Salomon

Lieu et date de décès : Jérusalem, 931 av. J.-C.

 

Salomon

On ne sait pas trop à quelle époque Salomon a vécu, à dix ans près. Nous pouvons constater que son père David et son prédécesseur Saül ont régné un nombre particulier d’années. C’est un nombre initiatique : le nombre « 40 ». Saül a régné quarante ans. Les quarante années de David furent une lutte épique et il finit par mourir glorieusement sur un champ de bataille, glorieux mais vaincu. David réussit à reconstituer un puissant royaume. Enfin, son fils porta ce royaume à l’apogée de la puissance et de la gloire. […]

Le nombre « 40 » est donc un nombre initiatique étrange qui peut être le pire comme il peut être le meilleur. Pour Salomon, ce fut un nombre assez extraordinaire. Sous son règne, la Judée, la nation juive, a connu quelque chose qu’elle ne connaîtra sans doute jamais plus, c’est-à-dire quarante ans de paix intérieure et quarante ans de paix extérieure. C’est dirons-nous un miracle. Il y a eu, à travers l’histoire judaïque, des guerres, des exterminations, des peuples entiers massacrés, anéantis. Avec Salomon, rien de tout cela. Il fit cohabiter en lui et dans son royaume au moins trois religions. […] Il croyait à un Dieu unique et il pensait que ce Dieu se manifestait à travers les doctrines les plus diverses et les plus opposées alors que la plupart des prophètes bibliques demandaient que l’on extermine les hérétiques ou les méchants qui ne pensaient pas comme eux. […] C’est-à-dire que les principales religions de son temps étaient admises, acceptées fraternellement. C’est une leçon de tolérance telle qu’elle n’est même pas encore comprise, encore moins acceptée. Nous considérons par conséquent les quarante années de règne de Salomon comme une des périodes les plus extraordinaires, les plus fécondes et les plus belles, les plus initiatiques de l’histoire du monde.

François Brousse
Conférence, Prades, 18 novembre 1982
Commentaires sur les Proverbes de Salomon : t. I, 2015, p. 27

EXTRAIT (Suite)

« Le mont du soleil »

Salomon, que veut dire ce nom ? Il veut dire « choisi par Dieu ». Kabbalistiquement, cela se traduit par « le mont du salut », qui peut être aussi « le mont du soleil » ; il se rapproche alors curieusement de Montségur, qui lui aussi signifie « mont solaire ». […]. Salomon a été considéré comme un grand magicien par tous les peuples du Proche-Orient. Ils ont fait de lui l’image même du messie de la sagesse et de la connaissance magique. Salomon était donc un être extrêmement curieux.

Son père David était lui-même un être remarquable. On lui reproche des quantités de choses qu’il n’est pas possible de reprocher à Salomon. On lui reproche par exemple d’avoir exterminé des villes entières, d’avoir jeté ses ennemis dans un four, d’être fanatique et violent. En ce qui concerne Salomon, c’est impossible. La Bible d’ailleurs dit à propos de David qu’il avait les mains trop pleines de sang pour pouvoir construire le temple de l’Éternel. […] C’était un conquérant brutal, violent et impitoyable.

« David » voudrait dire « la connaissance ». Il a écrit des psaumes. Parmi les psaumes nous connaissons, ceux de David, ceux de Salomon et une multitude d’autres qui ne sont attribués à personne. Ces psaumes sont en réalité de Salomon lui-même, ce qui fait que le plus grand créateur de psaumes serait non pas David mais Salomon. À la fin de sa vie, si nous en croyons les légendes arabes, Salomon serait monté sur une sorte de rayon flamboyant ; ce rayon l’aurait propulsé tout droit jusqu’au paradis. Dieu n’avait plus rien à dire parce qu’il était capable de défoncer les portes du paradis si on les lui avait fermées au nez. […]

 

Les épouses du roi Salomon

Le fait qu’il ait eu mille épouses, sept cents principales et trois cents secondaires, ne nous touche en aucune façon et ce, pour plusieurs raisons : primo, parce qu’il est possible que ce soit symbolique, secundo, parce que cette politique, et c’en était une, était une politique de pacification. Au lieu d’entrer en guerre contre tous les rois qui l’environnaient, comme l’avaient fait ses prédécesseurs, il leur demandait leurs filles comme épouses. L’alliance était ainsi conclue et la paix établie pour de nombreuses années entre lui et ses voisins. C’est ainsi qu’il épousa la princesse d’Égypte ; le puissant roi d’Égypte devint dès lors son beau-père et le protégea, ce qui est excellent. Il épousa la princesse des Philistins et une multitude d’autres qui toutes apportèrent la pacification avec les pays environnants, politique fort intelligente en même temps qu’agréable. La Bible ne lui reproche pas cela. Ce qu’elle lui reproche, ce n’est pas le nombre de ses épouses qui, toutes, je vous le rappelle, étaient légitimes, leur union étant bénie par les prêtres d’Israël. Non ! ce qu’elle lui reproche, c’est d’avoir cédé à la séduction religieuse de ses femmes.

C’est-à-dire qu’il a élevé un temple à Astarté, un temple à Milkôm, un temple à Kemosh et un temple à Isis, ouverture d’esprit extraordinaire et qui fait de lui un des plus grands œcuménistes de l’humanité.

[…] Salomon, comme je vous l’ai dit, avait une extraordinaire magie et, d’après des légendes, il serait le deuxième fils de Bethsabée et de David. […] Bethsabée a un nom curieux qui signifie « la maison des étoiles ». […] Historiquement, Bethsabée a bien existé et a bien épousé David […]. Ils demandèrent à Jéhovah un enfant. Ils en eurent un qu’ils appelèrent Salomon. Le jour de sa naissance, une voix gigantesque proclama à travers toute la Judée : – Celui qui va naître sera le maître des animaux, des hommes, des plantes et des esprits ; ce sera le messie de la magie transcendantale. […]

 

Les écrits

Voilà donc un personnage extraordinaire qui a laissé toute une série d’écrits ; les uns lui sont attribués peut-être abusivement, les autres lui sont attribués à juste titre. À mon avis nous avons d’abord les Proverbes. […]. Les Proverbes de Salomon doivent certainement avoir subi l’influence secrète de la sagesse égyptienne que Salomon connaissait par l’une de ses épouses, la princesse d’Égypte. Une autre œuvre extraordinaire, le Cantique des cantiques est un poème plein de lyrisme, d’images et de splendeur qui chante l’amour. On a prétendu qu’il s’agissait des amours de l’âme humaine avec l’âme divine. Je n’y vois aucune objection, mais je crois que ce sont en même temps les amours de l’homme et de la femme pour aboutir à une union androgynique. L’homme et la femme y parviennent lorsqu’ils transcendent leur ego et leur caractère personnel et lorsque l’amour-passion est remplacé ou transcendé ou mêlé à l’amour-sacrifice. On arrive alors à l’union de l’homme et de la femme ne formant qu’un seul dieu, un androgyne n’ayant plus besoin de s’incarner sur la Terre.

Il existe un troisième livre de Salomon, extrêmement connu, le Livre de la sagesse. Prodigieux ! Même si on ne comprend pas les secrets qu’il contient, il est le dévoilement de tous les mystères du cosmos.

Nous connaissons enfin l’Écclésiaste, livre très curieux où l’on trouve des formules de ce genre : « Rien de nouveau sous le soleil » ; « Un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort » ; « On ne sait pas si l’âme des bêtes va en bas et si l’âme des hommes va en haut ». Bref : « Tout est vanité. » Il le dit à chaque instant et il proclame : « Il est parfaitement inutile d’avoir fondé un empire gigantesque pour le laisser aux mains d’un enfant fou et dangereux » ; il parlait de son fils Jéroboam qui, effectivement, fut le fossoyeur de l’empire de Salomon.

François Brousse
Conférence, Prades, 18 novembre 1982
Commentaires sur les Proverbes de Salomon : t. I, 2015, p. 27

 

La sagesse d’un roi

Salomon aurait donc existé environ mille ans avant Jésus-Christ et il est la source d’une série invraisemblable de légendes, de traditions. Je vais vous en citer une à propos précisément de ce qu’il demanda à Dieu. Lorsque David mourut, Salomon se trouva évidemment le maître de l’empire créé par son père ; qu’allait-il en faire ? Une nuit, Dieu lui apparut, c’est à la fois la Bible et les traditions arabes qui nous le disent, Dieu lui est apparu et lui a dit : – J’ai donné à ton père la puissance et la gloire, que veux-tu que je te donne ? et Salomon Lui répondit :

– J’ai quinze ans je suis jeune, je suis à la tête d’un empire immense ; ce que je veux, c’est que tu me donnes une sagesse capable de transformer mon être et capable aussi de me mettre à la hauteur de la terrible situation dans laquelle je me trouve, je voudrais connaître les secrets de l’infini et être capable de mener mon peuple vers le bonheur.

Alors Dieu sourit, si Dieu peut sourire, et il lui déclara :

– Tu aurais pu me demander la force, la puissance, la richesse, tous les biens de la Terre ; tu as préféré me demander la sagesse, c’est bien ! Je te donne la sagesse, et par elle, tu seras le plus sage des rois et le plus puissant de tous étant donné que la sagesse contient tout ; tu m’as demandé l’essentiel ; et comme la sagesse contient également la paix, c’est toi qui construiras mon temple, car ton père était un conquérant et par conséquent, il avait les mains pleines de sang ; il était donc indigne de construire le temple de Yahvé. C’est toi le pacifique et le sage qui aura la renommée de le construire.

François Brousse
Commentaires sur les Proverbes de Salomon, t. I, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2015, p. 113-114

Les légendes salomoniennes

Salomon est célèbre pour une multitude de légendes. Je vous en rappelle quelques-unes, notamment la légende de l’enfant. Un enfant avait été tué accidentellement par sa mère, et, dans la salle où elle se trouvait, il y avait une mère avec son enfant vivant. Elle substitua l’enfant mort à l’enfant vivant. La mère s’en est aperçu à son réveil et l’affaire fut portée devant le grand roi Salomon qui a déclaré : – Puisque c’est ainsi, que l’on apporte un glaive et que l’on partage l’enfant en deux. Ainsi chaque mère aura une moitié de l’enfant. La fausse mère accepta et la vraie se précipita aux pieds du roi en disant :  Sire, donnez-lui l’enfant, pourvu qu’il ait la vie sauve ! Salomon répondit : – C’est toi la mère, qu’on lui rende son enfant !

Cet épisode est raconté dans la Bible. Il existe d’autres légendes qui ne sont pas racontées par la Bible, mais qui sont tout aussi curieuses et valables. Une femme avait un trésor dans une cruche, elle devait quitter Jérusalem, et elle enfouit son trésor dans une cruche ; elle prit ensuite six autres cruches les remplit de miel, si bien que personne ne put imaginer la présence d’un trésor quelconque. Se gardant bien de le dire, elle confia ses sept cruches à son voisin en le priant de les garder jusqu’à son retour. Quand elle revint, le voisin lui rendit les sept cruches. Mais quand elle regarda, elles étaient toutes pleines de miel. Il n’y avait pas une seule pièce du trésor brillant qui était caché dans une des cruches. On porta l’affaire devant David qui régnait à cette époque-là. Son enfant Salomon était à côté de lui. L’enfant avait trois ans et David ne savait à quel saint se vouer, ni à quelle cruche ! Le petit enfant lui dit : – Mon père, est-ce que tu permets que je juge ?  Trouvant le jeu intéressant, le père accepta que l’enfant, le petit Salomon, juge, et on l’installa tranquillement sur le trône. Il demanda qu’on apporte les sept cruches vides. Il demanda que l’on verse dans les sept cruches vides les sept cruches pleines de miel : cela fut fait. Il demanda qu’on brise les sept cruches devenues vides de miel. On les brisa et on vit quelque chose scintiller dans le fond de l’une d’entre elles. C’était une pièce d’or restée collée grâce au miel, au fond de la cruche. Le voleur fut ainsi démasqué avec une très grande facilité. Ce fut le premier jugement de Salomon. Il avait trois ans. C’était un enfant doué pour son âge !

Le deuxième jugement s’effectua quand il avait sept ans. Encore une histoire de trésor. Quelqu’un avait vendu un champ à un autre Juif et ce dernier trouva dans ce champ un trésor. Le vendeur protesta ! Il déclara : – J’ai vendu le champ, je n’ai pas vendu le trésor. Le trésor m’appartient.

L’autre dit : – J’ai acheté le champ et tout ce qu’il contenait.

On amène les plaideurs devant David qui demanda à son fils : – Salomon, veux-tu juger cette affaire délicate ?

L’enfant réfléchit, puis posa cette question : – Est-ce que le vendeur a un fils ?

Réponse : – Oui.

– Est-ce que l’acheteur à une fille ? 

Réponse :  Oui. Il déclare : – Vous n’avez qu’à marier le fils et la fille et ils se partageront le trésor, ainsi l’équilibre sera rétabli.

Ce qui fut fait à la satisfaction générale.

Lors du troisième jugement, Salomon avait dix ans. Un homme venait de mourir, il laissait trois fils et un trésor. Avant de mourir, il avait fait venir ses trois fils et leur avait dit qu’en réalité, un seul des trois enfants étaient légitimes et, par conséquent, c’est à lui que revenait le trésor d’après les lois de l’antique Moyen Orient. Qui était ce fils ? Personne ne le savait. On amena les trois plaignants devant le trône de David et cette fois ils demandèrent spontanément que Salomon dix ans juge cette affaire. Salomon s’installa sur le trône de son père et dit : – Qu’on amène le cadavre du père des trois enfants ! Qu’on le lie sur un poteau et qu’on amène trois flèches et un arc ! Cela fut fait.

Puis il dit aux trois enfants ! – Vous allez lancer une flèche sur le cadavre. Celui de vous trois qui aura touché l’endroit essentiel sera digne de recevoir le trésor.

Le premier fils lance une flèche et touche la main droite.

Le deuxième fils lance une flèche et touche le front, croyant avoir gagné.

Le troisième prend l’arc et le jette par terre avec violence, en déclarant : – Il m’est impossible de traverser de flèches le cadavre de mon père ; je préfère être ruiné plutôt que de commettre un pareil sacrilège.

Salomon lui dit : – Tu n’es pas ruiné, c’est à toi qu’appartient héritage et le trésor, car tu es son fils véritable.

Toutes ces légendes sont assez étranges. Dans la dernière, il avait treize ans. Le roi David se demandait qui devait lui succéder car il avait plusieurs fils. Il rêvait sur son trône lorsqu’un ange apparut avec une feuille d’or et sur cette feuille d’or étaient inscrites des questions. David fit venir ses fils et leur demanda de réponde à ces questions : – Qu’est-ce qui est tout ? Qu’est-ce qui n’est rien ? Les autres ne trouvèrent rien à répondre. Salomon répliqua : – Dieu est tout et le monde n’est rien. On lui donna immédiatement l’avantage. – Quelle est la chose la plus certaine et la chose la moins sûre ? Salomon déclara : – La chose la plus sûre est la mort et la moins sûre, c’est la mort après la mort, c’est-à-dire l’anéantissement. – Quelle est la chose la plus grande et la chose la plus petite ? Salomon se contenta de répondre que la chose la plus petite est l’espérance de la paix et que la chose la plus grande, c’est la paix enfin réalisée ». Ce qui le fit immédiatement appeler « l’empereur de la Paix », appellation qui serait la deuxième signification du nom de Salomon.

François Brousse
Commentaires sur les Proverbes de Salomon – t. I,
Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 2015, p. 17-20

Icléa

Intenses clairs de lune aux bleuités de perle,

Soleils couchants irradiés de sang et d’or,

Et vous qui souriez sur la mer qui déferle

Astres silencieux du rêve et de la mort,

 

Non, jamais cœurs humains envolés de la Terre,

Ne battirent si fort devant votre mystère ;

Jamais, au fond des bois, rossignol plus exquis

Ne chanta Salomon amoureux de Balkis ;

Et jamais l’éternel Amour, père des mondes,

N’emporta deux esprits en des nuits si profondes !

 

François Brousse
Au royaume des oiseaux et des licornes, 1982, p. 7

Quarante ans de bonheur

Salomon est un des grands sages, l’un de ceux qui a apporté le plus à l’humanité. Si entre Moïse et Salomon, certains hésitent, pour ma part je n’ai aucun doute : Moïse est rempli de sang et de meurtres tandis que Salomon a donné à son peuple quarante ans de bonheur, quarante ans de paix intérieure et quarante ans de paix extérieure. Ce fut le seul roi qu’on puisse qualifier de tolérant dans toute la Bible.

François Brousse

Conférence, Prades, 20 déc. 1982
Commentaires sur les Proverbes de Salomon, t. I, 2015, p. 40

 

Le Temple de Salomon

Le temple de Salomon n’est pas autre chose que le temple de l’homme parfait. Il y a eu trois temples de Salomon :

  • Le premier a été construit par Salomon lui-même et a été détruit par Nabuchodonosor en -587. Il représente l’esprit ;
  • Le second, moins beau que le premier, a été construit par Zorobabel, nom composite dans lequel on trouve Zoroastre et Babylone ; ce temple a été encore détruit. Il représente l’âme ;
  • Le troisième temple a été construit par Hérode le Tyran, massacreur de petits enfants. Il représente le corps.

La reconstruction de ces trois temples est la reconstruction intérieure de l’Homme universel. Les deux colonnes du temple de Salomon sont Jakin et Boaz qui représentent en quelque sorte l’esprit masculin et l’esprit féminin : le Yang et le Yin.

François Brousse
Entretien, Prades, 17 octobre 1983

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