Contes du gouffre et de l’infini

Clamart, 1ère éd. La Licorne Ailée, 1988

Réédition par La Licorne Ailée en 2020

 

Réédition par La Licorne Ailée en 2020

« La Mésaventure de Méphistophélès »

 

Conte de François Brousse (Extrait)

Méphistophélès

Je suis Satan, l’indestructible ennemi de Dieu, l’antique Foudroyé qui s’écroula des profondeurs du ciel jusqu’aux abîmes de l’Enfer, le formidable Rebelle qui mordit les pieds lumineux de l’Archange Gabriel, le Dragon qui faillit manger la Vierge et le Petit Jésus tremblant comme un lièvre, lui, le Créateur du Monde !

Je suis l’intarissable empoisonnement de la vie, la fureur inextinguible, le volcan d’épouvante et de vengeance. Je m’appelle la Haine, et la haine étincelle dans mes yeux, grince entre mes dents, écume dans ma bouche, rugit dans mon cœur, gronde dans les furieux torrents de mon sang de flamme ! Tous les poils de mon corps vibrent de haine. Scrute ma respiration, tu trouveras de la haine à chacun de ses souffles ! Jésus a donné à ses disciples sa chair d’amour et de lumière ; moi, je donne aux miens mon corps prodigieux et ils en ont la bouche pleine de haine.

Si tu pouvais, fût-ce un moment, comprendre la hauteur, la largeur et la profondeur de cette haine, tu aurais dans ton crâne une intelligence plus formidable que n’en auraient joints en un seul tous les génies qui ont illuminé, qui illuminent et qui illumineront la Terre. Dieu trône dans l’éternité du Paradis, je trône dans l’éternité de l’Enfer. Il a ses archanges qui lui braillent des louanges, j’ai mes démons qui me rugissent un monstrueux amour. Il a quelques pauvres millions d’Élus, moi, j’ai l’immense masse des damnés, l’incommensurable océan des égarés. Comme un vautour qui se repaît d’une brebis, je referme mes ailes infrangibles sur le globe gémissant ; je lui ouvre le ventre, je lui dévore les entrailles, je fais craquer ses os douloureux dans ma gueule triomphante. L’univers est notre champ de bataille. […]

Altaïr le Mage

Ô Toi, Satan, toi qui terrorises les hommes, toi dont la face ricanante apparaît à chaque coin de rue, toi qui tentes les saints pleins d’horreur, toi qui rôdes dans le cauchemar des mauvais prêtres, toi qui es adoré par les pontifes noirs du chemin oblique, toi qui jettes l’ombre de ta griffe monstrueuse sur toute la chrétienté, toi qui te crois éternel comme Dieu, tremble, tu mourras !

Tu n’es que la cristallisation vivante des préjugés et des haines, tu n’es que le reflet animique de l’épouvante des foules, tu n’es que l’araignée mangeuse de superstitions, tu n’es que l’éphémère fils des passions d’Adam, tu n’es qu’une ombre et qu’un fantôme !

Tu vis, parce que les croyances torrentielles t’abreuvent ! Tu vis, parce que les peuples ont la sottise et la lâcheté d’offrir à tes sombres dents leur chair sanglante ! Cela durera-t-il ? As tu la candeur de te croire indéracinable ? Quoi ! les montagnes s’affaissent et tu resterais debout ! Les mondes se fragmentent, et tu resterais entier ! Les soleils s’éteignent, et tu serais inextinguible ! Les imbéciles qui te nourrissent de leur adoration iront pourrir dans le ventre de la Terre. D’autres générations surgiront, éprises de raison et de vérité. Elles n’auront pour toi qu’un dédaigneux oubli. Privé de pain et de vin, tu languiras dans les ténèbres grandissantes de l’Éther, tes manifestations deviendront de plus en plus rares, ta force se heurtera au mur énorme toujours épaissi du scepticisme, on entendra agoniser celui qui fut le formidable souverain de l’Univers, et, comme le corps charnel se disperse dans les sombres énergies du tombeau, ton corps éthérique se fondra dans l’implacable sérénité du mystère !

François Brousse

Contes du gouffre et de l’infini, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1988, p.113-114 et p.123-124

Table des matières

Contes du gouffre et de l’infini

LE ROI MÉRODACH

I – L’architecte celte ………………………………………………………… 9

II – La pluie d’étoiles ………………………………………………………. 11

III – Le météore ……………………………………………………………… 13

IV – L’amant de la déesse ……………………………………………….. 15

V – Le mendiant …………………………………………………………….. 16

VI – Dans la nuit ……………………………………………………………. 19

VII – La mort de la déesse ……………………………………………….. 21

VIII – Les jardins royaux …………………………………………………. 22

IX – Le double ………………………………………………………………. 24

X – Le défi ……………………………………………………………………. 25

XI – L’oasis …………………………………………………………………… 27

 

CONDLÉ LE ROUGE ……………………………………………………. 31

 

HYPERMNESTRA

I – Le meurtre ………………………………………………………………… 41

II – Le jugement …………………………………………………………….. 44

III – La statue de Shemrami ……………………………………………… 47

IV – Le léopard mâle ………………………………………………………. 49

V – Osiris sauveur ………………………………………………………….. 53

 

LA VÉNUS DE MILO

I – La mort ……………………………………………………………………. 61

Il – La tempête ………………………………………………………………. 63

III – La foudre ………………………………………………………………. 66

 

HERMINIA

I – L’oracle …………………………………………………………………… 71

II – Le papillon fantôme …………………………………………………. 76

III‑ Le tigre et le taureau…………………………………………………… 78

IV – La couronne des femmes …………………………………………. 83

V – Les femmes nuages ………………………………………………….. 86

VI – Ananke ………………………………………………………………….. 89

 

LA MÉSAVENTURE DE MÉPHISTOPHÉLÈS

I – Comment Méphistophélès fit deux beaux dis­cours et comment l’auteur inséra adroitement entre eux ses horrifiantes conceptions sur la mort… 93

II – Comment le sire de l’Arbée devint le sire des Triples Flammes et ce qu’il en advint……………………………………………………………………………………. 99

III – Où le diable rencontre un magicien…………………………….. 107

IV – Comment le diable se fit métaphysicien et ce qu’il en résulta………………….. 112

 

LA TORTUE IMMORTELLE ………………………………………. 127

 

LA VISION D’ANDRÉAS

I – Le dédoublement ……………………………………………………… 133

II – Isabella ………………………………………………………………….. 134

III – La lutte contre les monstres ……………………………………… 136

IV – Les signes dans le ciel …………………………………………….. 138

V – Gemela et les fleurs étoiles ……………………………………….. 139

VI – Le tombeau de Maximilia ………………………………………… 140

VII – Les cadavres sont des oeufs ……………………………………. 142

VIII – La voix suprême ………………………………………………….. 144

IX – Le retour ………………………………………………………………. 145

 

LA TURQUOISE SACRÉE …………………………………………… 147