Murmures magiques

Perpignan, Imp. Labau, 1975

Préface

Le penseur, debout sur une montagne, d’où il contemple les horizons du monde, sent monter en son cœur l’immense murmure de la vie : murmure des forêts qui couvrent d’un mantel d’émeraudes les épaules colossales de la planète ; murmure des magnificences océaniques dont les vagues rongent sans trêve les écueils, les golfes et les caps tiarés de cormorans ; murmure du ciel où voguent les flottes des nuages, où passent en grondant les grands vents purificateurs, où se désagrègent les satellites arti­ficiels jetés par l’audace de l’homme dans l’ironie de l’espace, où se croisent majestueusement les comètes et les étoiles ; murmure des laves qui se convulsent dans les profon­deurs du globe, à travers des rocs embrasés, sous des cryptes monstrueuses hantées par des singes aux ailes de chauves‑souris ; murmure de l’humanité, cette hydre aux milliards de têtes, qui souille la Terre et lacère les enfants de l’infini, poètes ou mages, mais qui, dans ses ganglions informes, sent confusément l’appel de l’absolu.

J’ai voulu condenser en ces pages frémissantes le chant énigmatique fluant des choses et des êtres, le Verbe miraculeux qui retentit dans la pensée des mondes, tous les murmures magiques émanant de l’Âme universelle.

Ave, stella  Maris !

François Brousse
Murmures magiques

 Réédité dans Œuvres poétiques t. II, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1988

Préface

Le penseur, debout sur une montagne, d’où il contemple les horizons du monde, sent monter en son cœur l’immense murmure de la vie : murmure des forêts qui couvrent d’un mantel d’émeraudes les épaules colossales de la planète ; murmure des magnificences océaniques dont les vagues rongent sans trêve les écueils, les golfes et les caps tiarés de cormorans ; murmure du ciel où voguent les flottes des nuages, où passent en grondant les grands vents purificateurs, où se désagrègent les satellites arti­ficiels jetés par l’audace de l’homme dans l’ironie de l’espace, où se croisent majestueusement les comètes et les étoiles ; murmure des laves qui se convulsent dans les profon­deurs du globe, à travers des rocs embrasés, sous des cryptes monstrueuses hantées par des singes aux ailes de chauves‑souris ; murmure de l’humanité, cette hydre aux milliards de têtes, qui souille la Terre et lacère les enfants de l’infini, poètes ou mages, mais qui, dans ses ganglions informes, sent confusément l’appel de l’absolu.

J’ai voulu condenser en ces pages frémissantes le chant énigmatique fluant des choses et des êtres, le Verbe miraculeux qui retentit dans la pensée des mondes, tous les murmures magiques émanant de l’Âme universelle.

Ave, stella  Maris !

François Brousse
Murmures magiques

 Réédité dans Œuvres poétiques t. II, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1988

Article de presse

 

De la poésie sur votre sapin de Noël !

« LES MURMURES MAGIQUES DE FRANÇOIS BROUSSE »

L’Indépendant, Perpignan, 21 décembre 1975

François Brousse poète, qui l’a lu réellement ?

Cet artiste singulier dont l’œuvre, année après année, s’amoncelle exemplaire, est un des derniers représentants de l’inspiration.

De nos jours, trop de ses collègues, pris par on ne sait quelle manie cannibale, ont arraché la chair des mots, pour n’en conserver et polir que les os. Si le résultat s’avère parfois sonore, la part de rêve en est vulgairement absente.

 

La poésie de François Brousse refuse les roulements de tambour, les coups de gueule – elle ne manifeste pas. Poésie plus secrète, éloignée de la rue et de ses turbulences, elle s’installe sinon dans une tour d’ivoire, du moins dans le réduit sulfureux de l’alchimiste. Oui, François Brousse est magicien ! Un faiseur d’images miraculeuses qui a su, parce qu’il est savant et chercheur impénitent, réunir dans une même cuisine cosmique, les ingrédients de traditions culturelles les plus diverses, du chamanisme aux hindouismes les plus tantriques.

En cette année d’anniversaire d’Anatole France, il est heureux de voir François Brousse dédier plusieurs de ses poèmes au grand Krishnamurti, poète et pédagogue remarquable, en qui notre auteur, à juste titre, semble se reconnaître.

Murmures magiques est le dernier titre de notre artiste-philosophe. La vérité a toujours siégé quelque part dans le ciel – le septième peut-être ? Que sont ces Murmures, sinon les ruisseaux qui feront tout à l’heure le fleuve amour, l’océan passion ? Que sont ces murmures sinon le langage initiatique qui conduit au Fondateur du cosmos ?

François Brousse, un nom et une œuvre dont il faut se souvenir au moment des étrennes. François Brousse, un des rares territoires habités et chevillés à « la folle du logis » qui nous restent encore. Et qu’il faut entretenir familialement.

Auteur non mentionné

François Brousse écoute le cosmos : Murmures magiques

Couverture rose, lettres vertes, papier glacé. Rose, vert brillant, cela suffit-il à définir le nouveau livre de François Brousse ?

Ce poète, le plus fécond et le plus grand de l’Europe contemporaine, nous montre mille visages et dix mille prunelles où passe un feu surnaturel.

Si nous en croyons sa préface : – J’ai voulu condenser en ces pages frémissantes le chant énigmatique fluant des choses et des êtres, le Verbe miraculeux qui retentit dans la pensée des mondes, tous les murmures magiques émanant de l’Âme universelle.

Vaste programme. Seul un géant peut le tenter. La réussite est-elle au niveau de l’espérance grandiose ? Cela me rappelle Le Dominicain blanc de Gustav Meyrinck, l’initié qui conquiert l’immortalité. On y parvient, mais après combien de luttes intérieures ! Un poème, « Les Spectres », nous le montre clairement :

Et je reste pensif sur la hauteur des monts,
Plongeant mes fronts vivants dans l’harmonie des mondes,
Comme un parc transpercé d’une auréole blonde
Que visite, la nuit, la ruée des démons.

 

Faut-il croire que le génie ne peut éclore que dans les brasiers tumultueux des complexes psychanalytiques ? Théorie trop simple, car tous les complexés ne sont pas des génies ! L’union de l’âme instinctive et du super conscient est peut-être la clef du pouvoir créateur. Est-ce le sens profond du poème « Grecque » :

La canéphore passe, impassible : ses yeux
Regardent au fond de son âme
Des oiseaux de ténèbre et des oiseaux de flamme
Heurter leur vol mystérieux…

 

Est-ce Leconte de Lisle ? Est-ce Victor Hugo ? Est-ce Albert Samain ? Non, c’est François Brousse, qui veut ouvrir les routes infinies de la Quatrième Dimension.

Tantôt il célèbre la fauvette dans des nombres ronsardiens qu’il ressuscite de manière parfaite :

Ô fauvette, flot vivant
Que le vent,
Éparpille dans l’aurore
Lutin valseur des forêts
Où le frais
Descend des voûtes sonores…

 

Tantôt il chante – c’est rare sous son luth – la beauté de la petite patrie, ce jardin béni des Dieux, « Rosello » :

Un taureau noir, parmi les genêts qu’il écrase
Contemple en mugissant le hautain Cambre d’Aze
Où l’aigle et la nuée osent faire leur nid.

 

Mais il connaît d’autres régions, d’autres frissons planétaires : « L’enfant des montagnes » qui rêve en Bretagne et Bagnères-de-Bigorre, avec sa douce lumière.

La femme apparaît furtivement, comme une lune de printemps, dans le bleu rose du ciel (« Jeune Fille étoilée », « Sylviane », « Une artiste »).

Ô jeune fille aux yeux de tendresse éblouis
Belle comme une nef dans la splendeur des nuits,
Tu t’avances dardant par l’arc clair de ta bouche
Flèche de feu aigu ton sourire farouche.

 

La femme, sirène et souveraine… François Brousse comptera, me semble-t-il, parmi les plus grands poètes de l’amour, sous sa double forme, charnelle et mystique.

Je n’ai garde d’oublier l’aspect hindouiste de celui qu’on a surnommé « le Vigny des Temps modernes », « le Novalis de la France » et « le swami de l’Occident » ! « Les reflets de Brahma » sont une ode qui pourrait figurer dans le Rig Veda, parmi les hymnes métaphysiques et religieux. Mais je me délecte à cette étrange mélodie que je citerai comme conclusion, une méthode ou plutôt un grand mantram magique :

En remontant sous le soleil
Les flammes nues de l’éternel,
Nous aspirons dans l’air vermeil
Tout le nectar universel.

Et l’oiseau des songes pareil
Au vieux livre barré d’un scel,
Jetait dans nos cœurs en éveil
Le chant du feu, le cri du sel.
L’Âme du monde est notre autel !


Aryane Lecomte

Archives François Brousse, p. 4114 à 4116