Comme Jadis Hercule, que sollicitaient à la fois la vertu et la volupté, le poète hésite, dans l’éternelle croisée des chemins, entre la passion et l’imagination. Brutalement, Baudelaire a tranché le débat : poésie et imagination se confondent. Cette formule s’adapte si merveilleusement à François Brousse qu’elle semble avoir été faite pour lui : faite pour lui, comme le nid pour l’oiseau, comme la forêt pour les vents, comme les perles des mers pour le col des femmes !

L’imagination (qui pourrait le nier ?) constitue la faculté maî­tresse des créateurs : pareille à la flèche des cathédrales, elle perce les nues orageuses, et les oiseaux du ciel la frôlent de leurs ailes.

Comment Einstein domine‑t‑il le monde des savants ? Par son imagination. Elle traduit toujours une exubérance de forces, comme le volcan, pour se libérer, fend les carapaces de la Terre.

Cette exubérance se trouve d’abord dans la multiplicité de l’œuvre. Aucune des plaquettes publiées par François Brousse ne rappelle la précédente. On les croirait surgies d’auteurs différents, étrangers les uns aux autres. […]

Puis, c’est le torrent des images qui gronde perpétuelle avec son écume irisée dans l’inspiration du poète. […]

Pourtant, il ne dédaigne pas le sentiment. On peut même dire qu’il le porte à sa plus haute puissance, car, pour exalter l’émotion humaine, il a toujours l’imagination cosmique. […]

Imagination… Sentiment… La coupe qui doit recevoir le nectar est‑elle digne du vin céleste ? Sans doute l’alchimiste du rêve est aussi l’alchimiste du verbe. Il prend naturellement rang dans la catégorie des grands stylistes. […]

René Espeut

Article qui sert de préface au recueil de François Brousse intitulé L’Éternel Reflet dans Œuvres poétiques – Tome I (Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1986) et édité sous le titre « François Brousse ou le poète créateur ».