Revue Sources Vives N°8

Perpignan, automne 1958

Le tombeau d’Antoine Orliac

Poète fulgural comme un volcan de rêve,
Penseur plus éthéré qu’un vol de filles‑fleurs,
Tu sais, magicien des volantes douleurs,
Éclabousser les paons avec les grands yeux d’Ève.

Tu chantas le géant des couleurs : Véronèse !
Tu pénétras le profond cœur de Mallarmé !
Quand tes mains eurent pris les astres embaumés,
Tu vis la salamandre errer dans la fournaise.

Par les remous de l’air tes muses effarées,
Contemplent le regard bleu des nénufarées,
Les forêts à tes cris s’emplissent de durdales.

Repose dans la terre en feu du Roussillon.
Les gnomes‑sphinx, ailés comme les papillons,
Ont construit sur ton corps l’Ombre pyramidale…

François Brousse

Revue Sources Vives N°8, Perpignan, automne 1958

Le tombeau d’Antoine Orliac

Poète fulgural comme un volcan de rêve,
Penseur plus éthéré qu’un vol de filles‑fleurs,
Tu sais, magicien des volantes douleurs,
Éclabousser les paons avec les grands yeux d’Ève.

Tu chantas le géant des couleurs : Véronèse !
Tu pénétras le profond cœur de Mallarmé !
Quand tes mains eurent pris les astres embaumés,
Tu vis la salamandre errer dans la fournaise.

Par les remous de l’air tes muses effarées,
Contemplent le regard bleu des nénufarées,
Les forêts à tes cris s’emplissent de durdales.

Repose dans la terre en feu du Roussillon.
Les gnomes‑sphinx, ailés comme les papillons,
Ont construit sur ton corps l’Ombre pyramidale…

François Brousse

Revue Sources Vives N°8, Perpignan, automne 1958

« Antoine Orliac, poète martiniste »

Article de François Brousse (Extrait)

La religion de l’Harmonie

Il existe une chaîne d’inspirés qui vibre, intangible et pure, dans le cercle du temps. Leur seule présence transmet, semble‑t‑il, une sorte d’investiture sacrée. A cette chaîne nous devons rattacher Antoine Orliac [1880-1958], le père du métabolisme et le créateur d’émouvants poèmes où passe le feu de l’éternel.

Parmi les sombres galeries du Collège de Perpignan, soutenues d’ennui et de rêve, Antoine Orliac eut pour maître Louis Prat qui fonda la religion de l’Harmonie sur des bases platoniciennes. Par Louis Prat, on remonte à son initiateur, Renouvier qui construisit le personnalisme humain dans le rayonnement d’un Dieu moral et vivant. Renouvier lui‑même, chaînon d’escarboucle, se rattache à Victor Hugo, ce nœud des siècles que remplit la brûlante profondeur du magisme.

La religion de l’Harmonie a‑t‑elle laissé son empreinte dans le subconscient d’Orliac ? Elle fut peut‑être le premier souffle qui poussa le voilier de son âme vers les Atlantides perdues, vers les îles du mystère. Plus tard, en effet, le somptueux manteau du martinisme recueillit sous ses plis constellés le poète en quête d’absolu. L’occulte – il ne faut pas l’oublier – a donné ses fruits d’azur à de nombreux génies.

En laissant de côté les grands romantiques – chênes iné­galés de la forêt des druides –, nous rencontrons Gérard de Nerval, Baudelaire, Mallarmé, Rimbaud, tous ivres de secrets et d’essors. Antoine Orliac se place naturellement dans cette cohorte de pytha­goriciens ou de satanisants qui saluaient le soleil noir. Au cœur des ténèbres resplendit la lumière. Ils ont tous la même tension spirituelle vers l’Au-delà. Tension égarée chez quelques-uns, claire comme l’au­rore chez quelques autres.

Du saturnisme à l’évasion spirituelle

Antoine Orliac, avec sa solidité catalane, essaya tout d’abord les dures routes du savoir. Il conquit la licence es sciences, puis bâtit patiemment une thèse sur le saturnisme. Ce vocable, qui désigne médicalement certaines intoxications, se lie à la planète Saturne dont les rayons bizarres baignent les moines, les philosophes, les occultistes, et font palpiter d’une sereine horreur les cimetières peuplés de feux ­follets.

Bientôt l’aigle de la poésie prit ce savant dans ses serres et l’emporta parmi les symbolistes où il trouva des cœurs nobles et des cerveaux ardents. Henri de Régnier, Gustave Kahn, Saint‑Pol‑Roux, Francis Vielé‑Griffin, l’accueillaient dans le sanctuaire de leur amitié, dans le temple de leur gloire.

C’est alors que, touché par les doigts purs de Vénus Uranie, Orliac publie son premier recueil : L’Évasion spirituelle dont le titre sonne comme un manifeste. Ces vers, pareils à des statues de marbre, où le Parnasse a creusé sa griffe, portent aussi le souffle de vies hale­tantes qui, pressées par la matière, lèvent leur regard vers l’abîme. La grande nostalgie du Pur saisit l’homme que les fougues sensuelles roulent dans leur écume. Un puissant artiste édifie sous les constel­lations le pavillon des souvenirs.

En 1921, année dont le nombre théosophique est Treize, signe de mort et de renouvellement, Antoine Orliac lança son brûlot, une théorie originale sur le souffle littéraire : le Métabolisme. Notre vaillant novateur transpose le lyrique, l’arrache aux pesanteurs de la pla­nète, l’assomptionne en plein firmament. […]

François Brousse

Revue Sources Vives N°8, Perpignan, automne 1958

Table des matières

Sources Vives N°8

Comité d’honneur – Conseillers aux arts – Comité de rédaction

Portrait d’Antoine Orliac – Dessin de Roger van Gindertael

« Notre ami Antoine Orliac a rejoint l’éternité » – Article de René Espeut

Sur la tombe du maître (à Laroques-des-Albères)

– Allocution de René Espeut (principaux extraits)

– Allocution de Joseph-Eugène Sauvy–

Le dernier article du Maître : « Musique de l’Incréé » – Article d’Antoine Orliac

« Le tombeau d’Antoine Orliac » – Poème de François Brousse (03-11-1958)

« Antoine Orliac, Poète Martiniste » – Article de François Brousse

– La religion de l’harmonie

– Du saturnisme à l’évasion spirituelle

– Le créateur du métabolisme

– La femme cosmique

– Les grands recueils

– Orliac critique d’art

– La génération spontanée

– Visions, tourments et gloire