Qu’est-ce que l’état de non-violence ?

Question à François Brousse : Qu’est‑ce que l’espérance ?

F.B. : On peut la considérer comme un appât qui nous permet de survivre dans ce monde effroyable. On a toujours une espérance, que ce soit celle de réussir sur le plan professionnel ou sur le plan affectif ou sur le plan intellectuel, et surtout l’espérance de quitter la Terre et le cycle des réincarnations pour entrer dans l’infini, l’absolu, l’éternité et dans la béatitude. On a toujours une espérance et sans elle, il est pratiquement impossible de vivre. […]

Dans la vie occidentale, comment se débarrasser du matérialisme pour progresser spirituellement ?

F.B. : Nous avons un corps, une âme et un esprit. Le corps, c’est le tiers, l’âme l’autre tiers, et l’esprit le troisième tiers. Il faudrait par conséquent consacrer un tiers de sa vie au corps, un tiers à l’âme et un tiers à l’esprit. Le corps, c’est le travail, les relations avec les collègues et l’entourage. L’âme, c’est l’amour, le côté affectif, le désir des vibrations qui nous mettent en contact avec le cosmos. L’esprit, c’est le désir d’être uni à la divinité absolue. Ces trois choses sont en nous et notre vie doit être partagée entre ces trois besoins fondamentaux. C’est difficile, mais on y parvient.

Certains avancent que l’homme aurait une sorte de Soi cosmique installé au centre de l’univers : toutes nos incarnations seraient vécues en même temps, le temps alors n’existerait plus…

 F.B. : C’est la théorie des mondes parallèles que j’ai maintes et maintes fois développée.

Et nous serions des morceaux de cette conscience multidimensionnelle.

F.B. : Nous avons 777 mondes parallèles, si l’on peut dire, et notre véritable conscience est dans la continuation de tous ces mondes, et en même temps, dans leur embranchement. Cela est vrai pour ceux qui connaissent un maître et qui connaissent la théorie des mondes parallèles. Mais pour les autres, les réincarnations se succèdent dans le temps.

Tu as dit que le temps n’existait pas ?

F.B. : Oui, le temps n’existe pas pour ceux qui savent qu’il n’existe pas. Le temps est une création mentale et il existe pour ceux qui sont dans les réincarnations successives. Quand on s’est persuadé que le temps n’est qu’une création mentale et qu’il n’existe pas et que l’on connaît la théorie des mondes parallèles, on vit en même temps dans tous ces mondes. Mais celui qui ne la connaît pas est obligé de s’abandonner aux longs balancements des vies successives.

Par rapport à cela, que devient l’ange gardien ?

F.B. : Notre ange gardien est exactement le Moi divin que l’on a réalisé dans ces mondes. Il existe un monde dans lequel nous avons atteint la Libération absolue et ce Moi qui a atteint la Libération devient notre ange. Notre ange est en réalité notre Moi divin qui a atteint la Libération dans un de ces mondes parallèles.

Platon le savait, mais il ne le révélait pas, il se contentait de dire : « Quant au Moi supérieur, on ne peut pas savoir s’il est la pointe de notre âme ou bien un dieu qui veille sur nous. » En réalité, il est les deux, car le dieu qui veille sur nous est exactement notre Moi divin réalisé dans un de ces mondes parallèles. Ce qui fait que c’est nous‑mêmes qui parlons à nous‑mêmes à travers les conseils de l’ange gardien. Platon l’appelait le Daïmon.

Qu’est‑ce que l’âme sœur ?

F.B. : C’est une autre question qui fut abordée par Swedenborg. Il s’agit de la théorie, vraie aussi, que nous sommes des êtres androgynes, mais que nous avons été séparés en deux. Quand nous sommes réalisés, l’être androgyne est parfait et il est un dieu qui n’a plus besoin de se réincarner. Malheureusement, il arrive qu’il se sépare en deux : une moitié yang et une moitié yin, et cette moitié yang et cette moitié yin se cherchent à travers les réincarnations jusqu’à ce qu’elles se retrouvent. Lorsqu’elles y sont parvenues, elles finissent par reformer un dieu unique, androgyne, parfaitement réalisé, qui n’a plus besoin de se réincarner. C’est une manière de se sauver : la recherche de l’âme sœur, de l’être unique qui a été créé pour nous, par nous et en même temps que nous. Si nous arrivons à le recomposer, c’est alors un hermaphrodite éternel et nous n’avons plus besoin de retomber dans l’abîme. Swedenborg a développé ceci dans L’Amour vraiment conjugal (1). […]

Qu’est‑ce qu’une planète édénique ?

F.B. : Une planète édénique est une planète où il n’y a plus ni haine ni peur ni ignorance ni violence ni lassitude intellectuelle. On y est dans un état d’exaltation divine, d’illumination permanente et de béatitude parfaite. Il existe des planètes édéniques et il faut les découvrir. C’est très facile, elles sont un peu partout dans le cosmos infini et on peut, quand on les cherche, les retrouver. Mais il faut évidemment être végétarien, non‑violent, avoir rencontré un maître et être baigné de son magnétisme. Ce sont des conditions primordiales et j’ajoute qu’on peut être sauvé si, au dernier moment, au moment même où l’on va mourir, on pense au Maître. Comme la dernière pensée est la porte qui ouvre l’existence future, si on pense au maître au dernier moment, on devient un maître soi-même et on n’a plus besoin de se réincarner dans des planètes terrestres, physiques, matérielles : on est définitivement sauvé.

Pour être définitivement sauvé, rien de plus simple :

  • Être végétarien,
  • Être non‑violent,
  • Rencontrer un vrai maître, et pas un faux ! Cela aussi c’est difficile, parce que sur cinquante gaillards qui se prétendent des maîtres, il y en a un de vrai pour quarante-neuf de faux. Vous avez une chance sur cinquante, ce n’est déjà pas mal. Et si vous tombez sur le vrai maître, il n’y a plus qu’à penser à lui au dernier moment et vous êtes absolument libérés, pour toujours. Car, comme je vous l’ai dit, la dernière pensée ouvre les portes de la vie ultérieure. Si, au dernier moment, vous pensez à une motocyclette – je résume un peu brutalement –, vous devenez une motocyclette. Si vous pensez à un chien, vous devenez un quadrupède aboyant. Si vous pensez à un chat, vous devenez un chat. Si vous pensez à un maître, vous devenez un maître.

Si on pense à Michaël, l’archange solaire, on ne se réincarne pas ?

F.B. : Si vous pensez à l’archange solaire Michaël, alors vous devenez semblable à lui. Vous devenez un archange solaire et vous n’avez plus besoin de vous réincarner. Mais il est difficile de savoir qu’il existe des archanges et il est difficile d’y croire, car, immédiatement, on vous regarde avec dédain : « Encore un qui croit aux contes de fées ! Pauvre petit, il n’a pas évolué, il a encore le cerveau d’un enfant de cinq ans ! » […]

Quelle est la proportion d’action entre les maîtres du karma et notre libre arbitre ?

F.B. : Il existe trois forces éternelles : la providence, la fatalité karmique et le libre arbitre humain. Vous avez toujours la possibilité de choisir entre la providence et la fatalité. Et, de plus, dans chaque existence, il y a deux destins et non pas un seul. Vous pouvez choisir soit un destin, soit l’autre, c’est encore la toute-puissance de la liberté humaine qui s’installe à travers tous les mondes. Nous sommes libres. Étant libres, nous sommes entièrement responsables de nos actes, même de nos actes inconscients. Car, si nous sommes inconscients actuellement, nous avons été conscients dans des vies antérieures et notre inconscience actuelle est le résultat de notre action consciente dans une vie précédente. Il y a toute une série de choses qui peuvent paraître contradictoires, mais qui s’imbriquent tout à fait harmonieusement. Il suffit de savoir que nous sommes totalement libres et totalement responsables. Platon déclare : « Nul n’est méchant volontairement si ce n’est par ignorance. » On peut se demander si l’on n’est pas responsable de sa propre ignorance, mais ce que dit Platon est assez juste.

Quel est le rôle de la laideur dans l’élaboration de la Beauté ?

F.B. : C’est le même rôle que joue l’erreur dans l’élaboration de la vérité. Il faut d’abord rencontrer la laideur pour savoir que la laideur nous répugne parce que nous voulons la beauté. Elle est en quelque sorte une purification : nous écartons un élément pour qu’un autre surgisse. Parmi toutes les laideurs, il n’y a guère que la laideur morale qui soit une véritable laideur. Voir Molière : 

« La géante paraît une déesse aux yeux ;
 La naine un abrégé des merveilles des cieux (2) »

En réalité, il n’y a pas de laideur, il n’y a que des appréciations personnelles et subjectives de la beauté. Il n’existe qu’une beauté universelle avec des apparences infiniment diverses, qui peuvent paraître contradictoires, ce qui est normal. La Beauté étant universelle, il y a une multitude de beautés, différentes à l’intérieur de l’archétype même de la Beauté parfaite.

Qu’est‑ce que l’état de non‑violence ?

F.B. : La violence est le désir de détruire. Ainsi, si vous avez le désir de détruire ce qui vous gêne, ce qui gêne votre égoïsme, vous êtes violent. Nous avons tous, ou à peu près, ce désir de détruire ; mais on peut le transcender et on ne peut le transcender que par la pensée volontairement non-violente. Par exemple, vous avez envie de tuer, de détruire, d’écarter ou de faire souffrir quelqu’un qui vous a fait du mal, ou vous supposez qu’il vous a fait du mal – car la plupart du temps il n’est qu’un agent du karma –, dans ce cas, vous envoyez volontairement des pensées d’amour à cette personne. Vous le faites par la volonté et vous écartez ainsi toutes les vibrations négatives que vous avez pu lui envoyer. À ce moment‑là, vous êtes purifié. Ce qui est exaltant et surtout sympathique, c’est qu’une pensée d’amour vaut cent pensées de haine. C’est un minimum ! Ce qui fait qu’on peut quand même évoluer parce que vous avez certainement dans la journée cent pensées de haine, et pas toujours une pensée d’amour. Mais si vous avez cent pensées de haine et une pensée d’amour, vous êtes sur le point de l’équilibre, et si vous avez cent pensées d’amour, alors vous êtes plus qu’équilibré, vous êtes sur le chemin de l’avancement indéfini de votre âme vers le Soleil éternel. […]

Qu’est‑ce que la peur ?

F.B. : La peur est un aveu de faiblesse et c’est un manque de foi. Car, si vous avez confiance dans la Providence, dans les maîtres et dans les êtres lumineux qui veillent sur vous, vous n’avez plus besoin d’avoir peur. La peur s’effacera d’elle-même. C’est un manque de confiance et un manque de foi. Il ne faut pas avoir peur de la peur. Il est normal que cela arrive à un moment donné, mais on doit prendre conscience qu’elle n’a pas d’existence véritable. Elle n’est que le reflet subjectif du manque de foi et de confiance. […]

Pourrais-tu m’expliquer une phrase qui me rend toujours perplexe dans la Minute d’Éternité (3) : « Je suis l’Absolu où se fondent toutes les contradictions » ?

F.B. : Le propre de l’idée d’absolu est d’être la synthèse de toutes les contradictions. Tout ce qui est contraire aboutit à un autre contraire, et, les deux contraires, au lieu de se détruire, se fondent dans une unité supérieure qu’on appelle l’Absolu. L’Absolu est essentiellement la synthèse de toutes les contradictions, ou physiques, ou intellectuelles, ou politiques, ou morales. Tout ceci se fond dans une espèce de chose incompréhensible qui est l’Absolu. La définition de l’Absolu est la synthèse de toutes les contradictions et de toutes les oppositions pour arriver à une unité parfaitement harmonieuse. L’Absolu fait partie de l’Infini, car l’Infini comprend tout. S’il ne comprend pas l’Absolu, il n’est plus infini, il lui manque quelque chose. L’Infini doit donc contenir tout, y compris les contradictions.

(1) – SWEDENBORG Emmanuel (1688-1772), L’Amour vraiment conjugal, publié par le Cercle Swedenborg, Meudon, 1974.
(2) – POQUELIN Jean-Baptiste, dit Molière (16221673), Le Misanthrope (1666), acte II, scène V.
(3) – « Les huit méthodes » dans BROUSSE François, La Trinosophie de l’Étoile polaire, éd. La Licorne Ailée, Clamart, 1990, p. 305-323.

François Brousse

« Entretien avec François Brousse », mercredi 26 juin 1991 , Clamart, dans Revue BMP N°162 – février 1998