Orphée

~1200 av. J.‑C., Grèce antique

 

La tradition celtique

Elle a marqué l’histoire d’une pourpre éblouissante. Les grands peuples civilisateurs sont ses rejetons. Elle a jeté ses prodigieuses semences sur la Grèce, l’Italie, la Gaule, l’Irlande, l’Écosse, la Bretagne antique. Elle a donné au monde le sens de l’univers. Ce sont les stoïciens qui, les premiers, conçurent l’humanité comme un immense organisme vivant, englobant tous les peuples dans sa souveraine unité [Cf. notamment SÉNÈQUE, Lettre CXV, « Nous sommes les membres d’un corps immense… »].

La civilisation celtique apporta aussi le culte de la science, la recherche ardente et patiente de la vérité, de l’impétueuse liberté. Les Celtes ont amassé le trésor spirituel de l’univers. Leur prophète essentiel est Orphée aux yeux sereins, dont la lyre domptait la rage des lions et forçait les pierres émues à bâtir des métropoles. Ils ont conservé le souvenir de l’âge d’or, où les dieux vivaient parmi les hommes ; mais ils travaillaient plus ou moins consciemment à établir une ère d’intelligence et d’amour.

François Brousse
La Coupe d’Ogmios, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1993, p. 34

Le grand initié Orphée

Vers l’année 1486 avant J.-C., Orphée créa une nouvelle religion, basée sur l’évolution des âmes et l’amour de la souveraine beauté. La formule fondamentale, axe de diamant de la doctrine, se résume en ces paroles du disciple d’Orphée, le poète Musée : – Tout en définitive est sorti de l’Un et tout se résout en l’Un. C’est l’aspir et l’expir de Brahma, le Souffle divin qui, en s’exhalant, forme les milliards de galaxies scintillantes et, en revenant, dissout les univers dans le sein de l’Être incréé. Orphée exprimait sa métaphysique en mythes grandioses, exerçant sur la mentalité des primitifs la fascination du surnaturel. […]

Pour apprendre aux hommes les chemins de la délivrance, Dionysos l’immortel s’est incarné dans un corps mortel. Il naquit en Thrace, patrie des étranges mystères et s’appela Orphée, c’est-à-dire lumière.

Les sons de sa lyre charmaient l’univers. Les bêtes féroces l’entouraient de leurs mufles soumis. Les arbres arrachaient leurs racines de la terre profonde pour suivre le grand enchanteur.

Il conduisit l’expédition des Argonautes à la conquête de la Toison d’Or. Cette Toison d’Or est la haute science astrologique possédée par les sanctuaires secrets de l’Est, héritiers de la sagesse atlante.

Les Argonautes constituaient le cercle occulte des disciples d’Orphée. Il nomma cette sphère initiatique Argo, les cent prunelles au regard rapide. Il leur dispensa ses enseignements et ses pouvoirs.

Il leur apprit à fixer au fond des mers subconscientes, par les chants sacrés, les Symplégades, terribles roches mouvantes, fanatismes et violences qui bouleversent l’âme des néophytes.

Il vainquit pour eux la fascination redoutable des sirènes, aux voix ensorcelantes, oiseaux-femmes qui habitent les premières zones de l’invisible.

Le dragon qui garde la Toison d’Or, le serpent de feu dont le réveil incontrôlé peut générer des catastrophes humaines et terrestres, le reptile astral aux plis innombrables, fut apaisé par la lyre du maître.

Ayant dompté les symplégades, les sirènes et le dragon, Orphée reçut l’initiation des cycles de l’univers étoilé, dans la crypte des communautés ésotériques fondées par Rama-Osiris. C’est pourquoi l’on dit que le navire Argo, transporté dans le ciel, devint une constellation.

Orphée aima passionnément une femme de beauté inexprimable : Eurydice, la dispensatrice du bonheur. Mais elle mourut dans la fleur aurorale de sa jeunesse, piquée par un serpent.

Le grand initié, au milieu d’effroyables tourments, réussit à se dédoubler volontairement. Son âme visita les profondeurs lugubres du royaume des morts. Elle vit le fantôme d’Eurydice, mais ne parvint pas à ressusciter la bien-aimée disparue.

Néanmoins, à partir de cet instant, l’ombre d’Eurydice accompagna les pas d’Orphée. Le nouveau prophète sentait autour de lui sa compagne invisible, sa radiante inspiratrice.

Le vivant et la morte répandirent la religion de Dionysos parmi les Celtes farouches de l’Europe méridionale, ainsi que parmi les peuplades des îles méditerranéennes. Le couple immortel allait à la conquête des âmes, dans une atmosphère d’apothéose.

Orphée apprit aux hommes comment l’esprit universel comprend des énergies sans nombre, conscientes, dont chacune prend un nom magique, où se résume sa secrète splendeur.

Il écrivit et propagea des livres au sens vertigineux, dont les neuf principaux s’appellent : La Théogonie, La Cosmogonie, L’Art divin, Les Mystères, La Vie après la Mort, Les Trois Victoires, Les Secrets d’Argo, Le Voile et le filet des Âmes, la Sphère de l’univers.

Mais les prêtresses du Bacchus terrestre à tête de taureau, les gardiennes de l’ancienne religion exotérique, se dressèrent contre le doux inspiré. Un piège atroce lui fut tendu. Il expira sous les coups furieux des Bacchantes. Il mourut pour le salut des esprits enfermés dans les corps éphémères.

Sa tête et sa lyre furent jetées dans l’Èbre, dont les flots respectueux portèrent noblement les débris sacrés jusqu’à Lesbos. L’amour des choses éplorées compensa la cruauté des prêtresses.

Un dernier flot fixa la tête divine dans une fissure du rocher. Alors, devant l’immensité des mers, les lèvres blêmes s’animèrent et prononcèrent des oracles immortels.

La lyre d’Orphée repose dans un temple de Lesbos, telle un aigle endormi. Elle attend le futur roi de l’esprit qui fera résonner, sous ses mains de mage et de géant, les merveilleuses cordes où frissonne l’harmonie des étoiles.

François Brousse
Thot Hermès le prince de l’éternité, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, , 2010, p.  115

 

Orphée démembré par les bacchantes ! Quel magnifique symbole.

– C’est d’abord le principe divin, déchiré par les mythologies passionnées.

– C’est l’esprit supérieur assailli par les passions inférieures.

– C’est le génie en proie aux envies hurlantes.

– C’est le prophète entouré par les foules échevelées.

– C’est aussi, sur le plan de l’histoire, la mort d’Orphée, prêtre d’Apollon‑lumière, tué par les prêtresses de Dyonisos­-Ténèbres

Hugo, le nouvel Orphée

Orphée, qui dompte les tigres et les lynx, qui fait naître les cités au son de sa lyre, qui chante le mystère des mondes, s’épanouit dans les rayons admiratifs de Brahma. Sa réincarnation normale brille dans le visage de Victor HUGO, dont le nom initiatique contient le cercle des Dieux immortels : Olympio. Romain Rolland, par exemple, a parlé justement de lui comme étant le nouvel Orphée.

François Brousse
Revue BMP N°72, novembre 1989

Deux sciences

Deux sciences : la science des choses divines et celle des choses terrestres. La première dans son brasier de flamme engendre les surhommes : Orphée, Krishna, Bouddha, Jésus, Manès dont la parole rénove les âmes. La seconde dans son lit de pierres fait naître d’admirables intelligences comme Einstein, mais elle prépare aveuglément la destruction du globe. La synthèse des deux sciences formera le sceptre de la Race bleue, ailée, qui nous succédera.

François Brousse
Revue BMP N°83, novembre 1990

Les lumineux

Les lumineux enfin, ceux qui ont bu à la flamme du monde, les triomphateurs de la vie, se dressent comme le fronton rayonnant des hommes. Ils comprennent les chrétiens qui vivent selon le sourire de Jésus-Christ, les bouddhistes qui vivent selon la méditation de Bouddha, les athées qui vivent selon la bienveillance de leur cœur, les spirites qui veulent devenir archanges, les occultistes qui veulent s’assimiler au Verbe créateur, les philosophes et les poètes qui se fondent dans la vérité éternelle et l’harmonie inextinguible ! Ils ont découvert, grâce au magnétisme de leur douceur, le Dieu infini couché dans la tombe charnelle, et ils réveillent ce mort fait de vie colossale. Ils sont l’élan du monde vers les cieux ; ils s’appellent Védas, Bible, Évangile ; ils s’appellent Juvénal, Lucrèce, Shakespeare ; ils s’appellent Orphée, Pythagore, saint Jean ; ils s’appellent Ézéchiel, Goethe, Hugo ; ils s’appellent la parole et le souffle de l’abîme. En eux, le verbe engendreur des mondes est fait chair. Autour d’eux, l’univers n’est qu’un tressaillement. Au-dessus d’eux, s’ouvre l’œil immense de l’Incréé.

François Brousse

« Métaphysique (article) » dans Revue BMP N°269-270, septembre-octobre 2007

La délivrance de Prométhée

Un jour pourtant, la plus haute pensée de Dionysos s’incar­nera sur la terre pleine de ténèbres.

Cette pensée aura la forme d’un adolescent lumineux, ceint d’une lumière immortelle, et portant dans ses bras une lyre aux sept cordes d’or.

Ce sera le triomphant lutteur de l’infini, le maître des ryth­mes et des mystères, le pensif Orphée.

Aux sons de la lyre merveilleuse, les chaînes de Prométhée fondront comme la neige quand se lève un soleil brûlant et l’ai­gle monstrueux deviendra une Déesse immortelle, aux ailes de libellule.

Aux sons de la lyre merveilleuse, Prométhée se lèvera et montera dans l’empyrée étincelant, par une vaste échelle de nua­ges, où ses pas laisseront d’énormes traces de foudre.

Aux sons de la lyre merveilleuse, il rentrera dans les palais miraculeux de l’éther et s’assiéra parmi les Dieux réconciliés, sur un trône d’astres, entre Zeus aux trois yeux et l’impénétrable Proserpine.

Alors le grand Orphée calmera la douleur du monde ; il changera la férocité des hommes, abolira les meurtres et les guerres, civilisera les animaux hurlant ; et les sons de sa lyre merveilleuse verseront la sagesse, la justice, le bonheur à tous les peuples de la Terre, unifiés enfin dans l’étreinte des éblouis­sements.

François Brousse

« XI – La délivrance de Prométhée » dans Orphée au front serein, Clamart, Éd. La Licorne Ailée,  1984, p. 21

 

Orphée

Au flanc de la montagne immense, sous les chênes,

Orphée, dardant ses yeux comme deux soleils clairs,

Sentant monter en lui les dieux géants

Déchaîne sa formidable lyre où vibrent les éclairs.

 

Les grands chars de l’aurore effrayante bondissent,

Le vent dans ses cheveux s’engouffre vastement,

Ivre de ton mirage éternel – Eurydice ! –

Le mage chante au fond sacré des firmaments.

 

Et tandis que les mains dorées de l’océan

Applaudissent, que crient les aigles tournoyants,

Que les abeilles font frissonner les oranges,

 

Dans les rythmes de foudre exaltant l’air marin,

On voit tressaillir sur leurs piédestaux d’airain

Les rochers monstrueux qui grondent des louanges.

 

François Brousse
Revue BMP, N°3, août 1983

La tête d’Orphée (Chant XII)

Dans la forêt, parmi l’éventrement des monts,

Sous les nuages noirs où rôdent les démons,

Sous le sourire vert de la lune inféconde,

Un fleuve gigantesque au fond du ravin gronde

Comme un taureau souillé d’âpres baves.

Les clairs Vêtements du Matin assis dans les éclairs

N’ont jamais pu rosir sa surface d’acier.

Il reçoit le tribut des torrents nourriciers

Ainsi qu’un empereur accueille ses esclaves

Sa vague a la fureur mugissante des laves

Et jamais le pêcheur, roi des poissons fuyants,

N’ose livrer sa barque à ces flots effrayants.

 

La Tête harmonieuse et divine d’Orphée,

Chantant toujours des vers d’une voix étouffée,

Comme d’un âtre éteint s’élève des vapeurs,

Vint rouler à travers les flots pleins de stupeurs,

Et, lyre merveilleuse où l’Au‑delà murmure,

Fut emportée dans l’ombre horrible des ramures.

 

La redoutable mer prit le crâne d’argent

Sur la moire infinie de son azur changeant,

Où çà et là les eaux secouaient leurs crinières

Comme un dieu dans l’amour des forêts printanières,

Le débris souverain courait dans les baisers.

Un chant mystérieux vers les cieux embrasés

Sur la mer qui se creuse en vibrantes ravines

Sortait magiquement de sa bouche divine ;

Et les monts, somptueux dans leur manteau de pins,

Les temples sur leur cap, que la lumière peint,

Ouvraient à ce frisson leurs oreilles de pierre…

Telle un encensoir d’or débordant de prières,

La Tête, irradiant les flots diamantés,

Le long de son chemin de lumière, chantait.

 

Pendant qu’elle chantait sur la cime sereine,

Les dieux au front de marbre et les bleues souveraines

Se penchaient effrayés, vers la voix inouïe

Qui disait la venue de l’éclatante nuit,

Et devant la ruée prochaine de l’Abîme,

Le vaste écroulement des Tyrannies sublimes.

 

Sur la mer prodiguant ses millions d’yeux

Voici ce que chantait le Crâne radieux.

François Brousse
Orphée au front serein, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1984, p. 64

Orphée

Prométhée, ô voleur immense du soleil,

Dans le libre univers qui tremble et te réclame,

Relève-toi ! J’ai retrouvé l’énorme flamme :

Aigle-Étoile, elle vibre entre mes doigts vermeils.

 

Regarde : les enfers disparaissent, pareils

A l’ondoyant reflet éphémère des larmes,

Aux mains des dieux épouvantés fondent les lames;

L’homme ressuscité jaillit des noirs sommeils.

 

Je suis le cœur de l’univers éblouissant,

Les ailes des neuf sœurs m’habillent d’allégresse,

Le vertige des nuits bouillonne dans mon sang,

 

Le vautour vole à ma lumière enchanteresse,

Et, dans mon âme où l’Être insondable descend,

La splendeur de l’aurore éternelle passe.

 

François Brousse
Revue BMP, N°76 – mars 1990

Une ère finissante

Un des signes proéminents d’une ère finissante rougeoie dans la négation. Quand on nie l’existence historique d’Orphée, de Pythagore et de Jésus, on sonne le glas des grandes morts. Chute de la poésie inspirée, déclin de la métaphysique intui­tive, effondrement de la religion. C’est la signature d’un âge qui meurt. L’âge nouveau fera renaître, après un inter­valle, les déesses.

François Brousse
Revue BMP N°76 – mars 1990

Orphée

Prométhée, ô voleur immense du soleil,

Dans le libre univers qui tremble et te réclame,

Relève-toi ! J’ai retrouvé l’énorme flamme :

Aigle-Étoile, elle vibre entre mes doigts vermeils.

 

Regarde : les enfers disparaissent, pareils

A l’ondoyant reflet éphémère des larmes,

Aux mains des dieux épouvantés fondent les lames;

L’homme ressuscité jaillit des noirs sommeils.

 

Je suis le cœur de l’univers éblouissant,

Les ailes des neuf sœurs m’habillent d’allégresse,

Le vertige des nuits bouillonne dans mon sang,

 

Le vautour vole à ma lumière enchanteresse,

Et, dans mon âme où l’Être insondable descend,

La splendeur de l’aurore éternelle passe.

 

François Brousse
Revue BMP, N°76 – mars 1990

Une ère finissante

Un des signes proéminents d’une ère finissante rougeoie dans la négation. Quand on nie l’existence historique d’Orphée, de Pythagore et de Jésus, on sonne le glas des grandes morts. Chute de la poésie inspirée, déclin de la métaphysique intui­tive, effondrement de la religion. C’est la signature d’un âge qui meurt. L’âge nouveau fera renaître, après un inter­valle, les déesses.

François Brousse
Revue BMP N°76 – mars 1990

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