Manès

Ctésiphon (ou environs), 14 avril 216Gundishapur, 26 février 277 (ou 2 mars 274)

Manès, prophète du verseau

Le nouveau prophète du Verseau naquit, comme l’ancien, dans la vénérable Babylone. Il se nomme Manès et la silhouette de ce géant, derrière les brumes de l’incompréhension, domine les âges. Il fut la lumière de l’Orient, à la même époque où Plotin éclairait l’Occident du monde.

Son père, Patek, avait entendu une voix surnaturelle qui lui commandait de renoncer à la viande, au vin et aux femmes. Il entra dans la secte secrète des sabéens, qui admettait ces mêmes principes. Les sabéens se rattachaient aux nazaréens de Jean‑Bap­tiste, dans le tabernacle desquels le Christ avait puisé une partie de sa sagesse. Ainsi, Manès et Jésus se sont abreuvés à d’analogues fontaines gnostiques, toutes diamantées de reflets célestes. Mais l’aigle en grandissant brise la coquille qui l’a protégé. À treize ans, l’ange Eltawan lui apparut, sous sa mitre de gloire, et lui ordonna de quitter le groupe de nazaréens. Puis vinrent des années d’étude, de méditation, de reploiement métaphysique, au bout des­quelles une seconde descente de l’ange le lança dans la prédication à travers le monde.

Il convertit le roi Sapor, le maître de l’Orient, qui fut ébloui par la majesté du prophète dont les épaules portaient deux mystérieuses lumières. Manès transforma également l’âme de Ferdouz, frère du roi. Ferdouz, raillant l’inspiré, lui avait demandé si les jardins du Ciel étaient aussi beaux que les siens. Sans répondre, Manès, étendant la main, donna au railleur la vision du divin Paradis, si bien que le prince, transporté, demeura trois heures en extase.

Les successeurs de Sapor revinrent à la religion de Zoroastre et Manès, obligé de quitter la Babylonie, alla évangéliser l’Inde, la Chine, le Khorassan, où sa parole ardente engendra un peuple de disciples. Quand il rentra dans sa patrie, le roi Hormouz fit écorcher vif le prophète, puis son corps sanguinolent fut cloué sur une croix. Par cette mort douloureuse, Manès, l’Apôtre de lumière, se hausse à la taille des plus grands. Comme Orphée, comme Krishna, comme jésus, il se sacrifia au salut de l’humanité.

François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de la Bible, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1987, p. 196

EXTRAIT (Suite)

 

Pour Manès, l’univers résulte du combat de l’esprit‑lumière contre la matière‑ténèbre. Les âmes, ces fragments détachés de la Lumière éternelle, sont emprisonnées dans les corps. Une évolution cosmique, lentement, les libère à travers la roue des réincarna­tions.

 

Le Christ transcendantal inspire de grands prophètes qui viennent accélérer le progrès des univers. Ces prophètes sont Zo­roastre, Bouddha, Jésus, Manès, qui incarnent le Paraclet et dévoilent les arcanes de la sagesse. Quand les âmes élues, enfin libérées, auront rejoint le Ciel de lumière, les étoiles s’écrouleront, les montagnes se fendront, le monde immense s’embrasera. Toutes les cendres de l’incendie universel s’entasseront dans l’Abîme ; une pierre énorme, aussi grande que la Terre, les recouvrira, et les âmes pécheresses y seront attachées pour une éternité. Ces merveilleux symboles contiennent de puissants enseignements.

Trois lampes illuminaient le chemin du salut : l’amour, la continence, le végétarisme. En réalité, les Parfaits pratiquaient seuls cette noble ascèse. Mais les Fidèles, qui continuaient à vivre selon les règles du monde, devaient renoncer à tout égoïsme.

Manès respectait l’inspiration artistique. Lui‑même peignait des tableaux admirables. Il écrivait comme un poète que transfigure le souffle du Verbe sans limites. Loin de rejeter la Beauté, il la considérait comme un reflet de l’éternelle Lumière. Il fut un messager de l’infini. Sa religion dura plus d’un millénaire. Dernier éclat du mani­chéisme, la doctrine albigeoise couvrit de splendeur le Moyen Âge européen, avant de succomber sous le glaive sanglant des papes. De nos jours des cénacles fervents conservent la pure flamme de Manès, qui ne peut mourir. […]

François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de la Bible, 1987, p. 196-198

Le mystère cathare

La tradition cathare prétend que l’apôtre Barthélémy fut chargé par le Christ d’évangéliser la Perse et les Indes. En arrivant dans cette contrée où fleurissent les grands yoghis, Barthélémy compléta ses connaissances grâce à la science transcendante des bouddhistes. Le bouddhisme disparut plus tard de l’Inde, mais il était alors en pleine expansion. Le catharisme serait donc le fruit merveilleux de la révélation chrétienne et de la science bouddhiste.

Les historiens actuels font plutôt remonter la doctrine à Manès le génial hérésiarque, qui mourut martyrisé sur l’ordre des prêtres zoroastriens, en 277. Il se déclarait le successeur de Zoroastre, de Bouddha, de Jésus. Il faisait de la matière l’autre nom du Démon. Ses idées furent reprises partiellement vers 930 par Bogomile, l’Ami de Dieu, dont les disciples se multiplièrent en Bulgarie et à travers les Balkans. Ensuite l’oiseau des doctrines gagna l’Italie du Nord où la Lombardie devint une forteresse des croyances bogomiles. Et le Midi de la France, à son tour, s’embrasa.

Le catharisme serait la synthèse des survivances manichéennes et des révélations bogomiles, l’enfant de Manès et de Bogomile, l’héritier de Paraclet et de l’Ami de Dieu.

Cette filiation peut se concilier avec la tradition cathare. Il suffit d’ajouter aux deux puissants initiateurs l’apôtre des Indes. Ainsi trois prophètes, en triangle de feu, domineraient la naissance du catharisme : Barthélémy, Manès et Bogomile. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que Manès, lui aussi, fit un voyage aux Indes, d’où il ramena certaines idées brahamanistes et bouddhistes.

François Brousse
« Le mystère cathare, VII » dans Revue BMP N°238, novembre 2004

Mané, Mani ou Manès

Mané, c’est Mani ou Manès qui, effectivement, dans Babylone même, avait plus tard vers +270, apporté la sagesse primordiale. Manès se considérait d’ailleurs comme la réincarnation de Bouddha et de Jésus. Il y aurait eu Bouddha, Zoroastre, Jésus ensuite Manès qui croyait à la réincarnation, qui pratiquait le végétarisme et qui admettait qu’à travers l’art, on peut atteindre la p1us haute sagesse. Manès a été crucifié et écorché, c’est beaucoup pour un seul homme, vers l’an 276 après J.-C. Il a apporté une sagesse merveilleuse et transcendante. […]

François Brousse
Commentaires sur les Proverbes de Salomon – t. I, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2015, p. 53

Pensée

Les intelligences supérieures vivent dans un état de continuelle illumination. Pythagore, Jésus, Bouddha, Krishna, Manès sont, véritablement, des hommes‑dieux. Si leur pied foule les cailloux de la Terre, leur tête plonge perpétuellement dans le grand ciel métaphysique. Tandis que leur moi humain parle aux mortels, leur moi divin parle à l’Éternel. De là cette prodigieuse complexité que ne peut comprendre la masse ni même l’ordinaire penseur.

François Brousse
Revue BMP N°83, novembre 1990

Les âmes des prophètes

L’image de l’Envoyé contient toujours de merveilleux mystères. Par l’essentiel de son âme, il se relie à l’amour universel. Les faux prophètes expectorent la haine des classes, des races ou des individus. Les faux prophètes jettent sur la Terre un glaive trempé de sang. Les vrais fils de Dieu proclament la bonté, la pitié, la miséricorde. Ils jettent sur la Terre des semences de lumière éternelle. Ils sont les grands semeurs de la charité céleste. Ils proclament l’oubli des injures, la bienveillance envers les hommes et les animaux. C’est le carrefour où se rejoignent Krishna, Bouddha, Jésus, Manès et Victor Hugo.

La violence, dans l’écho normal du Karma, engendre la violence. La haine, dans le clair-obscur des réincarnations, reflète la haine. À quoi bon cette danse infernale où s’affole l’esprit ? Le juste doit étouffer l’écho des violences, éteindre le reflet sanglant des haines. Le concert de l’amour et le soleil de la miséricorde exaltent les âmes des prophètes.

François Brousse
« Le Livre des Trois Imposteurs(Extrait) » dans Revue BMP N°134-135, juin-juillet 1995