eux, d’une beauté majestueuse, tenant dans sa dextre une ancre d’or et portant un croissant d’or sur sa tête. Il parla :

– Salut, nobles voyageurs. Je suis le dieu Abdellion, roi des îles lointaines et vous êtes sur la Terre du Cœur vivant.

– Moi, je suis Gwyon‑Ogmios, celui‑ci est Goïnir, le magicien. Nous sommes venus chercher la Coupe d’immortalité pour réveiller Niameh, l’âme du monde…

Pendant sept semaines, le dieu Abdellion les purifia par des cérémonies secrètes et leur apprit les grands mystères. Ogmios connut ainsi les trois forces primordiales en lesquelles s’épanouit le Père suprême : la puissance, l’amour et l’intelligence. Il connut Mélosina, la lumière astrale, dont la substance tisse les mondes sans nombre sous le souffle du Dieu vivant.

Abdellion lui ouvrit les yeux de l’esprit, ceux qui pénètrent les profondeurs cachées de l’univers, et Ogmios vit en lui‑même une flamme éternelle, le Verbe solaire, Teuth-Gwyon, dont il était l’incarnation.

Tout ébloui de cette foudre, il remercia Ésus, le maître des âmes… D’autres visions palpitèrent, essaims de cygnes sous ses prunelles irradiées. Il remonta le fleuve de ses existences antérieures. Il sut que son esprit, Teuth‑Gwyon, descendait périodiquement dans les grands sages pour sauver les hommes. Il se souvint d’avoir été jadis, Iarbonel ceint d’éclairs, et « avoir fondé un grand empire sur l’île Polaire, parmi les rayons du soleil vivifiant ; puis d’avoir administré Rama aux yeux de lotus bleu, l’immense fédération du Gange au pays de l’été, berceau primitif de la race des purs et des forts ; ensuite d’avoir conduit cette race, Orphée au front serein, parmi les rivages de l’Hellas, d’où elle s’est répandue vers la Gaule divine… Il comprit, dans un grand frémissement, quelle était sa mission actuelle : pétrir un peuple ardent où soufflerait l’ouragan de la liberté, un peuple qui montrerait au monde la passion de l’intelligence et la haine de la tyrannie, un peuple qui porterait, d’une main le glaive rougi par le sang des dragons vaincus, et de l’autre la torche illuminant les routes de l’obscur avenir.

Le sacrifice

Mais un soir Abdellion lui parla, tandis que le couchant, comme un berceau de pourpre autour d’un enfant divin, enveloppait l’île merveilleuse.

– Ogmios, lui dit‑il, l’insondable Ésus a suscité ta force pour sauver l’univers. L’Âme du monde est couchée dans un sommeil de pierre. Seule l’eau d’immortalité peut rompre cette gangue ténébreuse. Mais pour acquérir la coupe miraculeuse, un héros doit donner sa vie. Te sens‑tu assez d’énergie pour jeter ton cœur sanglant aux pieds de l’Incréé ?

– J’ai pour mère Bélisama, la flamme indestructible, et pour père, le Père des univers. Comment peux‑tu douter de moi ?

– Bien, jeune lion. Voici ce que tu dois faire. Nous te lierons avec des nœuds de diamant sur le grand arbre de la terre sacrée dont les racines plongent au cœur du mystère. Les destinées frissonnent dans ses feuilles innombrables. Tu resteras neuf jours, cadavre écartelé, parmi ses branches immenses. Pendant ce temps ton âme, s’envolant de la chair meurtrie, ira prendre la Coupe d’immortalité et la rapportera à ton corps. Lorsque ta bouche aura bu l’eau de résurrection, tu retrouveras ta vigueur première. Alors, prenant en main la Coupe d’immortalité, tu partiras comme un météore rénovateur pour réveiller, au fond de sa tombe glacée, l’Âme du monde. Telle est la mission que le Père infini, du fond de ses empyrées pleins de flamme, a confié à ton clair héroïsme. Sois fier, Ogmios, d’accomplir cette œuvre gigantesque.

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 131-134

YGGDRASIL

Goïnir et Abdellion lièrent Ogmios avec des chaînes diamantines sur l’arbre pénétré de lumière. C’est ce grand arbre que les Scandinaves appelèrent plus tard Yggdrasil et dont la sève nourrit l’univers. Un dragon à la carapace de granit ronge les racines vénérables. Deux grands cerfs affamés broutent les jeunes pousses, atomes débordants de vie et de prodige. Il se dresse, mêlé aux zones zodiacales, au centre de la Terre du Cœur vivant. Depuis des centaines d’années, un dragon rongeait sa racine colossale, épuisant lentement la sève des mondes.

Lorsque Yggdrasil vit le héros divin, tout son squelette trembla de joie, les cerfs destructeurs s’enfuirent au fond des nuages bouleversés et le dragon poussa un morne rugissement dont s’effarèrent les profondeurs. Il sentait venir la fin des ténèbres.

Ogmios s’étendit avec son sourire surhumain sur les branches d’Yggdrasil. Les Cieux et la Terre en crièrent de joie. Ses amis assujettirent ses membres des liens resplendissants. Il courba sa tête profonde où bouillonnaient les destins de tous les vivants et ferma ses yeux de fauve cosmogonique. Alors de grandes ombres s’épandirent, comme des flots de fantômes, sur les peuples affolés. Mais une joie subtile, une ivresse d’extase, s’empara des dieux et des déesses, silencieux autour du mort.

Là‑bas, dans son cercueil de cristal, Niameh, l’Âme du monde se mit à sourire inexprimablement.

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 135-136

TEUTATÈS – OGMIOS

Le fleuve impétueux des Celtes effrayants
Est sorti de ton crâne, ô sculpteur des montagnes,
Tu te dresses, jetant sur la fière Bretagne,
Ton ombre grandiose au front des dieux géants !

Le chêne, ce palais des aigles tournoyants
Que l’incendie de l’aube irrésistible gagne,
Le chêne qui répand dans l’ampleur des campagnes
Les flots multipliés de son vert océan,

Le chêne est le symbole énorme de ta gloire !
Tes yeux vivants où les aurores viennent boire
Déploient dans son feuillage un feu triomphateur ;

Tu mènes vers l’azur du monde hyper physique
Les nations traînées par les chaînes magiques
Qui sortent de ta bouche et vont lier leur cœur !

16 juillet 1935

François Brousse
Le Rire des dieux, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  2006, p. 82

-2574. L’extraordinaire Ogmios, perdu dans un océan de nuées, jette en terre celtique la religion des druides. Elle montre l’essor des âmes à travers les planètes habitées qui roulent dans l’espace incommensurable.

Ogmios nous donne une méthodologie morale :

 

  • Adorer l’Être unique ;
  • Conquérir la lucidité ;
  • Prendre conscience de son libre arbitre.

François Brousse
« Une pierre d’angle et 286 années prophétiques dans Revue BMP N°115-116, oct.-nov. 1993

 

Les visions d’Ogmios

Le premier jour, Ogmios, après d’horribles souffrances, contempla le mystère de la formation des mondes. Il vit comment les grands rayons de vie, s’échappant du front de Dieu, pénétraient la lumière éternelle, pour se condenser en sphères flamboyantes errant dans l’océan sans borne de l’espace.

Le second jour, il connut le mystère des âmes. Il les vit, tourbillons d’étincelles, jaillir du cœur de Dieu et gravir, par des bonds sanglants, les marches d’or de l’escalier des créations, dont les spirales, tantôt montent, tantôt descendent, dans l’infini.

Le troisième jour, il sut le mystère des hommes. Il vit le fleuve vital animer les atomes puis les plantes, puis les animaux, avant de s’épanouir dans l’humanité et prendre le visage de la sagesse libératrice.

Le quatrième jour, il comprit le mystère des peuples. Il vit naître les hommes primitifs, au sein de la Lémurie tropicale, sous forme de géants rouges à trois yeux resplendissants. Puis, après un cataclysme, se dressèrent les Atlantes, géants rouges moins grands que les premiers, qui n’avaient plus que deux yeux pour fouiller l’impénétrable

nature (l). Puis un autre cataclysme jeta les survivants sur la grande île boréale, où se forgea la race des Hyperboréens aux prunelles azurées. Puis vint la vaste émigration vers les terres de l’éternel Été que traversent majestueusement les flots du Gange et de l’Indus. Enfin les races actuelles sortirent de ce centre souverain comme des torrents qui, naissant dans une même montagne, s’éparpillent vers tous les horizons.

Le cinquième jour, il approfondit le mystère des prophètes. Il les vit descendre comme une pluie de feu sur les peuples liés par des ténèbres. Et ses chaînes sombres fondaient sous les gouttes incandescentes, tandis que les hommes poussaient une grande clameur de triomphe vers le Soleil, leur sauveur et leur paradis.

Le sixième jour, il dévoila le mystère du destin. Il vit, derrière la porte des apparences ciselées, deux grands joueurs, l’un vêtu d’ombre, l’autre couronné de lumière, en train de faire une partie d’échecs sur le damier universel. Ils avaient comme figurines des prophètes noirs et des prophètes blancs. Et chacun de leurs gestes emplissait le monde de ténèbres ou de clarté.

Le septième jour il sonda le mystère des morts. Il vit les morts vulgaires, en train de rôder, ahuris, sur la face de la Terre où les rattachent les mille liens subtils de leurs passions antérieures. Il vit les morts purifiés monter dans l’orbe de la Lune où, pendant mille ans, ils vivent heureux avant de retourner sur la Terre. Il vit les morts divins s’asseoir sous des voûtes de flamme, parmi les rayonnements prodigieux de la force et de la splendeur, dans la sphère de l’immortel Soleil.

Le huitième jour, il pénétra le mystère de la respiration de Dieu. Dieu, cet organisme infini, respire… Son prodigieux expir fait naître des millions de mondes dans l’immensité de la nuit. Son profond aspir engloutit toute la création dans sa poitrine azurée. Le rythme double de sa respiration dure un nombre incalculable de siècles. Cela n’a jamais commencé, ne finira jamais, car Dieu est éternel. Les vivants sortent de sa bouche et y rentrent. Seul l’Absolu demeure stable, au milieu de ces évanouissements.

(1) – BESANT Annie, La Généalogie de l’Homme

La résurrection

 

Le neuvième jour, l’âme d’Ogmios quitta le héros et se mit à la recherche de la Coupe de rénovation. Sous la forme d’une femme de lumière, elle glissa dans la brise. Elle arriva bientôt devant une colline, dont la masse triangulaire emplissait des cieux colossaux. Au centre une porte, environnée d’une lumière merveilleuse, montrait son visage fermé.

Goïnir était devant, avec un trousseau de clefs magiques entre les mains. Les unes étaient faites avec la fleur des belladones, d’autres avec des cornes de licornes, d’autres irradiées d’yeux de lynx, d’autres adoucies de pierres lunaires, d’autres trouées de sanglantes escarboucles, d’autres coruscantes du diamant des fées. Mais pas une ne tournait dans l’implacable serrure. L’âme d’Ogmios toucha d’un doigt de feu le verrou qui se brisa dans un bruit de tonnerre. Aussitôt tous les rossignols de l’île se mirent à chanter un chant séraphique dont les parcelles, apportées sur l’onde par les zéphyrs, charmèrent les tristes humains. Et le fantôme lumineux pénétra dans la colline.

Le cœur de la colline renfermait le minuscule sanctuaire des secrets. Sur un autel d’or pur, sous un plafond décoré d’un soleil d’or aux multiples rayons d’or pur, se dressait dans un éclat diffus et vivant, une coupe d’or pur.

Une eau prodigieuse bouillonnait dans la Coupe, jetant au plafond de grands cercles de lumière concentriques, dont la clarté se mêlait étrangement à la phosphorescence du soleil ornemental. Et de cet ensemble radieux sortaient de puissants rayons qui transperçaient la porte d’une merveilleuse lueur.

L’âme d’Ogmios s’emparant de la Coupe d’immortalité s’envola dans l’espace vers l’arbre Yggdrasill qui soutient les mondes. Ogmios, mort, pendait aux branches farouches. Ses cheveux épars voilaient ses prunelles éteintes. En bas, le dragon continuait à ronger les racines miraculeuses. L’âme d’Ogmios s’approcha de son corps et fit glisser entre ses dents l’eau de résurrection. Aussitôt une grande secousse ébranla le cadavre. La vie disparue remonta par ondes immortelles dans les membres sacrés. Ses yeux vitreux s’éclairaient d’une extraordinaire clarté. Une respiration colossale émut sa poitrine. Son cœur, dont le rythme dirige le monde, se remit à battre. Ogmios ressuscitait !

En même temps, une lumière inexplicable baigna la hauteur des montagnes, des fontaines guérissantes se mirent à murmurer parmi les bois, les tigres cruels cessèrent de pourchasser les biches, les aigles abandonnèrent la perdrix qu’ils tenaient dans leurs serres, les tyrans eurent une pensée de pitié. L’univers dans sa totalité participait à la renaissance d’Ogmios.

L’âme d’Ogmios rentra dans son corps et le héros se trouva soudain libéré de ses chaînes de diamant. Il bondit au bas de l’arbre, joyeux, brandissant dans son poing victorieux la Coupe d’immortalité et de l’inspiration ! Sept gouttes en jaillirent qui allèrent frapper l’arbre Yggdrasil, à la naissance des racines. Sous le choc, une source bouillonnante apparut, qui roula en grondant parmi les sables pour aller se perdre dans la mer infinie. C’est la source de la sagesse. Quiconque y trempe ses lèvres voit défiler devant lui le panorama de ses vies antérieures. Il devient un Mage. Ogmios s’écria : – Je veux réveiller l’Âme du monde !

Il s’élança sur le cheval volant et, la Coupe d’immortalité en main, s’envola vers les terres prédestinées de la Gaule. Il plana centaure ailé sur les ruines monstrueuses de la forteresse des géants, et se posant, pénétra dans les souterrains où palpitait le sommeil mystérieux de Niameh, l’Âme du monde.

Après avoir brisé le cercueil de cristal, Ogmios introduisit entre les lèvres délicates la liqueur de la science éternelle. Immédiatement le sang revint aux joues décolorées, la force au cœur endormi, le souffle à la bouche close. Et, Niameh resplendissante comme une étoile en train de naître, se dressa devant Ogmios interdit. En même temps un chant de gloire sortit du cœur de la Terre, et les humains entendirent on ne sait quels concerts célestes au‑dessus de leur front étonné. La création tout entière se réjouissait du réveil de la déesse.

Niameh s’approcha d’Ogmios, s’agenouilla devant lui, et, livrant aux vents sa chevelure immense, prononça ces paroles : – Mon superbe Seigneur, mon être est à vous.

Alors on entendit du fond des horizons venir les murmures de la Terre du Cœur vivant, où les dieux célébraient le couple immortel sur leur lyre de perles et d’étoiles. Ces murmures passèrent comme un trophée sur le front dominateur d’Ogmios et la bouche palpitante de Niameh.

Les noces d’Ogmios et de Niameh furent grandioses. Tous les peuples de la Celtide y furent conviés. Dans l’adoration du héros, ils éprouvèrent un semblant d’unité. Les déesses‑fées se mêlèrent, formes diaphanes, aux guerriers farouches.

Pendant des semaines se prolongèrent les réjouissances, allumant au cœur des forêts et sur la cime des montagnes des brasiers énormes. À travers la nuit, des peuples brandisseurs de torches, dansaient comme des comètes folles au bord des eaux enfiévrées de feu. Le vin et l’hydromel coulèrent à torrents, des bœufs inconnus y firent resplendir les écailles de leur vaste corps ! Les arbres fournirent des fruits opulents et doux comme la poitrine des femmes. Des chanteurs inspirés célébrèrent le bras d’Ogmios et le sourire de Niameh aux yeux d’étoiles…

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 137-141

L’EMPIRE D’OGMIOS

Ogmios se mit à parcourir la Celtide sur son cheval volant. Partout où il paraissait, la Coupe d’immortalité ruisselait de miracles. Il prit des racines et, par la vertu de son eau de rénovation, les transforma en hommes. Il guérissait les malades, ressuscitait les morts, répandait dans toutes les têtes l’inspiration et la science.

Ses chants merveilleux, dans lesquels il montrait les trois dieux fondamentaux créant le ciel et la mer, d’où sortirent tous les autres dieux, ravirent les grands Galates aux cheveux d’orage. Tous les Celtes le vénérèrent comme une incarnation de Teuth‑Gwyon, le Verbe éternel. Sous son sceptre lyrique, il réunit un vaste empire, comprenant autour de la Gaule proprement dite, les orgueilleux Bretons, les Ibères bronzés, les robustes Italiotes et les peuples ténébreux de la forêt hercynienne.

Pour donner à ce monde une métropole digne de lui, il construisit, sur un lieu consacré, l’immortelle cité d’Alésia, dans laquelle mille ans plus tard, son fils, Vercingétorix, agonisa superbement.

La légende d’Ogmios fondateur d’empire est prise aux traditions helléniques et romaines. D’une part, Diodore de Sicile rapporte la légende d’Héraclès, le grand fils de Zeus, unificateur de la Celtide et bâtisseur d’Alésia (l). D’autre part, Lucien assimila Ogmios à Héraclès, le destructeur des monstres et des tyrans. Enfin la statuaire gauloise surcharge Ogmios des attributs héracléens, la massue et la peau de lion.

On est en droit de conclure qu’Héraclès‑Ogmios a formé l’unité des peuples celtes et construit Alésia, la ville du sacrifice héroïque. Quelle prestigieuse tradition ! Dans la brume préhistorique, on entrevoit ce vaste édifice d’humains s’élevant majestueusement sur l’Europe encore barbare, et, portant à son fronton, une harpe en main et les prunelles aux astres, Ogmios, le barde‑roi !

Lorsque le grec Éphore, contemporain de Théopompe, place l’Espagne dans la Celtide et donne aux Kymris l’univers s’étendant entre le couchant d’été et le couchant hivernal, il songe sans doute à l’empire d’Ogmios‑Héraclès. C’est la nostalgie de ce souvenir héroïque qui pousse, vers l’époque d’Alexandre, le conquérant‑patriarche Ambicatus à déployer sa domination depuis les Iles britanniques jusqu’aux bouches tumultueuses du Danube.

(1) – DIODORE, IV ; 19

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 142-43

Le retour du libérateur

Ogmios, comme Élie, Apollonius de Tyane (1) et Jean de Patmos ne mourut pas. Une belle nuit, à l’heure où le sombre bouclier d’or de la Lune dansait sur les flots, il disparut sur son cheval volant, vers les îles lointaines et sacrées où Abdellion, le maître du mystère. Là, le prophète celte jouit d’une immortalité glorieuse, parmi les fées, les héros et les cygnes.

Mais chaque fois que son peuple gémit sous le sceptre d’un tyran, Ogmios bondit sur son cheval volant et revient, tenant en main la Coupe de rénovation. L’eau divine bue par les Celtes leur donne la force de reconquérir la liberté. Ils se forgent dans les larmes un invincible glaive qui brise les géants oppresseurs. Arthur, la dernière forme d’Ogmios, doit revenir bientôt de son île de lumière. Il chassera sous le vent de son épée, la horde des Saxons germaniques dont l’ombre hideuse cessera de souiller la Grande‑Bretagne, la Gaule et l’Italie. Ils rentreront comme des ours vaincus dans leur tanière nordique. C’est du moins ce qu’affirme une prophétie de Merlin, le barde magicien, dont la forêt de Brocéliande a conservé la grandiose silhouette.

 

(1) – MAGRE Maurice, Magiciens et Illuminés

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 144-145

La Gaule

La Gaule avait enfanté, sous l’impulsion des druides, une civilisation d’une originalité grandiose. D’abord sa religion, si merveilleuse, surtout si on la compare aux reptilités romaines. La trinité divine, Ésus, Bélénus, Gwyon, rayonnant comme un fronton de flamme sur les colonnes du cosmos ; puis la Vierge Mère, Bélisama, bienveillante et pure, tenant dans ses bras, l’enfant sacré, le maître du mystère, le souriant Ogmios ; puis l’évolution des âmes, qui naissent obscurément dans les profondeurs de l’abîme, voyagent des plantes aux animaux jusqu’à l’homme, animent successivement plusieurs organismes humains et finissent par rentrer dans la zone du bonheur infini…

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 216

Ogmios, ou Guyon, ou Ogné, ou Ogham

Ogmios, ou Guyon, ou Ogné, ou Ogham. Je m’attacherai surtout à cette dernière forme. Ogham est un vieillard mystérieux, surchargé de sagesse secrète. De ses lèvres sortent des chaînes d’or qui entraînent derrière lui, liées par les oreilles, des foules enthousiastes, car il est le dieu de l’éloquence. Il a inventé une langue merveilleuse, les caractères oghamiques, qui contient les mystères du ciel et de la Terre. Ses mains créatrices animent des végétaux et en font sortir, par magie, des êtres humains.

Il possède une coupe extraordinaire, pleine d’une liqueur brûlante, dont trois gouttes suffisent pour dévoiler les arcanes de l’avenir. Il habite, dans les profondeurs du ciel, un château pavé d’étoiles, qui n’est autre que la Voie Lactée… C’est une des plus belles légendes que je connaisse. Le dieu Ogham devrait enchanter les sages et les poètes. Il est, hélas, ignoré.

François Brousse
« L’extravagant Tervagant » dans Revue BMP N°35-36, mai-juin 1986

LA COUPE D’OGMIOS

Fils d’un soleil magique où tout se transfigure,
J’ai perdu la notion pesante du réel ;
Mon cœur serein s’immerge aux flots immatériels,
Je porte sur mon front le Saphir de l’augure.

Parmi la sombre immensité des lacs ligures
J’ai fui comme un poisson cuirassé d’arcs‑en‑ciel,
Et j’ai vu, sur la barque étoilée de Maël,
Des Dieux de l’Occident l’éclatante figure.

J’ai contemplé dans l’Inde, au fond des siècles noirs,
Les races soulevées de mystiques espoirs,
S’ouvrant, comme des fleurs rouges, sur un érable.

Dans les parcs de l’Azur, pleins d’ors et d’harmonies,
Je bois, comme une abeille altérée d’infini,
Ô coupe d’Ogmios, ta vie inexprimable.

François Brousse
Voltiges et vertiges, dans Œuvres poétiques, t. II, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1988, p. 101