Revue Destins N°10
L’occultisme dans l’art et la nature
Paris, novembre 1946
Intuition et Raison
« Milosz et Hugo, poètes – prophètes »
Partie 1
Article de François Brousse (Extrait)
L’erreur de Milosz
Pour qu’une thèse rentre dans la sphère du vrai, il ne suffit pas de lui mettre une auréole aux fascinantes fulgurances, il faut encore qu’elle soit rationnelle. Or, la clé de l’Apocalypse, forgée par Milosz, est l’œuvre d’une imagination sans contact avec le réel. Les symboles frénétiques de saint Jean ont agi sur Milosz comme le marc de café et les tarots sur les voyantes. Ils ont déclenché l’essor de l’intuition prophétique.
Mais, en eux-mêmes, ils n’ont pas du tout le sens que leur attribue ce commentateur prestigieux. Si Milosz a prévu le choc polono-allemand, la guerre mondiale autour de la flambante Dantzig, c’est par les forces de son génie propre.
Saint Jean, pas plus que le marc de café ou les tarots ne dit rien de tout cela. Du moins dans les phrases commentées par le poète lithuanien.
La bombe atomique
La lettre géniale, qu’il adresse à Gengenbach, montre bien ce mélange de grandeur et de faiblesse, grandeur divinatrice, faiblesse du raisonnement. On saisit sur le vif la dualité grandiose de l’homme, cet avorton des Anges… Examinons les dires de Milosz :
Le déchiffrement des cryptogrammes hébreux de la Bible nous a permis de déterminer la période finale de six années, qui nous sépare de janvier 1944 et qui marque les événements principaux suivants : conflagration universelle, anéantissement de l’Amérique par le feu, de l’Angleterre par le feu et l’eau, de la Russie par la chute d’une partie de la Lune.
Nous qui vivons en juillet 1946, nous sommes en mesure de vérifier l’exactitude ou l’erreur de Milosz. Or, des quatre prophéties, une seule est vraie : la guerre universelle. Entre janvier 1938 et janvier 1944, le feu n’a pas anéanti l’Amérique, le feu et l’eau n’ont pas anéanti l’Angleterre, un morceau de lune n’a pas anéanti la Russie ! Ces trois nations, au contraire, dominent le monde.
Cependant, ne jetons pas la pierre à Milosz. Il a eu l’intuition claire de la durée de la guerre future : six années, de 1939 à 1945. Il a eu l’intuition confuse de l’événement crucial qui coupe en deux l’histoire universelle : la bombe atomique. Nous pouvons, ou nous pourrons, désagréger la lune, perturber le système solaire, bouleverser les mondes. La puissance de l’homme s’agrandit démoniaquement…
[…]
François Brousse
Revue Destins N°10, Paris, novembre 1946
Réédité dans la revue BMP N°147, octobre 1996 (Clamart, Éd. La Licorne Ailée)