Revue Madeloc N°37

Perpignan, octobre 1955

« Le Poème de la Terre »

Article d’Albert Janicot

En lisant le livre de François Brousse, je songe au livre de Camille Flammarion Le Monde avant la création de l’homme », livre qui avait fait les délices de mon enfance. Je me souviens encore de la gravure représentant « l’atlantosaure », lézard géant de 35 m de long.

En se tenant debout et en appuyant ses pattes sur une de nos plus hautes maisons, ce monstre aurait pu manger au balcon d’un cinquième étage. Beaucoup d’auteurs ont parlé des temps préhistoriques.

Le poète Lucrèce écrivit, dans l’Antiquité, le poème cosmogonique De Natura Rerum, poème célébrant la formation du monde.

Plus près de nous, les frères Rosny et leurs romans préhistoriques Vamireh, les Xipehuz et la Guerre de Feu. Wells et les Récits de l’âge de pierre, Edmont Haraucourt, Daah.

En écrivant Le Poème de la Terre, François Brousse a voulu interpréter les données de la science moder­ne aux lumières de la tradition ésotérique.

Il a subi l’influence de José-Marie de Heredia et dans ses trente-cinq sonnets, de même forme que ceux du poète des Trophées, l’auteur a écrit une véritable épopée philosophique qui chante l’histoire de la terre. Mais, écoutons un de ses chants :

Par trombes s’abattaient les eaux épouvantables
Sur les rochers brûlants, puis fuyaient en fumées,
Et retombant encor, leurs hordes écumaient
Comme des taureaux noirs regagnant leur étable.

Et plus loin :

Des libellules vastes comme des vautours,
Au-dessus d’araignées immenses, font des tours,
Près des fleuves clamant leur marche triomphale…

Les primitifs lézards, pareils à des fantasmes,
Guettent farouchement les joyeux photophasmes
Dont la grande aile fait le bruit de mille roues ;

Dans un de ses romans préhistoriques Rosny aîné parla d’un combat géant entre le « machoerodus » et le « rhinocéros » et célèbre la victoire du petit félin. Mais citons le poème de François Brousse :

Aux regards ondoyants comme un flambeau nocturne
Petit félin rougeâtre au pelage ocellé,
Il glisse dans l’horreur des chênes taciturnes,
Comme une courtisane à l’ombre d’un palais.

Là, tandis que la nuit vient baigner son troupeau
D’astres, près de l’eau fraîche, il guette sans repos
L’énorme pachyderme aux grognements sauvages.

Oui, lecteurs, tandis qu’en ce moment, et même sous la préhistoire, les tigres et les lions ne peuvent rien contre les éléphants et les rhinocéros… un petit félin, un peu plus grand qu’une panthère, mais ayant des canines immen­ses et pointues, se jetait sur le dos de l’un de ces énormes pachydermes et lui enfonçait sur la nuque ses dents acérées et mortelles.

Je veux terminer mon article en citant le « pithécanthrope », immense singe humain, qui se jouait avec ses mains velues des assauts des lions et des tigres, celui que Darwin a voulu nous donner comme précurseur :

Dans les forêts épouvantables de l’Europe,
De mammouths, d’ouragans et de torrents hantées
Une forme inouïe dans l’ombre palpitait :
C’était le fantastique et roux pithécanthrope.

Mordu par des lions qu’une rage enveloppe
Et qu’il tuait avec des branches appointées,
Ce vaste singe humain errait dans les futaies
Ou des lacs flamboyaient comme un œil de cyclope.

Et souvent, regardant planer l’aigle sonore,
Il appuyait à l’arbre étincelant d’aurore
Son lourd crane où germaient les archanges futurs…

Que dire encore sur Le Poème de la Terre ?

J’entends la voix sonore d’Antoine Orliac qui hier, s’adressant à moi et posant une main sur l’épaule de François Brousse : – Enfin, voici un vrai poète !

Et encore, Frédéric Saisset, après avoir lu Le Poème de la Terre me disait également : – François Brousse est surprenant ; si mon regretté ami, J.-H. Rosny, vivait, lui qui adorait les livres de préhistoire, serait ravi à la lecture de celui-ci.

Ces appréciations d’écrivains éminents se passent de commentaires.

 

Albert Janicot

Revue Madeloc N°37, Perpignan, octobre 1955

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« L’ombre bleue » – Poème de François Brousse

« Le Poème de la Terre » – Article d’Albert Janicot