Apollonius de Tyane

16 apr. J.-C., Tyane (Cappadoce) – 97 ou en 98, Éphèse (Selon Wikipedia)

Selon F. Brousse, Apollonius de Tyane serait né aux environs de l’an 1 et aurait vécu 120 ans 

 

Apollonius de Tyane est un maître colossal,

une cime aussi grande que la cime christique et qui a apporté un flot infini de lumière sur la Terre.

François Brousse
Philosophies, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2011, p. 54

Apollonius est la réincarnation de Pythago­re. Même sagesse, même noblesse dâme, mêmes pouvoirs miracu­leux. Il renonça à la viande et au vin, il renonça également aux caresses de la femme. Rien ne pouvait le détourner de sa mission, qui était de ranimer la torche des vérités dans la main du paganisme agonisant.

François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de la Bible, Clamart, Éd. La Licorne Ailée 1987, p. 119

Apollonios

La pourpre romaine couvrait le monde, comme un immense velarium aux éclairs terribles ; les peuples restaient pâles et calmes pareils à l’océan sur lequel l’aube va resplendir ; et la Terre frémissait, lorsque Dieu suscita une grande flamme sereine dans la petite ville de Tyane.

Cette flamme sortit du front et des prunelles profondes du jeune Apollonios.

À peine les lauriers roses s’étaient-ils effeuillés douze fois autour des blanches colonnes où venaient se reposer les colombes, que déjà une grâce mystérieuse, une majesté souriante et pure aimantait ce crâne fatidique.

Un fluide d’harmonie baignait cet enfant extraordinaire ; son lumineux visage, élargi vers le haut, semblait une torche de cire dont les boucles d’or figuraient les flammes tordues ; ses membres, divinement proportionnés, rayonnaient une blancheur éclatante ; ses yeux, trop vastes, effrayaient par leur intelligence bleue et infinie ; et lorsqu’il souriait, c’était une ouverture des cieux écarlates.

Jamais on ne le vit rire ; parfois il s’adossait à une colonne d’albâtre, croisait ses bras et songeait lugubrement ; alors une formidable souffrance, pareille aux ténèbres sacrées des branchages, assombrissait ses regards splendides.

Il aimait le Soleil au-dessus de toutes choses ; il restait des heures dans le flamboiement de l’astre qui allumait un incendie d’or parmi sa chevelure.

Sa mère, effarée par cette symphonie vivante, ce dieu-enfant, songeait souvent à l’étrange naissance d’Apollonios, et se demandait dans son angoisse si elle n’avait pas jeté à la lumière le successeur prédestiné des Douze Dominateurs de l’univers. Car il était né avant terme, comme un aiglon impatient de briser sa coquille, et voici de quelle manière bizarre.

Un jour, dans la splendeur de l’après-midi brûlante, la jeune femme enceinte se promena dans une prairie déserte, aux environs de Tyane, sous le dôme d’un azur incandescent.

L’herbe, sauvage, verte et douce, offrait un tapis de gloire à ses pieds délicats ; les cyprès calmes comme des dieux familiers lui souriaient de loin ; l’eurythmie des lignes transparentes s’amplifiait jusqu’à la mer lointaine dont le maléfique murmure s’emprisonnait dans les cheveux pleins de brises…

La promeneuse, lassée par la chaleur et son fardeau vivant, se coucha à l’ombre d’un arbre, et s’endormit dans le flottement de la maille noire et vermeille.

Or, tandis qu’elle dort, voici que des ailes violemment blanches flamboient à l’horizon ; les cygnes sauvages aux yeux solaires, à l’envergure hiératique, viennent des lointains indéfinis.

Ils s’approchent de la dormeuse, comme fascinés par un magnétisme surnaturel ; et leurs cris rauques, clairs et vrillants, et le tumulte inextinguible de leurs ailes réveillent en sursaut la femme sacrée qui, dans une clameur d’épouvante, crache avec la bouche de son ventre fendu, parmi le sang et les contorsions celui qui sera plus tard le céleste Apollonios.

Les oiseaux magnifiques saluaient ainsi le futur cygne de l’intelligence, le splendide errant de l’esprit, le vagabond royal de l’âme !

Les grands êtres de l’abîme qui se tiennent debout auprès du trône de Dieu semblaient presque visibles en cet enfant. Or, son père, le voyant croître comme un palmier que baigne tous les matins la bénédiction des cieux, l’envoya compléter ses études à la ville de Tarse.

 

 

Tarse

Un vent de voluptés et de parfums soufflait sur cette ville. Les étudiants aux chlamydes immaculées, aux cheveux ceints de pourpre, après avoir contemplé la splendeur de la pensée dans Pythagore et Platon, adoraient la douceur de la chair dans les corps impudiques des jeunes femmes. Le soir, quand le sourire nocturne épanchait son charme transparent sur les orangers pleins d’une immense senteur, le long du Cydnus gorgé d’étoiles, marchaient les adolescents pensifs donnant la main aux lascives adolescentes, vêtues de robes fendues sur le côté et couronnées, comme d’un astre d’ambre, par les hauts peignes triangulaires. Les ailes de la chaleur couvaient Tarse, œuf de corruption, et leurs ongles terminaux excitaient les nerfs, les muscles, les ventres. Des traits de feu jaillissaient de la pointe des seins tendus, des éclairs sillonnaient les croupes palpitantes, un poison de braises brûlait les bouches sanglantes comme un taureau égorgé. Et, sur l’énorme bûcher des membres convulsifs qui flambaient épouvantablement, le vin, le vin perfide, versait sa coupe forcenée, son fleuve d’escarboucles fumantes ! Ce foyer de vie colossale vomissait, hélas !, parmi les fécondes étincelles, des vastes tourbillons d’ombre au ciel muet.

Le bûcher de ces corps effrontés fut un phare pour le jeune mage ; cette flamme violente lui illumina les gouffres carnivores qui serpentent autour de la sensualité, soit qu’il vit périr dans d’horribles convulsions quelques malheureux camarades abreuvés trop souvent à la coupe d’impudicité ; soit que le Daïmon supérieur, dont les ailes se croisaient en armure protectrice sur la poitrine d’Apollonios, l’ait châtié de ses déviations.

Apollonios traversa donc ce fleuve de soufre passionné, aux flots pleins de sirènes et de mort, comme un aigle traverse l’embrasement des cieux d’aurore, sans s’y brûler. Cette victoire ajouta une couronne de lumière à sa splendeur, car l’être dont les yeux n’aiment que les pensées profondes, dont l’âme ne veut que la beauté des astres ; celui qui force les tigres de ses sens à soutenir la base de son trône, celui qui respire l’harmonie du monde invisible, celui‑là porte au fond de son cœur une flamme qui rayonne parmi sa chair transparente.

Le prophète naissant comprit cette vérité sereine en comparant le rayon de son visage divin et les gueules ou les groins des hommes qu’enveniment le matérialisme, la débauche. Et il voulut conserver sa face resplendissante, le rang qu’il avait devant la bonté de Dieu.

François Brousse
« Apollonios » dans Revue BMP N°171, déc. 1998

Damis et Philostrate

Apollonius de Tyane est allé chercher la sagesse dans l’Inde où il a rencontré des sages dominés par le grand Iarkas. Les hommes-sages ressemblent curieusement à l’Aggartha : ils méditaient quand le soleil se levait et leur corps s’élevait dans les airs, la Terre entière tremblait sous eux et ils étaient capables de changer le temps comme ils voulaient. Ils répandaient en même temps des rayons de lumière sur toute la Terre. Nous avons, semble-t-il, nettement affaire à l’Aggartha.

On trouve ces renseignements dans Philostrate qui les tenait de Damis, secrétaire, si j’ose dire, d’Apollonius de Tyane.

Apollonius, passant à travers les ruines de Ninive, rencontra un homme brun et petit qui rêvait au milieu des statues écroulées des dieux. Voyant passer Apollonius, Damis s’avança vers lui et lui dit : – Maître, je veux te servir durant toute ma vie et je te montrerai les chemins de toutes les contrées.

Apollonius lui répondit qu’il connaissait tous les chemins du ciel et de la Terre et il ajouta tranquillement : – Je vois que tu veux m’enseigner toutes les langues de tous les pays que je traverserai, mais je connais toutes les langues y compris celle des dieux

Damis se mit à son service et jusqu’à sa mort, il nota dans ses manuscrits les faits et gestes d’Apollonius de Tyane. Ces manuscrits arrivèrent en possession de Philostrate qui mit en ordre les notes éparses de Damis.

Philostrate a vécu à l’époque de Julia Domna, vers l’an 200. Depuis Apollonius de Tyane jusqu’à Philostrate, à travers Damis, il semble que la filiation historique soit nettement établie.

François Brousse
Conf. F. Brousse : « L’irisation ésotérique » (Paris, 20-03-1987) dans Revue BMP N°243-244, avr.-mai 2005

 

Apollonius de Tyane a écrit, de sa main souveraine, quatre livres actuellement disparus dans la marée des siècles : Vie de Pythagore, Traité sur les sacrifices, Prédictions astrologiques et Le Testament. Par la puissance du troisième œil on peut retrouver ces pages géniales, inscrites ineffaçablement dans la mémoire de l’univers, les annales akashiques. […] 

Le Traité sur les sacrifices commence par une pathétique exhortation contre les hécatombes, ces horribles massacres d’animaux en l’honneur des dieux. Entre Dieu, la sublime essence irrévélée, et les humains, existe une échelle de héros, de demi‑divinités et d’entités hypercosmiques. Chacun de ces cadres célestes réclame un sacrifice pur, mais pas de meurtre sanglant.

Immoler un animal en l’honneur des dieux est un crime contre la vie universelle, un crime contre les Dieux eux‑mêmes. Non seulement on ne doit pas égorger les bêtes devant les autels mais il est interdit aux sages de manger de la viande et du poisson, toute chair pouvant souffrir, toute âme étant vivante. […] Les animaux que l’on doit immoler sont nos bêtes intérieures, celles qui grognent dans notre psychisme : la colère, l’ignorance, le mépris, le désir des biens matériels. Libérés du taureau, du mouton, de l’oie et du porc, nos esprits se tournent alors vers la contemplation des Idées divines. Les hymnes sacrés, empruntés aux Égyptiens, aux Chaldéens, aux Hindous et aux Grecs, montent plus clairement vers la face auguste des Entités parfaites.

Les demi‑dieux réclament aussi le tribut de nos prières. Ils nous donnent des signes, des prodiges, et la troupe en feu des rêves prémonitoires. Ils nous dispensent également la puissance de guérir. Pour les remercier de tous ces bienfaits, il convient de brûler de l’encens, d’offrir de la nourriture aux animaux et de soigner les plantes. L’analogie les joint à l’harmonie des Invisibles.

« L’œuvre d’Apollonius de Tyane » dans Revue BMP N°184-185, janv.-févr. 2000

Les rêves du matin

Pourquoi Apollonius de Tyane accordait‑il une attention particulière aux rêves du petit matin ?

F.B. : Parce qu’ils sont sous l’influence du magnétisme propre au Soleil levant. Ce magnétisme donne la lucidité intérieure et l’esprit prophétique.

Les rêves de la nuit nous font communiquer plutôt avec les morts et le corps astral des vivants endormis. Ils sont essentiellement sous l’influence de la Lune.

Apollonius, prophète, préférait l’influence du Soleil en relation avec Apollon, le Verbe cosmique.

François Brousse
« Les rêves », entretien, dans Revue BMP N°50, oct. 1987

MANUSCRIT (Extrait)

Théâtre :Le comte de Saint-Germain 

François Brousse
Revue BMP N°271-272-273-274 – nov.-déc. 2007-janv.-fév. 2008

Initiations du corps, de l’âme et de l’esprit

La Cappadoce nous offre une ville prestigieuse, Tyane, où naquit le contemporain et l’égal du Christ : Apollonius. […]

Des prodiges annoncèrent la naissance d’Apollonius. Une fem­me enceinte dormait, allongée parmi les fleurs d’une prairie, lors­qu’un vol de cygnes sauvages, par ses cris et ses battements d’ailes, la réveilla en sursaut. Elle se leva, surprise, et accoucha, sans douleur, de l’enfant merveilleux. La foudre, éclatant dans le ciel pur, tomba près du nouveau‑né, sans lui faire aucun mal. Les cygnes, par leur pureté, la foudre, par sa puissance, marquèrent, en effet, l’âme surhumaine d’Apollonius.

Après avoir étudié toutes les philosophies de l’Antiquité, le jeune homme se voua ardemment à la doctrine pythagoricienne. […].

Il apprit des prêtres du temple d’Esculape, à Égées, le secret des guérisons magnétiques. Il le développa encore par l’intensité d’un vouloir exceptionnel. Ce fut la première initiation, celle du corps.

Il pénétra dans les arcanes radieux de la philosophie pythagori­cienne, comme un maître, après un long voyage, rentre au palais construit autrefois sur son ordre. Tempérance, courage, amitié, sagesse, épanouirent en lui leurs clairs lotus. Pendant cette période il apaisa une émeute par sa seule présence et ressuscita une jeune fille. Ce fut la seconde initiation, celle de l’âme.

Enfin, Apollonius de Tyane, retrouvant l’itinéraire perdu de Pythagore, partit pour l’Inde éternelle, qui détient les plus hauts mystères du savoir. Sur les ruines de Ninive, il rencontra le disciple passionné auquel nous devons le récit de la vie du Maître : Damis. Après avoir, de la bouche des Arabes, appris la méthode pour communiquer avec l’âme des animaux ; après avoir connu le sanctuaire des mages de Babylone ; après avoir contemplé sur le Caucase les chaînes de Prométhée, le sage, plein de grands souvenirs et de grandes intuitions, entra dans la terre de l’Inde. Là, il trouva un cénacle de Dieux à forme humaine, dont le chef Iarchas lui conféra l’Initiation suprême, celle de l’esprit.

À son retour, l’initié visita les temples de l’Empire romain, rénovant les vieilles sagesses périclitantes, et montrant, par-delà le cercle des apparences, l’immatérielle splendeur. Il chassait les maladies, exorcisait les démons, évoquait les morts, réparait les injustices, purifiait les cultes. Des empereurs réclamèrent ses conseils ; il en donna aux plus dignes : Vespasien, Titus, Nerva.

Quand l’heure de sa mort arriva, le sage pénétra, la nuit, dans le temple de Diane, en Crète. Les dogues monstrueux qui gardaient le temple flattèrent Apollonius, mais les prêtres, croyant affronter un voleur‑magicien, le lièrent de chaînes et le jetèrent en prison. Vers minuit, les chaînes se brisèrent, Apollonius quitta sa prison et entra dans le temple dont les portes, d’elles‑mêmes, s’ouvrirent, puis se refermèrent sur le prophète. On entendit chanter un chœur de voix aériennes :

– Quitte la Terre, prends la route du ciel et délaisse les hommes pour monter vers les dieux.

Le corps d’Apollonius ne fut jamais retrouvé.

Dix mois après son évasion, il apparut en forme astrale devant un de ses disciples tourmenté de doutes pour lui dire : – L’âme est immortelle !

Près de deux siècles après la mort d’Apollonius, comme l’em­pereur Aurélien, à la tête de ses terribles légions, voulait saccager la ville rebelle de Tyane, il vit apparaître le Sage qui lui défendit de souiller par des meurtres le lieu de sa naissance. Le maître du monde obéit au fantôme. Ainsi l’âme d’Apollonius continuait sa mission bienfaisante.

Jésus jeta les semences de la religion chrétienne, Apollonius rajeunit les antiques paganismes. Tous les deux montrèrent aux hommes, plongés dans les ténèbres, les chemins de l’éternité…

François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de la Bible, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1987, p.199-201

 

La cohorte surhumaine des héros

Occupons‑nous de la cohorte surhumaine des héros. Ils servent de médiateurs entre les humains, les demi‑dieux et les entités hypercosmiques. Ce sont les grands philosophes qui nous montrent les chemins de la divinisation. Ils comprennent encore les grands poètes dont les paroles inspirées répandent autant d’éclat que de profondeur.

Le culte des Héros consiste à méditer leurs ouvrages où se reflète le visage de l’éternelle vérité. Miroirs d’or et faces de feu, Apollonius recommandait Homère, Hésiode, Krishna, Bouddha, Orphée, Pythagore, Zoroastre, Hermotime de Clazomène et Platon. Ils mettront sur nos fronts une lumière hyperphysique. Ils nous apprendront à unir les religions, les philosophies et les méthodes d’illumination.

François Brousse
« L’œuvre d’Apollonius de Tyane » dans Revue BMP N°184-185, janv.-févr. 2000

La Grèce, mère des philosophes

Le signe de la Vierge influence la Grèce. Or, c’est l’antique Hellénie qui donna au monde les lois de l’équilibre et de la beauté ! La Grèce a pour visages Pythagore, Héraclite, Empédocle, Socrate, Platon, Apollonius, sages lumineux qui proclamèrent le voyage des âmes de monde en monde, jusqu’à la complète divinisa­tion. Pain excellent qui embaume la table des initiés, ces rois de l’esprit. 

François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de la Bible, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1987, p.125

Le Verbe infini

Le Verbe infini s’incarne périodiquement dans des géants illuminateurs : les messies. Ces phares vivants éclairent les océans humains qui grondent sous les nuages. Rama, Krishna, Orphée, Pythagore, Bouddha, Lao-Tseu, Confucius, Jésus, Apollonius, Manès, Nanak, d’autres encore, s’érigent en clartés sublimes dans la gloire de l’amour et de la pensée. Ils sont les surhommes, les médiateurs, les Frères aînés. En suivant leurs traces, l’humanité monte vers les cimes de la libération.

Ils forment la hiérarchie vivante, la seule véritable, qui s’oppose à la hiérarchie morte, celle des Églises pétrifiées. Ils ont laissé des livres prodigieux, ou des paroles inspiratrices. Les intelligences boivent à ces coupes d’infini le vin des connaissances cosmiques.

François Brousse
« Fragments de vérités occultes » dans Revue BMP N°292-294 – oct. Déc. 2009

Apollonios et Euxène

Ses parents lui avaient donné comme maître le philosophe Euxène, dont la réputation était grande parmi les Hellènes. Euxène ne croyait pas aux dieux ; il aimait le vaste esprit d’Épicure, mais il ignorait l’austère vie de ce géant. […] En ce temps‑là, Euxène et Apollonios allèrent à la ville d’Égées, que dominait un temple grandiose, dans les entrailles duquel se passaient des mystères plus grandioses encore. Car ces prêtres étaient des sages. […]

Ce temple surnaturel fut la caverne d’Apollonios. Le jeune lion, instruit par une méditation et par une ambiance de sagesse, renonça dès lors à se nourrir d’aucun animal. Il laissa librement croître et ruisseler l’or de sa chevelure. Il repoussa le vin farouche où brûle une phosphorescence infernale. Le lin, innocent de tout massacre, vêtit son corps pur ; et ce fut les pieds nus qu’il marcha au milieu d’une apothéose de douceur. L’aurore de la Divinité illuminait cette âme ; la bénédiction tombait de son sourire, l’amour rayonnait de ses yeux.

Sa seule présence guérissait les malades. Il imposait ses mains radieuses sur leurs plaies qui se fermaient aussitôt. Sa pensée profonde et calme chassait les forces mauvaises qui bourdonnent sur les hommes comme des guêpes attirées par les sanies. Il occupait le centre d’un monde consolant, d’une sphère de résurrection. C’était le messager de la bonté des astres. Quand il levait la main, des dieux semblaient sortir de ses doigts.

Pendant quatre ans il ne prononça pas une seule parole, selon la règle du divin Pythagore qui voulait faire de toutes les énergies du sage une muette armée de sculpteurs, perpétuellement occupés à tailler l’âme informe, le marbre intérieur, suivant le profil des dieux. Ce fut une chose étrange de voir, quatre ans de suite, ce sublime silencieux marcher comme un pâle ressuscité, encore ivre des merveilles de l’autre monde.

Lorsque le temps eut descellé les lèvres mystiques d’Apollonios, son maître Euxène, qui s’épouvantait de son étrange croissance, tenta de ramener ses regards de l’égarement des cieux à la réalité de la Terre. Ils eurent ce dialogue, un jour que le cristal bleu des lointains tremblait dans une fièvre de plaisir et de transparence sereine, tandis que les arbres penchaient sur leurs cheveux la fraîcheur éblouissante de leurs palmes vertes, et qu’un vol de cygnes emplissait les azurs de son tumulte de neiges hallucinées.

Apollonios ! tu es pâle à rendre jalouse la Reine des ténèbres éternelles. Tu accomplis des miracles, tu guéris les malades, tu rends joyeux ceux qui sont en bonne santé. Bref, tu es un vrai prophète. Mais crois‑tu atteindre le bonheur par cette méthode ? Tu ne dors presque plus, tu ne manges presque plus et jamais de la nourriture vivante, tu vis dans la prière, tu te conserves pur de corps et d’âme. Veux‑tu mon opinion, tu es trop sage, tes sacrifices sont inutiles. L’homme ne peut atteindre qu’à une vertu moyenne, ta vertu à toi est la vertu des dieux !

 

– Tu te trompes, Euxène, l’homme vit dans le cœur des grands dieux, et son rôle c’est de se purifier jusqu’à se rendre digne de la substance divine qu’il habite. Il est comme le phénix immortel, à qui la foudre avait cassé les ailes et qui était tombé au fond de la mer. Il gémissait parmi le fourmillement des monstres de l’ombre, mais chaque fois qu’il levait les yeux vers le jour pâle et sublime qui transperçait le haut de sa prison étouffante, l’indestructible oiseau sentait les forces lui revenir, les chairs reprendre à son aile cassée, l’espoir l’éblouir ; mais chaque fois que ses yeux retombaient dans la boue, le dégoût, la douleur, la nuit lui remontaient au cœur. L’homme, c’est le phénix foudroyé. Il doit tendre à l’évanouissement dans l’aurore libre, et non pas trébucher gauchement entre le gouffre d’en haut et l’enfer d’en bas, comme une sorte de monstre aveugle qui ne sait ce qu’il veut. L’homme, c’est le foyer de douleurs où se blanchit la robe du dieu tombé dans la matière ; qu’il reste calme sur son trône de flamme, et il s’assiéra au front des cieux. Le sang de l’homme, vois‑tu, c’est l’immonde élixir qui redonne la lumière à celui qui l’a perdue. Le Destin, immense et voilé, frappe l’homme, et des plaies de l’homme s’écoule une eau purificatrice – la souffrance – qui le libère et le lave peu à peu ; et ainsi, de la chrysalide du corps physique, jaillit, à l’instant de la mort, l’esprit ailé de flammes qui va butiner les augustes corolles de Dieu. Sache, ô Euxène, que c’est toi‑même, de ton marteau et sur ton enclume, qui forges ta vie future.

La Justice éternelle est debout sur la création. Toutes les actions de l’homme, toutes ses pensées, tous ses désirs, rien ne tombe dans le néant. L’homme libre se meut librement entre le Mal et le Bien ; il peut choisir entre la fange et l’ambroisie. Mais, ce qu’il fait, l’Éternel, de sa grande plume, l’inscrit sur son livre. Et, à l’heure de la mort, l’homme voit s’ouvrir le Livre de Dieu.

Les êtres forment une chaîne immense qui part de plus bas que le minéral pour aboutir à plus haut que l’Olympien. Les plus heureux sont ceux qui se rapprochent le plus du Cœur universel, ceux qui reçoivent le plus de soleil et d’amour, les voisins de l’Être infini. Les malheureux sont ceux qui se tordent dans l’ombre loin de Dieu. L’âme humaine, arrachée à son corps, s’incarne, si elle s’est mal conduite, dans un organisme inférieur, animal ou végétal. Dans cette prison de fibres elle souffre de la soif de Dieu. Mais cette souffrance n’est pas éternelle. Quelle monstruosité que d’écraser la faute éphémère sous un châtiment éternel.

L’âme, lavée par la douleur, s’évade de son bagne, brise son carcan et remonte à l’homme. Là, de nouveau libre, elle agit ; et, selon ses actes, la Mort, géant formidable dont les ailes touchent aux astres, prenant l’esprit dans ses poings grandioses, le rejette dans les ténèbres ou le précipite plus près du rayonnement du Centre inouï. Les ouragans de l’extase l’attendent alors, et elle peut indéfiniment gravir les métempsycoses de lumière, ou choir de nouveau dans le gouffre humain. Voilà l’immense loi qui traverse le monde, le réseau nerveux qui parcourt le Grand Tout. Comprends‑tu maintenant pourquoi je vis comme un dieu ? C’est que je veux prendre place dans leur divine assemblée, que je veux m’abreuver à la coupe d’amour que tend le Dieu des dieux aux Fils de la Lumière. Je veux être une des flammes vivantes qui forment la couronne du Grand Invisible. Je veux m’irradier dans la gloire de l’Infini. Je veux me fondre au brasier de l’Éternel.

François Brousse
« Apollonios » dans Revue BMP, N°171, déc. 1998

Jésus et Apollonius de Tyane

L’erreur abyssale et himalayenne au point de vue rationnel est de faire d’Apollonius de Tyane une incarnation de Jésus le Nazoréen. Une simple comparaison entre les dates suffit pour chasser un tel phantasme. Jésus le Nazoréen, je l’ai déjà dit, est né en -12, lors du passage de la comète de Halley, l’Étoile des Mages, et mort vers l’année 39 de notre ère. Apollonius de Tyane, suivant toute probabilité, naquit aux environs de l’an 1, et quitta sa dépouille mortelle dans les années 120. Il ne peut donc pas être la réincarnation de Jésus le Nazoréen qui vivait en même temps que lui. 

François Brousse
« Une erreur d’Alice Bailey : Jésus le nazoréen et ses incarnations » (avril 1983) dans Revue BMP N°67, mai 1989

L’Avatar

Un avatar ne s’incarne jamais sous une forme unique. Par exemple, à l’époque de Jésus, il y avait Jésus et en même temps, Apollonius de Tyane, Patanjali, le Maître de justice et le Septième Hermès. Cela fait habituellement, à la même période, cinq personnages qui sont pénétrés par l’influx du Verbe infini. Chacun de ces personnages ayant d’ailleurs une conscience personnelle mais ils ont aussi une conscience collective.

François Brousse
Commentaires sur l’Apocalypse de saint Jean – Tome 1, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  2001, p. 259

Cinq émanations de l’éternité

L’Avatar a cinq visages, et non pas un seul.

La compréhension de cette loi aurait supprimé dans le christianisme l’Inquisition, les croisades, l’extermination des vaudois et des albigeois et les guerres religieuses.

Au lieu du Fils unique de Dieu, nous aurions eu les cinq émanations de l’éternité. Au lieu de Jésus-Christ, nous aurions vénéré Jésus le Galiléen, Apollonius de Tyane, Hermès Trismégiste et Simon le mage.

Le monde en eut été transfiguré.

François Brousse
« Réflexions sur les sept sauveurs de l’humanité » (avril 1988) dans Revue BMP N°56, avr. 1988