Revue Madeloc N°26
Perpignan, juin-juillet 1954
« François Brousse, le pèlerin des cimes »
Article de René Espeut
Certains poètes se contentent d’asseoir leur réputation sur un livre ou même un sonnet. D’autres, esprits vastes comme le monde, veulent capter tous les reflets et toutes les musiques dans une œuvre multiforme.
À cette dernière catégorie – la catégorie royale – appartient le poète de la Quatrième Dimension : François Brousse.
Il a publié des plaquettes rutilantes et changeantes, comme la roue étoilée que les paons nous font admirer sous le tremblement vert des branchages. Ce sont :
- Le Poème de la Terre,
- Chants dans le ciel,
- À l’ombre de l’Antéchrist,
- La Tour de cristal,
- Le Rythme d’or,
- Rama aux yeux de lotus bleu,
- Les Pèlerins de la nuit.
Il chante le monde illimité, depuis l’hymne que la Terre suscite dans l’éther, jusqu’aux visions du prophète en marche dans les ténèbres trouées de feu. Et sa lyre n’a que des cordes aux pures vibrations, aux frissons d’idéal.
Il arpente, à grands pas, les hautes solitudes du rêve et de la pensée, et son manteau de mage, à nous, humains restés en bas, paraît un incroyable météore. Il est le Pèlerin des cimes. Il chante les sommets où s’approfondit son aire, comme l’aigle des Andes.
On a reproché à François Brousse son « inhumanité ». C’est s’abandonner à de graves illusions. Il n’est pas inhumain, mais surhumain.
Pour lui, la poésie ne s’enferme pas dans un simple jeu, si merveilleux soit-il, elle s’épanouit en transfiguration. Sous sa baguette magique, elle transporte le poète dans les zones éthérées du cosmos, et arrache le lecteur à sa prison de chair pour lui faire respirer le grand vent des montagnes.
Le sanctuaire où François Brousse médite ne s’appelle pas La Tour d’ivoire, mais La Tour de cristal. Par transparence, on voit « l’Alchimiste du Rêve » transmuter le mercure bouillonnant en pépites d’or inaltérable.
Délivrer, ne fût-ce qu’un moment, l’homme de ses soucis terrestres, le plonger dans une atmosphère de bonheur, lui montrer les chemins radieux du ciel, constitue l’acte d’un bienfaiteur.
Le Poète me disait : – L’émotion esthétique, ressentie par le cœur, forme comme une parcelle d’immortalité qui, en se multipliant, tend à transformer la boue humaine en diamant divin.
Maintes fois, François Brousse a exprimé cette joie de la création artistique. Voici, par exemple, un poème puisé dans ses inédits :
Vers le souffle infini des étoiles,
Mon âme bleue monte en riant.
Ouvre-toi devant moi, femme aux pâles pétales,
Lune étrange de l’Orient. (1)
François Brousse a longuement médité sur les livres ésotériques : sur les Védas, sur Hermès Trismégiste, sur les maximes de Confucius, sur Platon et sur Pythagore, sur le sens caché de la Bible, sur Éliphas Lévi, sur Fabre d’Olivet, sur Victor Hugo et Camille Flammarion, sur les théosophes et les anthroposophes.
De ces fontaines de sagesse, il extrait une doctrine de salut universel, par la réincarnation des âmes, qui s’entrelacent autour de son œuvre, comme les serpents du Caducée. Le penseur, en lui, est aussi hardi que le poète.
Qu’on ne s’y trompe pas, cet enseignant, sur lequel s’entassent des critiques contradictoires, compte parmi les gloires de l’avenir.
J’ai moi-même, dans un ouvrage récent, montré toute la grandeur de son œuvre, Le Poète aux cent visages (2).
Son nom figurera dans les manuels scolaires, mais, surtout, il restera gravé dans les âmes délicates et sensibles qui représentent l’élite de l’humanité.
René Espeut
Revue Madeloc N°26, Perpignan, juin-juillet 1954
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