Propos de François Brousse –Perpignan, 29 octobre 1978

Que propose la sagesse de Dieu ?

Elle propose la suppression des trois monstres effrayants et gigantesques qui s’appesantissent sur l’être humain. Ces trois monstres se nomment : la haine, la peur et le doute.

Discours au Banquet de l’OOOO

La violence ravage tout le globe. Sitôt que l’on prétend vouloir faire triompher une idée, on tire le glaive, et ce glaive jette des rayons sanglants parmi les peuples qu’il pourfend. Nous en avons hélas, depuis le commencement du siècle, des exemples quasi quotidiens. La haine est une chose terrible, une sorte de force qui nous ronge et qui nous empêche d’aboutir à l’équilibre, à l’amour, à la sérénité, à la sagesse et à l’harmonie. Cette haine, poison permanent, sur le plan ésotérique se traduit en une image effrayante.

Vous n’ignorez pas que la pensée est une force, comme l’a dit Victor Hugo, c’est même la plus puissante de toutes les énergies. Ainsi que l’affirmait Napoléon, un conquérant moins étroit que les autres conquérants : « Il n’y a que deux forces au monde, le sabre et l’esprit, et à la longue, l’esprit est toujours vainqueur du sabre. »

La pensée que l’on a étudiée, que l’on commence à étudier, dont on connaît les manifestations, qui est capable d’agir sur les animaux, sur les plantes, sur les peuples, cette pensée a le pouvoir, lorsqu’elle est concentrée dans des millions de cerveaux, de former d’énormes ouragans dévastateurs.

Toutes les pensées de haine sont des pensées destructrices ; elles s’accumulent dans l’atmosphère du globe, et se manifestent par des typhons, des tempêtes, des tornades, des orages d’ordre purement magnétique qui, graduellement, se matérialisent sur la Terre sous forme de guerres, de révolutions, d’oppressions tyranniques. J’ajouterai aussi les tremblements de terre et les épidémies. Tout cela – et Berkeley le philosophe de l’immatérialisme ne me contredirait pas – n’est jamais qu’une projection de la pensée humaine.

Si nous arrivons à transformer notre pensée de haine en une pensée d’amour, nous introduirons dans le chaos de la Terre une lumière qui grandira de plus en plus et triomphera peut‑être des ténèbres, en tout cas, elle supprimera au moins nos ténèbres intérieures. Gandhi, Aurobindo Ghose, même Krishnamurti, c’est‑à‑dire les trois grands maîtres du siècle sont d’accord sur cette formule :

La non‑violence est la forme la plus haute de l’activité humaine. C’est pour cela que l’homme a été créé et, c’est dans ce domaine azuré, étincelant et splendide qu’il doit s’épanouir.

La deuxième force destructrice, c’est la crainte. Nous avons tous plus ou moins peur, soit du monde, soit de nous‑mêmes. Elle se traduit par une angoisse permanente. Nous avons peur de la mort, de la maladie, du déclin, de la destinée, toutes ces craintes doivent être balayées, elles n’existent pas, elles ne sont qu’une création mentale, et puisque la création mentale peut former la peur, la même création mentale peut former l’harmonie et la confiance.

Vous avez peur de la mort, scrutez les raisons de cette épouvante. Ou bien nous admettons qu’après le trépas quelque chose d’horrible nous attend, l’enfer ou le purgatoire, ou bien vous supposez que dans la tombe nous ne rencontrons que le néant. Or, ces deux théories sont aussi fausses l’une que l’autre. L’enfer n’existe pas, et ne peut pas convenir à une intelligence cosmique fondée sur la justice autant que sur l’amour. Il serait une peine effroyable, incohérente et démesurée, car châtier d’une souffrance éternelle un homme qui n’a commis que des fautes passagères et relatives, c’est l’injustice suprême. Si un tel Dieu existait, nous devrions tous être du parti de Lucifer. Heureusement un Dieu pareil n’existe pas. Le seul Principe existant, c’est l’amour, la beauté, la force, la sagesse et la vérité. Il a été toujours admis par les sages les plus hauts à travers les siècles et il sera toujours découvert par les âmes pures qui, d’un élan sûr, montent vers le soleil de la vérité. Donc, la première crainte peut et doit être effacée.

La deuxième crainte, aussi terrible, est actuellement la plus répandue sur le monde. On s’imagine qu’on sort du néant, qu’on est agité par le hasard dans une atmosphère de chaos et qu’on rentre comme un pantin désarticulé dans le néant. Cette étrange théorie a toujours été la favorite des êtres humains. Elle se répand de nos jours beaucoup plus encore que jadis. Par exemple, dans le Phédon, quatre cents ans av. J.‑C. (qui est un beau cri d’affirmation de l’immortalité de l’âme), nous trouvons quand même des interlocuteurs qui niaient la survivance humaine et c’était la grande majorité.

Tous ces mauvais analystes ne croyaient qu’à la dissolution totale de leur âme. Or, si nous sortons absurdement du rien pour rentrer non moins absurdement dans le rien, on ne voit pas quel serait l’intérêt de la vie. Elle prendrait la figure d’une espèce de farce monstrueuse inventée par un Dieu ivrogne, pour emprunter à peu près les phrases de Shakespeare.

Subsiste la troisième théorie qui semble maintenant solidement établie par les méthodes rationnelles et expérimentales employées dans les sciences parapsychologiques.

Il existe en nous une entité immortelle et même éternelle que l’on appelle l’âme. Vous pouvez, si cela vous agrée, lui attribuer d’autres noms, mais c’est l’appellation la plus claire et la plus nette. Or, qu’a‑t‑elle de particulier cette âme ? On a pu prendre conscience de son existence. De nombreux médecins actuels nous ont rapporté combien de gens ont été ressuscités. Par exemple, au bout de quelques temps, un homme cliniquement mort, revient à la vie. On savait qu’il était mort, il en avait tous les signes et cependant malgré les affirmations de la science, il ressuscite et raconte ce qu’il a vu. L’intéressant, dans ces observations extraordinaires, c’est ce qu’il a vu. Qu’il soit athée ou croyant ou sceptique ou indifférent, il dit toujours la même chose. Après avoir quitté le corps, on se trouve dans une forme aérienne fluidique qui permet de voir les pensées de tous les assistants. On rentre dans un monde où, sous forme de flammes vivantes, les personnes qui nous ont précédées dans l’Au‑delà viennent vers nous et nous entourent de leur immense sympathie. On découvre également un être de lumière, bizarre d’ailleurs, parce qu’on n’a jamais su son identité. Il apparaît aussi bien aux athées qu’aux croyants et leur montre, dans une espèce de panorama, toute leur vie.

Lorsque les actions ne sont pas conformes à la loi de bienveillance universelle, le mort ressent un choc douloureux ; au contraire lorsqu’elles y sont conformes, c’est un choc exaltant.

Ce phénomène est connu depuis la plus haute antiquité. Vous le retrouverez dans les historiens grecs et latins et même dans les livres saints de toutes les religions, à cela nous savons que nous sommes des êtres immortels. D’ailleurs, le problème est facile à résoudre : vous pouvez arriver à sortir de votre corps. Il existe des méthodes admirables, dont quelques‑unes sont terriblement efficaces, qui permettent à la forme astrale de quitter l’organisme physique. Vous constatez alors avec une puissance prodigieuse que vous êtes réellement vivant. Je vous citerai l’exemple de Louis Figuier, savant athée du XIXe siècle. Un beau jour, il dut subir une opération chirurgicale, et voici ce qu’il raconte : Comme il dormait, sous l’effet du chloroforme, il sortit brusquement de son corps, et il vit que des médecins étaient en train de charcuter son corps physique. Quant à lui, en dehors de cet organisme charnel, il regardait le spectacle avec une béatitude, un calme infini. Puis, lentement, quand l’opération a été terminée, il rentra dans son corps. À ce moment précis, la souffrance commença. Mais son expérience avait été si ardente que, dans un vent purificateur, elle balaya les feuilles mortes de son athéisme.

En somme, si vous arrivez à être parfaitement convaincu – et il est très facile d’être convaincu de la vérité –, vous n’aurez plus peur de la mort. Observez avec quelle sérénité la plupart des philosophes qui partageaient ce point de vue ont accueilli leur dernier moment. Je vous citerai deux penseurs :

Plotin, au moment de mourir, déclara : – Je rejoins ce qu’il y a de divin en moi à ce qu’il y a de divin dans l’univers. Et il mourut avec un sourire resplendissant de sérénité.

Parlons aussi de Julien l’Apostat. Avant de mourir, il proclama que son âme, contente de son sort, quittait son corps pour aller contempler l’assemblée éternelle des idées et des dieux.

Les esprits‑guides ou anges gardiens ne sont pas autre chose que les êtres de lumière entrevus parfois après la mort.

Cela dit, il ne semble pas qu’il reste beaucoup d’autres craintes. Pourtant il en reste. Subsiste la crainte de la maladie, mais elle peut être singulièrement atténuée par une diététique pure, écartant tout plat sanguinaire (viande et poisson). Ainsi, vous serez à peu près sûr d’éviter la plupart des maladies qui s’abattent sur le troupeau infortuné des humains. Je dis à peu près sûr, car la loi du karma s’impose quelques fois dans ce mouvement étranger et mystérieux que l’on nomme destinée. Quand la main géante du karma tombe malgré tout sur votre tête, si vous avez la connaissance des réincarnations et la certitude que l’âme, à travers la chaîne des transmigrations, finit par atteindre la sphère de l’esprit pur et de l’idéal, vous n’avez plus la moindre crainte et vous supportez avec tranquillité les douleurs et les maladies. J’ajoute que la puissance de la pensée est telle que souvent les maladies que l’on pouvait croire absolument inguérissables, sont guéries. Par la confiance et la connaissance de la loi des répercussions, nous pouvons transformer ou supporter cette espèce de dragon vert aux ongles ténébreux qui s’appelle maladie et souffrance.

Reste quand même la douleur morale, celle par exemple de perdre des êtres chers. Mais si vous possédez la conviction absolue et le troisième œil ouvert qui vous permet de voir les vivants de l’invisible, vous n’avez plus peur de cette disparition. Vous savez que ce n’est qu’un voyage momentané, une séparation passagère et que vous retrouverez dans la gloire de l’Au‑delà toutes les personnes que vous avez aimées.

La conclusion est simple. Nous avons supprimé la crainte de la mort, de la maladie et de la souffrance. Existe toujours la peur de la destinée, comme un rocher qui paraît inébranlable. Le penseur sait que la destinée n’est pas le caprice d’un Dieu incompréhensible, ni l’effet d’un hasard cosmique, mais le résultat des actes, des pensées, des paroles que nous avons effectués et prononcés dans nos vies antérieures. Existe‑t‑il un moyen d’en éviter le contrecoup ? Ce moyen est essentiellement la pensée d’amour, bouclier capable d’arrêter dans le présent les flèches lancées du fond des âges. Si vous couvrez de pensées d’amour, appelées aussi bénédictions bouddhiques, tous les êtres que vous avez connus et fait souffrir dans vos vies antérieures, par une espèce d’effacement progressif ou de décoloration, la destinée se transforme et devient meilleure. De toute manière, dans le feu purificateur, le phénix tombe en cendres et renaît plus éclatant que jamais. Vous avez donc détruit la peur de la mort, de la maladie, de la souffrance et de la destinée, que vous reste‑t‑il ?

Surnage le doute, ce dieu étrange et multiforme qui s’introduit comme un brouillard glacé à l’intérieur de vos esprits. Il faut quand même constater que la vérité peut être atteinte. Trois ou quatre chemins conduisent à cette cime éternelle.

Le premier, c’est l’expérimentation sous son double aspect. Extérieurement, elle vous prouve l’existence d’une intelligence cosmique ayant établi les lois mathématiques qui gouvernent les étoiles et les atomes. Intérieurement, l’expérimentation vous met en contact avec une force victorieuse de la mort, votre âme, substance immatérielle, non dimensionnelle, point géométrique pensant et donc indestructible. Par l’expérimentation intérieure et extérieure vous arrivez à terrasser le doute.

Le pragmatisme vous conseille d’adopter la théorie qui vous convient admirablement, qui vous donne le plus de force et qui permet au grand seigneur englouti en vous, de renaître de son sépulcre et d’apparaître resplendissant. Vous devez normalement choisir entre toutes les doctrines, celle qui vous dispense la joie, la force et l’épanouissement. En effet, si nous restons sur le plan du doute, tous les systèmes étant valables, pourquoi choisir les pires, les destructeurs, les pessimistes, les dégradants, plutôt que les exaltants et les rénovateurs qui, aux yeux de la raison, s’avèrent aussi valables que les premiers. Pourquoi aboutir à ce suicide moral ? C’est le pari de Pascal mais dans la lumière de l’humanisme idéaliste. Il vaut mieux, comme les dieux des océans primitifs plonger au fond des mers pour en ressusciter plus glorieux que jamais.

Nous avons détruit pratiquement les trois monstres qui attaquent l’humanité : la peur, la souffrance et le doute.

Il existe une autre manière encore de développer la certitude : la méditation. Vous choisissez les penseurs qui ont développé à travers tous les âges leur intelligence jusqu’au point maximal des pouvoirs humains, je parle surtout des grands métaphysiciens, ces fontaines de génie et d’infini.

Méditez tous les jours sur leurs pages immortelles. Vous vous apercevrez, en les consultant, depuis Manou jusqu’à Aurobindo Ghose (et la liste n’est pas limitative), qu’ils convergent vers le même résultat. Vous n’avez qu’à les lire et à réfléchir sur leurs écrits frissonnants d’éternité.

Graduellement, une vérité formidable s’imposera, celle que Jésus avait annoncée à son disciple : – Tu es homme et sur cet OM je fonderai mon temple et les portes du Hadès ne prévaudront point contre lui. C’est l’initiation de la Terre, autrement dit, l’initiation de la certitude. Par la vision transcendante de votre intuition, vous contemplerez la vérité éternelle au­-delà de toutes les religions et la vérité vous affranchira, vous libérera, vous transfigurera.

Voilà donc détruits les trois grands fléaux qui pèsent sur l’humanité.

Si vous allez d’un pas victorieux vers plus d’amour, vers plus de sagesse, vers la recherche aussi de la beauté qui est le visage fascinant de l’Être des êtres, votre vie sera transformée et les chaînes atroces qui vous obligent à revenir d’une manière permanente, sous des formes de chair et de sang, de vivants qui souffrent, dans l’horreur des bagnes planétaires, tous ces cauchemars s’effaceront à jamais.

Après les ténèbres de l’illusion, se lèvera le Soleil éblouissant de la liberté.

Revue BMP N°160-161, déc. 1997-janv. 1998, « Discours de François Brousse au Banquet de l’OOOO » (Extrait)