Giordano Bruno
Janvier 1548, Nola, Italie – 17 février 1600, Rome
Giordano Bruno, admirateur de Plotin
Par-delà le Moyen Âge, plutôt sombre malgré l’élan de ses cathédrales dans le ciel rayonnant de séraphins, abordons les hautes rives de la Renaissance. Une montagne s’y dresse, mêlant sa tête au vol des nuées : Giordano Bruno. Admirateur de Plotin mais doctrinaire original, ce dominicain promena son âme ardente à travers l’Europe, que fécondait son Verbe. On finit par le livrer à l’Inquisition qui le fit brûler sur la place saint Pierre à Rome (1600.) Le feu terrestre engloutit le feu magique et prophétique. Mais sa splendeur sereine jette un immortel souvenir.
Giordano Bruno fut le premier à proclamer que les étoiles, points d’or de la voûte des nuits, sont en réalité autant de soleils, environnés chacun d’un cortège de planètes vivantes. Il allait plus haut et plus loin que Copernic, en brisant les sphères de cristal pour révéler l’infini des cieux où grouillent des mondes sans bornes. […]
François Brousse
« DIEU » (article) dans Revue BMP N°262-264, janv.-mars 2007
Suite
[…] L’unité absolue de l’Être contient l’infini et le fini, l’esprit et la matière, le pair et l’impair. Elle se manifeste, comme univers, à travers le treillis du nombre. Toute pure, l’unité est Dieu. Produite sous les conditions du nombre, elle est le monde illimité. À cet infiniment grand correspond la multitude des infiniment petits, les mondes irréductibles, éléments simples de la substance. Dieu est aussi la monade des monades, l’Être des êtres :
Tandis que flotte la surface des choses, Il est plus intime à toutes ces choses qu’elles ne le sont à elles-mêmes,
Principe vivant de l’être, fontaine de toutes les formes,
Esprit, Dieu, Être, Un, Vrai, Destin, Verbe, Harmonie.
Les dernières paroles, puissamment plotiniennes, de Giordano Bruno, dans son bûcher herculéen furent :
Je réunis ce qu’il y a de divin en moi à ce qu’il y a de divin dans l’univers !
L’œuvre de Giordano Bruno
Génie rempli d’intuition comme un ciel d’été rempli de rayons solaires.
Les pages de ses livres frissonnent au vent de l’Esprit. Giordano Bruno reflète les idées sublimes de la tradition primordiale, qui est en même temps l’universelle évolution. Penchons‑nous rapidement sur ces abîmes de pensée.
L’Être Absolu seul existe. Dans son unité se confondent le pair et l’impair, la matière et l’âme, le fini et l’infini. Toutes les différentiations forment comme des flots dans l’océan de l’Un sans limite. La science de l’Être s’érige donc comme la première des sciences. Elle jette un reflet secondaire : la science du monde. L’unité se manifestant dans le filet invisible des nombres s’épanouit en univers. Elle s’épanouit en deux corolles principales : l’infiniment grand, qui s’étale dans le temps et l’espace, l’infiniment petit, qui réduit tous les corps en points d’énergie spirituelle indestructibles, les monades. Ces théories puissantes se retrouvent partiellement dans la philosophie du grand Leibnitz.
Sur le plan astronomique, l’univers, nécessairement, ne connaît pas de bornes : chaque étoile est un Soleil qui régente toute une cour scintillante de planètes. Et chaque planète se présente comme un globe palpitant de vie, où l’humanité lève vers les astres ses yeux superbes.
Ainsi Giordano Bruno faisait voler en éclats la prison de cristal où Copernic enfermait encore l’univers. Enfin, la science du monde jette une ombre, c’est la science des choses individuelles. L’imagination divinatrice et transfiguratrice de Giordano Bruno répandit l’effarement parmi les hiboux ecclésiastiques, et le noble penseur fut condamné par Rome à périr dans les flammes du bûcher. Mais le rayon jailli de ce foyer illuminera l’histoire jusqu’à la fin des siècles.
François Brousse
De Pythagore à Camille Flammarion, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1991, p. 11
Astronomie
Ptolémée [~100-~168] était un mathématicien génial ; il était persuadé que la Terre était au centre du monde, et en sa qualité de grand mathématicien, avec force hypothèses de cycles et d’épicycles, il finissait par prévoir à peu près les mouvements des étoiles. Pourtant, sa théorie fondamentale, qui consistait à croire que la Terre était au centre de l’univers, était fondamentalement fausse.
Cependant, sa théorie a longtemps régné jusqu’au moment où Copernic [1473-1543] a présenté une conception plus large de l’univers : cette fois, la Terre tournait autour du Soleil ; ce fut un énorme pas en avant. Mais le Soleil lui-même était enfermé, si j’ose dire, dans une espèce de coque, la coque des étoiles fixes ; il fallut la présence de Giordano Bruno pour faire évanouir tout ceci dans l’infini en montrant qu’il y a une infinité de mondes avec, autour, une infinité de planètes.
Cette infinité de soleils et de planètes nous présente une image beaucoup plus vaste du monde, et beaucoup plus compréhensible. On retrouve l’idée que la vie est universelle et qu’elle s’épanouit en flots tumultueux à travers l’infini. Il faut être naïf comme un savant matérialiste ou comme les Témoins de Jéhovah pour affirmer que, parmi ces milliards d’étoiles et de mondes, un seul soit habité, le nôtre, cette espèce de poussière, de grain de cendre, qui tourne autour d’un grain de lumière ! Ce genre d’affirmation est un étonnement permanent pour le penseur.
François Brousse
Conférence, Prades, 18 novembre 1982
Conf. « Sciences et Religions », Paris, 11 déc. 1990
La Monade
Giordano Bruno fut le premier à parler de la monade, en disant que nous avons un être éternel, parfait, divin qui est nous-mêmes. […] Il supposait que chacun de nous était une monade éternelle, une idée reprise par Leibnitz [1646-1716] dans son œuvre intitulée La Monadologie [1714] où il prétend que chacun de nous est une monade contenant en elle l’univers tout entier, dans lequel l’univers se réfléchit ou plus exactement où l’Univers se déroule parallèlement.
François Brousse
Entretien, Clamart , 20 février 1988
Selon, Giordano Bruno la monade est la partie la plus petite, la partie irréductible. C’est l’âme, c’est un atome psychique et nous avons au fond de nous, chacun, un atome psychique qui est exactement notre âme. Il est en dehors du temps, de l’espace et de la causalité, par conséquent il est indestructible, et son influence s’étend pratiquement à l’infini.
On peut la confondre aussi, si l’on veut, avec le Soi supérieur, avec le Moi divin, et on peut également l’appeler l’âme. C’est un point géométrique vivant, sensible, en dehors du temps, de l’espace et de la causalité. Il n’a pas de forme puisqu’il est en dehors de l’espace. Il ne peut pas avoir de forme, comme il ne peut pas avoir de limitation temporelle. Il est éternel, il est tout-puissant et il est, mettons, infini. Son rayonnement, en tout cas, est infini : c’est un point sans forme.
François Brousse
Entretien, lieu et date inconnus [K7 Steinmetz N°251]
La pluralité des mondes habités
Il y a toute une série de mondes qui s’engendrent mutuellement, et il n’y a ni commencement ni fin dans cet engendrement de mondes. Le monde est éternel. On a essayé de comprendre comment ce monde avait pu se former. Je vous rappelle primo que nous sommes sur une petite planète qui tourne autour d’un petit soleil, qui se trouve dans la Voie lactée, laquelle contient trois cent milliards de soleils. Et, suivant toute probabilité, autour de chacun de ces soleils, il existe un cortège de planètes. Ma théorie personnelle est que dans chacun de ces cortèges il y a un monde habité. Je ne suis pas aussi vaste sans doute que Giordano Bruno, un des plus grands esprits de l’humanité, brûlé par les soins de la Très Sainte Église catholique, apostolique et romaine en 1600, pour avoir osé dire que les soleils sont sans nombre – ce qui est très probablement la vérité – et qu’ensuite tous les mondes étaient habités. Je pense personnellement qu’autour de chaque soleil, il y a un monde habité par une race humaine. Qu’elle soit plus évoluée ou moins évoluée que la nôtre, elle existe.
François Brousse
Conf. « L’évolution universelle », Perpignan, 8 oct. 1987
Pensée divine
Giordano Bruno, visionnaire de l’infini, avait raison. Chaque soleil s’environne d’un cortège de planètes. Et dans ce cortège, une sphère au moins est l’habitacle d’une intelligence humaine, quelle que soit la forme de son corps, crapaud ou colombe bicéphale.
Des milliards de nos frères, aux visages insolites, se pressent dans le majestueux colisée de l’infini.
François Brousse
Chaque siècle nous présente cinq envoyés.
Le chiffre cinq correspond à l’arcane nommé le Grand Hiérarque, le maître des arcanes. Le dernier prophète du XVIe siècle fut Giordano Bruno, brûlé pour hérésie sur la place de Rome, en 1600. Giordano compte parmi les esprits les plus resplendissants de la philosophie universelle. Il naquit près de Nola, comme le souligne judicieusement Nostradamus, son contemporain. Bruno (1548-1600) est le philosophe illuminé de l’infini.
Les mondes roulent en nombre infini dans l’illimité de l’espace. Les âmes, en nombre infini, vont d’incarnations en incarnations, jusqu’à la fusion avec l’Être Infini.
Une telle doctrine contient l’empreinte de la vérité. Les cœurs vulgaires et les intelligences fanatiques s’en émurent. Le prophète de l’infini fut jeté dans la flamme des bûchers sacerdotaux. Mais rien ne peut éteindre le soleil de la vérité.
Quels sont les quatre envoyés du XVIe siècle qui composent avec Giordano Bruno le pentacle d’or des sages ?
Un nom vient tout de suite à l’esprit, Nostradamus lui-même, le roi de l’avenir.
Un autre surgit : Ulrich de Mayence, aussi roi des futurs. Paracelse encore, avec ses fabuleuses gravures où palpite l’humanité. Le quatrième serait Jérome Cardan (1501‑1576), qui savait que tous les astres et les rochers sont vivants.
François Brousse
Nostradamus ressuscité, t. 3, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 385
Bruno
La Providence donne
Le fulgurant anneau
Où l’âme s’abandonne,
Illumine l’Arno.
Réclament la cadence
Qui dicte au parchemin
L’éblouissante danse.
Sont les soleils marins
Ouvre son aile d’or.
Le nain creuse une tombe
Au fond du corridor.
La liturgie s’endort.
François Brousse
L’Idéale Métamorphose, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1998, p. 49
Les vérités éternelles
Giordano Bruno a été brûlé vif sur la place de Rome en 1600, pour affirmer notamment la réincarnation, le karma, l’unité absolue de Dieu, la loi de justice parfaite, le voyage des âmes à travers les étoiles et en même temps la vie ardente et profonde de l’univers, considéré non pas comme une masse inerte, mais comme un énorme organisme vivant. Les rapports entre l’homme micro-organisme et l’univers macro-organisme sont fondés sur l’amour, la sagesse et la beauté.
François Brousse
Conf. « L’Apocalypse », Prades, 26 avr. 1979
Les éruptions solaires
Les éruptions solaires représentent la puissance émanatrice des grands maîtres. Ils baignent la Terre d’un immense rayonnement. Mais parmi ces rayonnements qui sont d’ordre moral et d’ordre spirituel, il y a aussi parfois des phénomènes d’inspiration pure. Les éruptions représenteraient dans ce cas ce que l’on pourrait appeler « les grands commencements. » Existent les anges, les anges individuels, puis les archanges qui veillent sur la destinée des peuples et aussi les archées, c’est‑à‑dire les génies du commencement. Ces archées sont précisément ceux qui protègent les hommes exceptionnels, les hommes ou les femmes qui ont un rôle dans le déroulement profond de l’histoire des peuples, soit en créant des religions, soit en créant quelque chose de nouveau sur le plan métaphysique ou sur le plan artistique. Les grandes éruptions solaires représentent, en quelque sorte, les archées sur la Terre et sur toutes les planètes du système solaire. Il y a également autre chose, c’est ce que l’on pourrait appeler une communication. Les soleils, comme le disait Giordano Bruno, sont des êtres vivants qui communiquent les uns avec les autres par le moyen de leurs rayons. Effectivement ces rayons sont, en réalité, ces éruptions solaires. On peut dire que se sont des signaux qui permettent aux soleils qui, ne l’oublions pas, sont des êtres vivants ayant des âmes divines, de communiquer entre eux. Il y a donc à travers la puissance des grondements solaires un véritable langage. Je pourrais même dire que ce langage sera peut‑être déchiffré un jour.
François Brousse
« Soirée Poésie (Paris, 24 sept. 1985) » dans Revue BMP N°223-224, juin-juill. 2003