Plotin
Égypte, 205 – Italie, 270
Plotin, le nouvel aigle
Si le Lion prend le visage du Nazaréen [Jésus], l’Aigle s’incarne dans le plus grand et le plus profond des philosophes d’Alexandrie, dans Plotin. En lui sagesse grecque et sagesse égyptienne fusionnent pour engendrer un esprit divin.
Lycopolis, en Égypte, eut l’honneur de voir naître le nouveau penseur. Alexandrie, la capitale intellectuelle du monde, attira son adolescence passionnée d’harmonie et de vérité. Dans son corps frêle vivait l’âme du grand Platon dont le verbe musical avait subjugué l’Hellade. Et Platon cherchait Socrate. La recherche fut pénible : de nombreux philosophes péroraient, enflés de vide et de suffisance. Plotin sentait de jour en jour une profonde tristesse le mordre au coeur, comme un tourbillon de mouches vaines. Quand trouverait‑il le Maître qui, d’un geste, lui soulèverait les horizons de l’abîme ?
Il le trouva. La providence lui fit connaître un ancien portefaix, devenu apôtre d’un idéalisme mystique aux troublantes attirances, le noble Ammonius Saccas. Cet homme étrange, qui fonda le néo‑platonisme, n’était autre que Socrate réincarné. Comme Socrate, il possédait un magnétisme extraordinaire qui lui suscitait de nombreux disciples. Plotin, en rencontrant Saccas, reçut un choc qui l’éveilla à la grande vie métaphysique. Platon et Socrate, à travers les siècles, s’étaient retrouvés : une lumière nouvelle inonda la Terre.
Pendant onze ans – chiffre de la force – Plotin suivit les leçons d’Ammonius, jusqu’à la mort du Maître. Deux ans plus tard, sûr de son génie, Plotin alla enseigner à Rome, la reine des peuples. Auparavant, ce doux rêveur, ce végétarien, avait suivi les armées romaines, entraînées par l’empereur Gordien contre les Perses, pour étudier sur place la mystérieuse doctrine des mages. Il espérait même atteindre l’Inde, se retremper aux mers bouillonnantes de l’infinie sagesse…
François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de la Bible, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1987, p. 192-193
EXTRAIT (Suite)
Gordien, après son expédition à demie victorieuse, ne tarda pas à être assassiné par l’arabe Philippe, qui ceignit la couronne. Philippe, à son tour, fut tué dans une guerre civile contre Décius. Et l’on massacra le malheureux fils de Philippe, qui n’avait jamais ri depuis la montée de son père sur le trône impérial. Par contrecoup, Décius, persécuteur des chrétiens, périt avec son fils dans une embuscade. Gallus, qui les a trahis, devient empereur, mais ses troupes se révoltent et le tuent. Emilien succède à Gallus, dans la pourpre de l’empire et de la mort. Ses soldats mutinés se rallient à Valérien. Ce dernier ne manquait pas de grandeur, mais il fut fait prisonnier par le roi des Perses, Sapor, qui se servait de lui comme marchepied pour monter à cheval et fit, à la mort de l’ancien maître du monde, suspendre sa peau, tannée, aux voûtes d’un temple zoroastrien.
Le fils de Valérien, Gallien, avait une âme double, où le courage et le sybaritisme se mélangeaient extravagamment. Il voua une admiration profonde au tranquille Plotin qui, pendant ces convulsions de la terre, enseignait la sagesse des Dieux à Rome recueillie.
Plotin exerçait sur tous ses disciples une invincible fascination. Son œil voyait les âmes et discernait, d’un simple regard, les pensées secrètes, les tendances voilées de son interlocuteur. Ce pouvoir, assez fréquent chez les mages, lui permit de sauver la vie au philosophe Porphyre qui, blessé d’une terrible tristesse, avait décidé, dans la solitude de son esprit, de se donner la mort. Plotin aux yeux irrésistibles l’en dissuada. Porphyre devint son ardent adorateur.
Le magicien Olympius, jaloux de la grandeur de Plotin, essaya de l’envoûter. Les enchantements maléfiques, se heurtant à l’invisible lumière qui défendait le sage, revenaient à son auteur et le faisaient souffrir. Olympius se déclara vaincu par la magie plus haute de l’esprit. C’est là un exemple frappant de ce que les occultistes appellent le choc en retour.
Plotin savait que Dieu, l’Absolu, l’Un, repose dans d’ineffables ténèbres, au‑delà même de la Pensée. Toutefois, la Pensée divine, où rayonnent les modèles des univers, jaillit éternellement de l’Un. Et l’âme du Monde éternellement procède de la Pensée divine.
Les âmes individuelles, filles impérissables de l’Âme du monde, tendent à revenir vers l’Unité. Elles transmigrent de forme en forme, peuvent retomber dans les plantes ou les animaux, recommencer longtemps le bagne des vies humaines, mais par la dialectique, puis l’intuition, enfin l’extase, elles retrouvent le Dieu ineffable.
Cette extase, qui est une fusion amoureuse, un enivrement sacré, Plotin l’éprouva plusieurs fois dans sa vie. Il baignait directement dans l’infini océan de nectar, dans le resplendissement de Dieu. Plotin a réussi, en son coeur, la synthèse de la sagesse et de la sainteté.
L’empereur Gallien lui permit d’entreprendre la construction d’une ville, Plotinopolis, où les lois de la république platonicienne auraient pris corps. Platon, jadis, avait échoué lorsqu’il voulut transformer Syracuse suivant ses utopies sublimes. Le nouveau Platon mourut, en 270, sans avoir le temps de matérialiser son rêve. Il mourut avec une sérénité surhumaine, en prononçant ces paroles :
Je réunis ce qu’il y a de divin en moi à ce qu’il y a de divin dans l’univers.
Au moment de sa mort, le médecin vit un mystérieux serpent s’enfuir le long de la paroi. C’était l’esprit protecteur de Plotin, momentanément visible sous la forme du serpent, symbole de la sagesse dans la vieille Égypte. […]
François Brousse
Les Secrets kabbalistiques de la Bible, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1987, p. 192-193
La métempsycose
Il y a ce que l’on appelle la métempsycose. C’est-à-dire qu’une fois arrivé sur le plan de l’humanité, l’homme, puisqu’il est libre, peut retomber. Cette idée de métempsycose a été combattue par de nombreux esprits. Je dois pourtant dire qu’elle fait partie de la tradition la plus authentique de l’Occident, car la tradition la plus authentique de l’Occident passe par-dessus les spirites et les rose-croix pour aller, semble-t-il, jusqu’aux druides. Et les druides croyaient à la métempsycose. Elle va à travers les druides, au-delà et à coté, du côté de Platon et de Pythagore. Platon et Pythagore croyaient à la métempsycose. Et il est parfaitement vain de dire que ce sont des points de vue simplement symboliques, car on ne fait ce choix symbolique que parce qu’on ne veut pas voir la vérité.
La vérité, c’est que Platon, Pythagore, ainsi que les druides, croyaient absolument à la métempsycose. On retrouve leurs arguments surtout chez les néoplatoniciens, notamment Plotin qui disait :
François Brousse
Conférence, Dimanche 15 décembre 1985, Paris, « Victor Hugo »
Il y a trois manières d’être homme :
– Ou bien agir, penser et vouloir comme un homme, auquel cas on renaît sous la peau d’un être humain ;
– Ou bien agir, penser et vouloir comme un dieu, auquel cas on dépasse la sphère humaine et on rentre dans la sphère des Idées éternelles où nous voyons le Beau, le Bien, le Juste et l’Être parfait face à face ;
– Ou bien nous pensons, nous agissons et nous désirons comme des animaux, et, dans ce cas, nous retombons dans la sphère animale.
Plotin et les trois hypostases
[…] Avant de quitter la féconde Antiquité, interrogeons l’ultime titan de ces âges méconnu : Plotin. L’empereur Gallien, sa femme Salomine et tout le peuple de Rome vénéraient ce philosophe comme un dieu : il le méritait bien. Sa douceur, la noblesse de son caractère, la beauté de sa doctrine dépassent l’horizon de l’homme.
Au sommet de l’Être ineffable se trouve l’Un, dont on ne peut rien dire sinon qu’Il est. Il plane au-delà de l’intelligence, car l’intelligence, comprenant sujet et objet, demeure dans la dyade. L’Un s’élève encore au-delà du vouloir, car la volonté aspire vers le meilleur, et Lui se nomme Perfection. Mais l’Un, l’inconcevable Perfection, émane éternellement la deuxième hypostase, l’Intelligence, dans laquelle brillent les Idées, modèles immuables des choses. L’Intelligence se contemple elle-même et contemple l’Un mystérieux. Elle émane éternellement l’Âme divine, principe de vie et de mouvement, en dehors des normes temporelles. L’Âme fait sortir de soi une infinité de génies, de dieux, d’entités supérieures, qui bâtissent un pont de lumière entre les trois hypostases éternelles et le monde obscur des phénomènes.
Mais l’expir de l’Être a pour contrepartie un aspic cosmique. Après la cascade descendante, la vapeur qui monte. Les êtres progressent vers l’Être des êtres. Ils s’élancent vers l’Âme divine, vers l’Intelligence, vers l’Unité. Tout l’univers soupire d’amour vers l’insondable Perfection.
On reconnaît dans la doctrine de Plotin l’empreinte géante du tigre hindou, et peut-être les germes de la Trinité chrétienne. Mais les chrétiens ont égalisé et confondu les trois hypostases. C’est une autre manière de considérer le grand mystère.
L’Un pourrait s’identifier au Père, l’Intelligence à l’Esprit-Saint, et le Christ à l’Âme divine. Siva, Brahma et Vishnou, l’énergie créatrice et destructrice, la pensée ineffable, et l’amour salvateur.
François Brousse
« Dieu » (extrait de l’article) dans BMP N°262-263-264, janvier-février-mars 2007
L’Un
Plotin s’est senti Un avec la création tout entière.
Elle était une grande sphère divisée en plusieurs cercles. Il y avait le cercle des rochers, le cercle des plantes, le cercle des animaux, des hommes et, au centre, le cercle de Dieu. Il est devenu un avec tout cela.
On reconnaît l’expansion cosmique.
François Brousse
Philosophies, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, p. 34
Distiques antiques
Le cygne scande dans l’aurore
Les Vers dorés de Pythagore.
Le rossignol haussant le ton
Chante les rêves de Platon
L’albatros porte dans sa barque
Tous les Grands Hommes de Plutarque.
La fauvette déclame au thym
Les Ennéades de Plotin
L’alouette dit à l’almée
L’Âne d’or du grand Apulée
Le gypaète Olympien
Plane sur le front de Julien
L’aigle jette des cris splendides
À Merlin, pontife des druides.
François Brousse
Le Graal d’or aux mille soleils, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, p. 79
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