Les dieux aux doigts palmés passent dans la grisaille,
Parfois un sein de feu, surgit, sublime éclair
Les ailes de la Nuit sur les âmes tressaillent
La brise étrange enivre l’air.

Emeraude de songe aux magiques nuances,
L’île polynésienne où vit un peuple fier
Aux génies du triomphe abyssal se fiance
Dans le mauve reflet des mers !

Un hymne inentendu murmure à nos oreilles,
C’est la rumeur confuse et sereine des soirs.
Les arbres balançant leurs têtes qui sommeillent,
Chantent un chant de désespoir !

Pourtant un pur délice érige ses feux vierges
Sur le trépied des mers oscillantes et nues !
Les sombres caïmans brillent le long des berges
Où clapotent les flots menus.

C’est l’heure où le bleu calme et ondoyant des rêves
Éteint la fulgurante auréole des fleurs,
Les cocotiers, ainsi que des spectres, se lèvent
Dans l’aérienne vapeur.

C’est l’heure où, sur le flanc violacé des cimes
Qui plongent leur pied fauve en la splendeur des eaux,
Des femmes nues, au port sauvage et magnanime,
Écartant les vastes roseaux,

Descendent lentement baigner leur corps superbe,
Pur comme un temple antique et noir comme la nuit.
La houle de leur chevelure emplit les herbes,
Un diamant à leur nez luit.

Vos dents et vos regards trouent l’ombre vespérale,
Des serpents familiers enlacent vos bassins,
Et dardent en faisant bruire leurs spirales,
Leur tête aiguë entre vos seins,

Ô filles des beaux soirs ! Mais la soudaine lune
Au sortir d’un ombrage étincelle, et, chargeant
De son ruissellement de neige vos chairs brunes,
Vous transforme en statues d’argent !