Revue Agni N°10

« Le Paon »

Le Paon, cet oiseau vêtu d’étoiles, dans les mythologies antiques, se surchargeait d’une signification intense. Il représentait en somme la métempsycose. Le géant Argus possédait cent yeux, irradiés à travers son corps démesuré. Jamais il ne tombait sous l’empire du sommeil, car, dans le repos, cinquante prunelles se fermaient, cinquante restaient ouvertes. Son multiple regard dévorait les horizons.

À cet infatigable gardien, la déesse Junon confia une génisse blanche au front triste, qui celait en sa pure forme l’âme d’une jeune fille : Io, aimée de Jupiter, le roi des cieux. Pour délivrer la captive, il fallait tuer le géant criblé de prunelles. L’astucieux Mercure s’en chargea. De sa flûte enchantée, il tira des sons si purs qu’Argus, dompté par l’extase, ferma les cent fenêtres de ses yeux. Et Mercure, d’un coup d’épée, lui trancha la tête.

Mais Junon, inconsolable de la perte de son fidèle serviteur, le ressuscita sous la forme glorieuse d’un paon, dont le plumage raviva les prunelles du géant. Les chrétiens virent dans cette fable le symbole du Christ ressuscité. En scrutant avec plus d’attention les images, on peut découvrir, par-delà l’hypothétique résurrection, la métempsycose.

Argus, pourvu d’abord d’une apparence humaine, prit ensuite la figure d’un oiseau. Donc, l’âme aurait la possibilité de passer du stade humain au stade animal. Opinion d’ailleurs logique. Si l’homme a la licence d’outrepasser la zone humaine jusqu’aux sphères divines, pourquoi (équilibre normal) ne risquerait‑il pas de choir dans les gouffres inférieurs ? Un pouvoir vers le haut, suppose, par compensation, un pouvoir vers le bas. Et les sages primitifs qui façonnèrent les mythologies surent y enclore les lois de la métempsycose. Les chrétiens dont la subtile pensée a choisi le symbole du Paon ignoraient‑ils sa profonde signification ésotérique ? […]

Charles Amazan (Pseudonyme utilisé par François Brousse)
Revue Agni N°10 – Hiver 1956

Article réédité dans Dans la lumière ésotérique, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1999

« Le Paon »

Le Paon, cet oiseau vêtu d’étoiles, dans les mythologies antiques, se surchargeait d’une signification intense. Il représentait en somme la métempsycose. Le géant Argus possédait cent yeux, irradiés à travers son corps démesuré. Jamais il ne tombait sous l’empire du sommeil, car, dans le repos, cinquante prunelles se fermaient, cinquante restaient ouvertes. Son multiple regard dévorait les horizons.

À cet infatigable gardien, la déesse Junon confia une génisse blanche au front triste, qui celait en sa pure forme l’âme d’une jeune fille : Io, aimée de Jupiter, le roi des cieux. Pour délivrer la captive, il fallait tuer le géant criblé de prunelles. L’astucieux Mercure s’en chargea. De sa flûte enchantée, il tira des sons si purs qu’Argus, dompté par l’extase, ferma les cent fenêtres de ses yeux. Et Mercure, d’un coup d’épée, lui trancha la tête.

Mais Junon, inconsolable de la perte de son fidèle serviteur, le ressuscita sous la forme glorieuse d’un paon, dont le plumage raviva les prunelles du géant. Les chrétiens virent dans cette fable le symbole du Christ ressuscité. En scrutant avec plus d’attention les images, on peut découvrir, par-delà l’hypothétique résurrection, la métempsycose.

Argus, pourvu d’abord d’une apparence humaine, prit ensuite la figure d’un oiseau. Donc, l’âme aurait la possibilité de passer du stade humain au stade animal. Opinion d’ailleurs logique. Si l’homme a la licence d’outrepasser la zone humaine jusqu’aux sphères divines, pourquoi (équilibre normal) ne risquerait‑il pas de choir dans les gouffres inférieurs ? Un pouvoir vers le haut, suppose, par compensation, un pouvoir vers le bas. Et les sages primitifs qui façonnèrent les mythologies surent y enclore les lois de la métempsycose. Les chrétiens dont la subtile pensée a choisi le symbole du Paon ignoraient‑ils sa profonde signification ésotérique ? […]

Charles Amazan (Pseudonyme utilisé par François Brousse)
Revue Agni N°10 – Hiver 1956

Article réédité dans Dans la lumière ésotérique, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1999