Revue France-Inde N°65

Pierrefitte-sur-Seine, hiver 1967

 

LE MYSTÈRE CATHARE

(Article intégral)

Le catharisme, la religion des purs et des parfaits, qui brilla sur l’Europe médiévale, a toujours attiré l’attention passionnée des philosophes. Quelle est cette doctrine qui contrebalança le destin de l’Église catholique et faillit triompher ? Il fallut plusieurs croisades pour détruire cette racine de lumière vivace qui persistait au cœur des peuples méridionaux. On inventa, raffinement de haine monstrueuse, l’Inquisition, pour vaincre les âmes rebelles, ivres d’infinie pureté. Sont-elles vaincues ? C’est douteux. Elles existent toujours, debout comme des flammes, dans leur impérissable noblesse. Mais leur empire terrestre qui allait de la Bulgarie à la Lombardie et couvrait le Midi de la France, autour de la démocratique Toulouse, n’est plus qu’un souvenir.

Les historiens s’entendent, à peu près, sur les axes fondamentaux de la doctrine cathare, Napoléon Peyrat, Molinier, Maurice Magre, Déodat Roché, d’autres encore, ont dégagé l’essentiel d’une pensée aux profondeurs subtiles. Je la résume schématiquement en huit articles, comme le fit le chanoine Loubers, mais dans une autre perspective.

I

Le monde matériel est l’œuvre du Démon. Ce Démon créateur se confond avec le Jéhovah de l’Ancien Testament. Le vrai Dieu, Perfection et Bonté, n’est pas responsable d’un monde où la violence et la sottise règnent sans frein. Jéhovah-Satan, émanation inférieure de Dieu, le combat sans cesse, mais à la fin des temps, Il se transformera lui-même et rentrera dans la sérénité divine.

II

Jéhovah-Satan inspire les puissances séculières et les Églises tyranniques, qui écrasent la liberté humaine, imposent la peine de mort, l’intolérance, l’injustice. Le cathare doit se débarrasser de ces contraintes, aspirer à la sagesse suprême et à l’universel amour.

III

Le Dieu bon émana des Anges, formés d’un esprit immortel, d’une âme libre et d’un corps lumineux. Ils vivaient heureux dans l’espace paradisiaque. Jéhova-Satan en séduisit un grand nombre par l’attrait du désir à la fois élan charnel et orgueil impitoyable. L’humanité est composée d’anges déchus, enfermés dans des organismes matériels, L’âme des humains n’est autre que l’âme faillible des anges tombés, Mais l’esprit immortel et le corps lumineux, restés dans la sphère idéale, attendent le retour des âmes exilées.

IV

Ce retour se fait par le long chemin des réincarnations. Ni le Purgatoire, ni l’Enfer n’existent. L’âme humaine passe dans des corps nouveaux, jusqu’à ce qu’elle parvienne au détachement, à la perfection. L’ardente voyageuse, étant libre, peut rétrograder. Dans ce cas elle risque de tomber jusque dans le règne animal. Les animaux sont les bagnes vivants de l’âme pécheresse. Les cathares refusaient donc toute nourriture carnée. Ils admettaient pourtant sur leur table les poissons, peut-être en souvenir du Christ, dont le symbole, chez les chrétiens primitifs, était le signe zodiacal des Poissons.

V

Pour accélérer le travail de libération, le cathare s’efforce d’écarter les plaisirs sexuels. Le mariage, union physique, doit faire place à l’union spirituelle entre époux. Évidemment, ces fusions de tendresse platonicienne et pure n’appartiennent qu’aux libérés. La masse des fidèles continuait à vivre normalement, à mettre au monde des enfants charnels, à s’aimer sensuellement. La race humaine ne risquait pas de s’éteindre, comme le craignaient hypocritement les ennemis de l’albigéisme. La même différence existe, au sein de l’Église catholique, entre les prêtres célibataires et les croyants mariés. Les doctrines cathares ont créé l’amour courtois, l’amour chaste qui fait le charme des romans de chevalerie. Loin d’être une mièvrerie, ce sentiment traduit plutôt le désir d’une pureté surhumaine. Par ailleurs, si la doctrine de l’amour courtois avait prévalu, les surpopulations actuelles qui engendrent la misère et la guerre, n’auraient pas existé.

VI

Pour apporter aux âmes de bonne volonté la clef d’or des libérations, le Christ, émanation radieuse du Dieu- Bon, descendit sur la Terre. Mais il descendit en corps fluidique, sans aucune réalité charnelle. La matière, émanation de Jéhovah-Satan, ne pouvait avoir aucun contact avec le Fils de l’Être parfait. Il apprit aux hommes l’existence du monde céleste et idéal gouverné par le Dieu bon, la déchéance des âmes angéliques enfermées dans des corps terrestres, la loi des réincarnations qui transportent les âmes d’organisme en organisme à travers les planètes de l’espace infini, et les moyens de parvenir à la Libération suprême. Ces moyens, nous les connaissons déjà : végétarisme, refus de la violence, amours platoniques, aspiration courageuse vers l’absolue sagesse. Jéhovah-Satan comprit que sa puissance commençait à chanceler. Il souleva les chefs juifs et romains contre le Christ, et voulut le faire crucifier. Mais les méchants ne crucifièrent qu’une apparence humaine, un fantôme qu’ils ensevelirent et qui sortit sans peine du tombeau pour, quelques jours plus tard, monter au ciel.

VII

La tradition cathare prétend que l’apôtre Barthélémy fut chargé par le Christ d’évangéliser la Perse et les Indes. En arrivant dans cette contrée où fleurissent les grands yoghis, Barthélémy compléta ses connaissances grâce à la science transcendante des bouddhistes. Le bouddhisme disparut plus tard de l’Inde, mais il était alors en pleine expansion. Le catharisme serait donc le fruit merveilleux de la révélation chrétienne et de la science bouddhiste.

Les historiens actuels font plutôt remonter la doctrine à Manès le génial hérésiarque, qui mourut martyrisé sur l’ordre des prêtres zoroastriens, en 277. Il se déclarait le successeur de Zoroastre, de Bouddha, de Jésus. Il faisait de la matière l’autre nom du Démon. Ses idées furent reprises partiellement vers 930 par Bogomile, l’Ami de Dieu, dont les disciples se multiplièrent en Bulgarie et à travers les Balkans. Ensuite l’oiseau des doctrines gagna l’Italie du Nord où la Lombardie devint une forteresse des croyances bogomiles. Et le Midi de la France, à son tour, s’embrasa. Le catharisme serait la synthèse des survivances manichéennes et des révélations bogomiles, l’enfant de Manès et de Bogomile, l’héritier de Paraclet et de l’Ami de Dieu.

Cette filiation peut se concilier avec la tradition cathare. Il suffit d’ajouter aux deux puissants initiateurs l’apôtre des Indes. Ainsi trois prophètes, en triangle de feu, domineraient la naissance du catharisme : Barthélémy, Manès et Bogomile. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que Manès, lui aussi, fit un voyage aux Indes, d’où il ramena certaines idées brahamanistes et bouddhistes.

VIII

Tous les sacrements de l’Église sont trompeurs et diaboliques. Les cathares remplacent cette illusion par le rite sacré du Consolamentum. En quoi consistait-il ? On demandait au candidat s’il voulait se consacrer à Dieu et à l’Évangile. Sur sa réponse affirmative, on lui faisait solennellement promettre de changer de nourriture : à l’avenir il se contenterait de végétaux préparés à l’huile et de poissons. Le corps purifié, il fallait aussi purifier l’âme. Mensonge, serment, commerce charnel s’envolaient au vent d’une ascèse exceptionnelle. Et la vertu fondamentale, le courage, devait être puissamment affirmée : ne jamais abandonner la communauté cathare, pas même devant la mort par le feu… Puis, le candidat à la sagesse et à l’héroïsme récitait le Pater. Alors venait le côté magnétique de la cérémonie, la communication des forces.

Les mains surnaturelles des Parfaits se posaient doucement sur la tête du néophyte. Enfin, à la même place, sur ce crâne qui est un raccourci de l’univers, on mettait le Livre. Quel Livre ? Quelle fontaine de spirituelle jouvence ? La plupart des historiens pensent qu’il s’agit du Nouveau Testament. Thèse difficile à prouver. Les cathares avaient aussi des Évangiles secrets, propres aux fidèles. Peu importe d’ailleurs ! Tous les livres inspirés sont des médiateurs entre les forces divines et les âmes humaines. À travers leurs phrases vibrantes descendent en cascades magiques les énergies célestes… Après l’étreinte du ciel venait l’étreinte de la terre sous forme d’accolade fraternelle. Et les maîtres, devant le nouveau maître, ployaient humblement le genou. Les assistants faisaient de même. L’homme était devenu Dieu.

Au problème des rites se rattache la question de l’Endura. Le suicide était-il permis par la religion cathare ? À vrai dire, seul le Parfait Pierre Authier, dans le sombre quatorzième siècle, semble l’avoir préconisé.

L’Inde possède, si nous en croyons certaines traditions, le secret de briser les chaînes de la métempsycose. Simplement il s’agit de se laisser mourir de faim, en méditant, au long des jours de jeûne, sur l’absolu. Les albigeois connaissaient-ils cette terrible et discutable technique ?

Brûlés, vilipendés, calomniés, les cathares, sur le ciel bleu du Midi, reflètent les souffrances et la grandeur de Jésus. Comme Jésus, ils apportèrent les trésors de la non-violence. Comme Jésus, ils proclamèrent le merveilleux amour des âmes, libérées de toute souillure corporelle. Comme Jésus, ils montrèrent du doigt les évolutions psychiques, les réincarnations allant de la Terre aux étoiles.

Toute religion possède un corps et une âme. Les rites, les cérémonies, les hiérarchies, les dogmes, forment le corps dont la pesanteur se carre dans l’univers social. L’amour, la sagesse, l’élan vers l’infini forment l’impérissable lumière de l’âme. Elle monte frissonnante au zénith de la création. Le christianisme a pour corps l’Église catholique et pour âme l’inspiration cathare. En tuant cette belle religion où se reflètent les hautes cimes bulgares, le christianisme a tué son génie.

François Brousse
Revue France-Inde N°65, Hiver 1967

LE MYSTÈRE CATHARE

(Article intégral)

Le catharisme, la religion des purs et des parfaits, qui brilla sur l’Europe médiévale, a toujours attiré l’attention passionnée des philosophes. Quelle est cette doctrine qui contrebalança le destin de l’Église catholique et faillit triompher ? Il fallut plusieurs croisades pour détruire cette racine de lumière vivace qui persistait au cœur des peuples méridionaux. On inventa, raffinement de haine monstrueuse, l’Inquisition, pour vaincre les âmes rebelles, ivres d’infinie pureté. Sont-elles vaincues ? C’est douteux. Elles existent toujours, debout comme des flammes, dans leur impérissable noblesse. Mais leur empire terrestre qui allait de la Bulgarie à la Lombardie et couvrait le Midi de la France, autour de la démocratique Toulouse, n’est plus qu’un souvenir.

Les historiens s’entendent, à peu près, sur les axes fondamentaux de la doctrine cathare, Napoléon Peyrat, Molinier, Maurice Magre, Déodat Roché, d’autres encore, ont dégagé l’essentiel d’une pensée aux profondeurs subtiles. Je la résume schématiquement en huit articles, comme le fit le chanoine Loubers, mais dans une autre perspective.

 

I

Le monde matériel est l’œuvre du Démon. Ce Démon créateur se confond avec le Jéhovah de l’Ancien Testament. Le vrai Dieu, Perfection et Bonté, n’est pas responsable d’un monde où la violence et la sottise règnent sans frein. Jéhovah-Satan, émanation inférieure de Dieu, le combat sans cesse, mais à la fin des temps, Il se transformera lui-même et rentrera dans la sérénité divine.

 

II

Jéhovah-Satan inspire les puissances séculières et les Églises tyranniques, qui écrasent la liberté humaine, imposent la peine de mort, l’intolérance, l’injustice. Le cathare doit se débarrasser de ces contraintes, aspirer à la sagesse suprême et à l’universel amour.

 

III

Le Dieu bon émana des Anges, formés d’un esprit immortel, d’une âme libre et d’un corps lumineux. Ils vivaient heureux dans l’espace paradisiaque. Jéhova-Satan en séduisit un grand nombre par l’attrait du désir à la fois élan charnel et orgueil impitoyable. L’humanité est composée d’anges déchus, enfermés dans des organismes matériels, L’âme des humains n’est autre que l’âme faillible des anges tombés, Mais l’esprit immortel et le corps lumineux, restés dans la sphère idéale, attendent le retour des âmes exilées.

 

IV

Ce retour se fait par le long chemin des réincarnations. Ni le Purgatoire, ni l’Enfer n’existent. L’âme humaine passe dans des corps nouveaux, jusqu’à ce qu’elle parvienne au détachement, à la perfection. L’ardente voyageuse, étant libre, peut rétrograder. Dans ce cas elle risque de tomber jusque dans le règne animal. Les animaux sont les bagnes vivants de l’âme pécheresse. Les cathares refusaient donc toute nourriture carnée. Ils admettaient pourtant sur leur table les poissons, peut-être en souvenir du Christ, dont le symbole, chez les chrétiens primitifs, était le signe zodiacal des Poissons.

 

V

Pour accélérer le travail de libération, le cathare s’efforce d’écarter les plaisirs sexuels. Le mariage, union physique, doit faire place à l’union spirituelle entre époux. Évidemment, ces fusions de tendresse platonicienne et pure n’appartiennent qu’aux libérés. La masse des fidèles continuait à vivre normalement, à mettre au monde des enfants charnels, à s’aimer sensuellement. La race humaine ne risquait pas de s’éteindre, comme le craignaient hypocritement les ennemis de l’albigéisme. La même différence existe, au sein de l’Église catholique, entre les prêtres célibataires et les croyants mariés. Les doctrines cathares ont créé l’amour courtois, l’amour chaste qui fait le charme des romans de chevalerie. Loin d’être une mièvrerie, ce sentiment traduit plutôt le désir d’une pureté surhumaine. Par ailleurs, si la doctrine de l’amour courtois avait prévalu, les surpopulations actuelles qui engendrent la misère et la guerre, n’auraient pas existé.

 

VI

Pour apporter aux âmes de bonne volonté la clef d’or des libérations, le Christ, émanation radieuse du Dieu- Bon, descendit sur la Terre. Mais il descendit en corps fluidique, sans aucune réalité charnelle. La matière, émanation de Jéhovah-Satan, ne pouvait avoir aucun contact avec le Fils de l’Être parfait. Il apprit aux hommes l’existence du monde céleste et idéal gouverné par le Dieu bon, la déchéance des âmes angéliques enfermées dans des corps terrestres, la loi des réincarnations qui transportent les âmes d’organisme en organisme à travers les planètes de l’espace infini, et les moyens de parvenir à la Libération suprême. Ces moyens, nous les connaissons déjà : végétarisme, refus de la violence, amours platoniques, aspiration courageuse vers l’absolue sagesse. Jéhovah-Satan comprit que sa puissance commençait à chanceler. Il souleva les chefs juifs et romains contre le Christ, et voulut le faire crucifier. Mais les méchants ne crucifièrent qu’une apparence humaine, un fantôme qu’ils ensevelirent et qui sortit sans peine du tombeau pour, quelques jours plus tard, monter au ciel.

 

VII

La tradition cathare prétend que l’apôtre Barthélémy fut chargé par le Christ d’évangéliser la Perse et les Indes. En arrivant dans cette contrée où fleurissent les grands yoghis, Barthélémy compléta ses connaissances grâce à la science transcendante des bouddhistes. Le bouddhisme disparut plus tard de l’Inde, mais il était alors en pleine expansion. Le catharisme serait donc le fruit merveilleux de la révélation chrétienne et de la science bouddhiste.

Les historiens actuels font plutôt remonter la doctrine à Manès le génial hérésiarque, qui mourut martyrisé sur l’ordre des prêtres zoroastriens, en 277. Il se déclarait le successeur de Zoroastre, de Bouddha, de Jésus. Il faisait de la matière l’autre nom du Démon. Ses idées furent reprises partiellement vers 930 par Bogomile, l’Ami de Dieu, dont les disciples se multiplièrent en Bulgarie et à travers les Balkans. Ensuite l’oiseau des doctrines gagna l’Italie du Nord où la Lombardie devint une forteresse des croyances bogomiles. Et le Midi de la France, à son tour, s’embrasa. Le catharisme serait la synthèse des survivances manichéennes et des révélations bogomiles, l’enfant de Manès et de Bogomile, l’héritier de Paraclet et de l’Ami de Dieu.

Cette filiation peut se concilier avec la tradition cathare. Il suffit d’ajouter aux deux puissants initiateurs l’apôtre des Indes. Ainsi trois prophètes, en triangle de feu, domineraient la naissance du catharisme : Barthélémy, Manès et Bogomile. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que Manès, lui aussi, fit un voyage aux Indes, d’où il ramena certaines idées brahamanistes et bouddhistes.

 

VIII

Tous les sacrements de l’Église sont trompeurs et diaboliques. Les cathares remplacent cette illusion par le rite sacré du Consolamentum. En quoi consistait-il ? On demandait au candidat s’il voulait se consacrer à Dieu et à l’Évangile. Sur sa réponse affirmative, on lui faisait solennellement promettre de changer de nourriture : à l’avenir il se contenterait de végétaux préparés à l’huile et de poissons. Le corps purifié, il fallait aussi purifier l’âme. Mensonge, serment, commerce charnel s’envolaient au vent d’une ascèse exceptionnelle. Et la vertu fondamentale, le courage, devait être puissamment affirmée : ne jamais abandonner la communauté cathare, pas même devant la mort par le feu… Puis, le candidat à la sagesse et à l’héroïsme récitait le Pater. Alors venait le côté magnétique de la cérémonie, la communication des forces.

Les mains surnaturelles des Parfaits se posaient doucement sur la tête du néophyte. Enfin, à la même place, sur ce crâne qui est un raccourci de l’univers, on mettait le Livre. Quel Livre ? Quelle fontaine de spirituelle jouvence ? La plupart des historiens pensent qu’il s’agit du Nouveau Testament. Thèse difficile à prouver. Les cathares avaient aussi des Évangiles secrets, propres aux fidèles. Peu importe d’ailleurs ! Tous les livres inspirés sont des médiateurs entre les forces divines et les âmes humaines. À travers leurs phrases vibrantes descendent en cascades magiques les énergies célestes… Après l’étreinte du ciel venait l’étreinte de la terre sous forme d’accolade fraternelle. Et les maîtres, devant le nouveau maître, ployaient humblement le genou. Les assistants faisaient de même. L’homme était devenu Dieu.

Au problème des rites se rattache la question de l’Endura. Le suicide était-il permis par la religion cathare ? À vrai dire, seul le Parfait Pierre Authier, dans le sombre quatorzième siècle, semble l’avoir préconisé.

L’Inde possède, si nous en croyons certaines traditions, le secret de briser les chaînes de la métempsycose. Simplement il s’agit de se laisser mourir de faim, en méditant, au long des jours de jeûne, sur l’absolu. Les albigeois connaissaient-ils cette terrible et discutable technique ?

Brûlés, vilipendés, calomniés, les cathares, sur le ciel bleu du Midi, reflètent les souffrances et la grandeur de Jésus. Comme Jésus, ils apportèrent les trésors de la non-violence. Comme Jésus, ils proclamèrent le merveilleux amour des âmes, libérées de toute souillure corporelle. Comme Jésus, ils montrèrent du doigt les évolutions psychiques, les réincarnations allant de la Terre aux étoiles.

Toute religion possède un corps et une âme. Les rites, les cérémonies, les hiérarchies, les dogmes, forment le corps dont la pesanteur se carre dans l’univers social. L’amour, la sagesse, l’élan vers l’infini forment l’impérissable lumière de l’âme. Elle monte frissonnante au zénith de la création. Le christianisme a pour corps l’Église catholique et pour âme l’inspiration cathare. En tuant cette belle religion où se reflètent les hautes cimes bulgares, le christianisme a tué son génie.

 

François Brousse
Revue France-Inde N°65, Hiver 1967