La métempsycose

[…] La bête, surtout l’animal supérieur, est une forme qui contient elle aussi une âme. Il suffit d’observer un animal familier pour s’apercevoir que ses réactions sont aussi intelligentes, dans beaucoup de cas, que celles des humains et Je dirai même parfois bien meilleures. Quoi qu’il en soit, nous contemplons, sous l’apparence de nos animaux familiers, de véritables âmes.

Après la mort, elles demeurent dans la profondeur de l’atmosphère jusqu’à ce qu’elles se réincarnent. La vie est un échange continuel. Les âmes des morts peuvent s’incarner parmi les hommes comme quelquefois sous une figure animale… C’est encore une de ces vérités qui a été rejetée par l’orgueil occidental. Une fois que nous avons atteint le stade humain, qui est si bien, qui est si parfait, qui est si extraordinaire, prétendent quelques ésotéristes, comment allons nous rétrograder dans le stade animal ? Il suffit de regarder certains chiens et certains hommes : on peut se demander si un animal dévoué n’est pas supérieur à un assassin à gages. Personnellement, je crois qu’il n’y a aucun doute et que, dans ce cas, l’animal est digne d’être homme et l’homme digne d’être un animal.

C’est ainsi que la plus antique tradition de l’Occident l’entendait. Car nos véritables origines ont été complètement faussées, d’abord par le christianisme ensuite par le spiritisme qui prétendent que nous ne pouvons plus rétrograder dans la hiérarchie des êtres. Si nous remontons au celtisme, les druides savaient très bien qu’il n’existait qu’une différence imperceptible entre l’homme et l’animal. Si nous remontons plus haut encore, ou parallèlement, jusque dans les religions gréco latines, nous voyons nettement que, pour Orphée, Pythagore et Platon, l’homme et l’animal peuvent échanger perpétuellement leurs âmes. Cela ne veut pas dire qu’un tel échange se fasse au hasard ni que tous les hommes tombent dans le domaine animal. Mais enfin, lorsque vous voyez un être humain dépourvu de spiritualité, ne comprenant absolument rien et ne voulant rien comprendre aux élans de la vérité, de l’amour et de la beauté, soumis à des plaisirs purement matériels et à un désir de violence et de destruction, je ne vois pas très bien ce que l’on peut faire de cette âme égarée. Elle est très proche de l’animalité et, neuf fois sur dix, s’incarne parmi les animaux. […]

 

François Brousse

L’Évangile de Philippe de Lyon, Clamart, Éd. La Licorne Ailée, 1994, p. 300-302

Dessin en arrière-fond de Victor Hugo