Blog François Brousse
Cantilène
Extrait
Je veux jouir d’une lumière incomparable
Et la verser, cette lumière, à l’univers
Les éons s’aiment dans l’érable
Floréal caresse l’hiver.
Pas d’enfer éternel ! Pas de maux incurables,
L’esprit saisit le corps et rayonne au travers.
Un sculpteur incommensurable
Remodèle tous les pervers.
Là-haut
Extrait
Le mage osera toucher
Le soleil effarouché
Comme un infaillible archer
De sa flèche inévitable.
Dans les convulsions de l’air
Il ébranle Jupiter
Malgré les anneaux d’éther
Comme un pâle connétable.
Canon
Extrait
Il a perdu le nom
De sa première amante
Comme un coup de canon
Sur la mer écumante,
La flamboyante mante
Chasse l’impur démon
Un brigand se lamente
Sur le sein de Ninon.
Canon
Extrait
Le coq, dressé sur l’ergot,
Brave la nuit colossale,
La femme est le fandango
Qui fait tressaillir l’étoile …
L’aube portant le fagot
Pour brûler la cathédrale
Pose le puissant argot
Des langues primordiales…
L’Avatar
Extrait
L’Avatar est parfait. Il dompte la panthère,
Il console le monde, il trace le chemin.
Même quand il est homme il pense en surhumain
Son âme luit, saphir que nulle ombre n’altère.
Des planètes du gouffre aux jardins de Cythère,
Son rêve est une flamme et son verbe une main
Il montre aux malheureux l’éternel parchemin
D’où le mot Paradis illumine la Terre.
Ultima
Extrait
Les ultimes années
D’un Maître sont toujours
D’épreuves couronnées
Par l’énigme des jours.
Le terrible séjour
Parmi les fleurs fanées
Lui donne le bonjour
Des fauves destinées.
Errance
Extrait
Je prendrai pour monture
L’aventure
Et je m’envolerai
Dans l’arrêt ;
L’oréade cynique
Communique
Son orgie effrontée
A l’athée.
Le pont
Extrait
Les sonnets de Pétrarque
Roucoulent sur la barque
Ils invitent le ciel
A nous verser son miel
L’iris des marjolaines
Se mêle à nos haleines
Je vais sans hésiter
Vers l’éternel été.
Elle dort…
Extrait
Je suis agenouillé,
Devant la Poésie,
Sur le gazon mouillé
Qui, de jasmins d’Asie
À corolle choisie,
Est émaillé.
La grandeur de l’homme
Extrait
Oui, l’homme passe sur la Terre,
Comme un reflet plaintif sur l’eau !
Le souvenir se désaltère
Dans la fontaine des sanglots !
La splendeur des grands temples tombe,
La perle des plaisirs s’éteint
La croix terrible de la tombe
Luit dans l’implacable lointain.
Ceux qui jettent…
Extrait
Ceux qui jettent le créateur
Pour adorer la créature
N’ont pas du ciel rénovateur
Ressenti la fine structure.
Ils se livrent à l’aventure
Du vieux diablotin menteur
Et n’aspirent pas la senteur
Du diamant qui transfigure.
Après avoir prié…
Après avoir prié le vrai Dieu, nos douleurs
Nous reviennent parées et couronnées de fleurs
Et la sérénité des étoiles descend
Comme une pluie d’été du ciel adolescent.
La plume des azurs connaît bien la syntaxe
L’immortel vient parler à l’infini des axes.
Tribunal
Extrait
Vais je écrire une diatribe
Contre les rimailleurs du jour ?
Des vérités je suis le scribe
Je brandis le glaive si lourd…
La mer qui chante près d’Antibes
Viendra sans doute à mon secours
Elle me répand son amour
Le soleil flamboyant m’exhibe.
Banjos
Extrait
Jésus Christ, fils de Dieu,
A perdu son enjeu ;
Il nous captive peu.
Son enfer nous fait rire
Nous réservons nos lyres
Orphée ou Pythagore
Hermès qu’un feu colore
Et les deux Isidore,
Bouddha rempli d’aurore
Nous émerveillent mieux.
Chemins
Extrait
Toute lumière est une larme
Qui tombe sur les fronts humains.
Le souffle de Dieu nous désarme
Quand nos cœurs pressent ses mains.
Seins de miel, bouches de carmin,
Sceptre d’empereur qui nous charme.
Cela vaut il les bleus chemins
Loin des douleurs et des vacarmes ?
Ego
Extrait
J’aime l’aurore aux plis de moire
J’aime le visage des dieux,
À la fontaine où je viens boire
Se réfléchissent les grands cieux.
Météore prémonitoire,
L’énigme caresse mes yeux,
Dans ma transcendante mémoire
Tourne un passé vertigineux.
Guernesey
Extrait
J’ai visité à Guernesey
Ta caverne, ô roi des abîmes
J’ai contemplé tes pas intimes,
Sous un ciel d’aurore embrasé.
Les astres ouvraient leurs croisées
Sur les miraculeuses cimes.
Dans les soleils nous nous assîmes,
Nimbés d’une flamme irisée.
Sérénité
Extrait
Dans la sérénité de Dieu,
Vers les immensités altières
Plongeons la tête la première,
Dans la sérénité de Dieu.
Les étoiles, roses trémières,
Parfument le jardin de feu
Comme une princesse en colère.
L’éternité remplit les cieux.
Doute
Extrait
Le doute m’a rongé
Comme un sinistre acide
Suis je un grand Messager
Ou un fakir candide ?
Mon front découragé
Se multiplie en rides.
Voyage
Extrait
Je vais partir pour un voyage
Vers un pays magicien
Qui refuse tous les péages…
Je vais partir pour un voyage.
Qu’importe le mien et le sien !
Le monde aux multiples rouages
Dans ses miroirs vénitiens
Fait flamboyer tous les nuages
Cantate
Extrait
J’avais pour seuls soucis
Toutes les galaxies
Et les pôles aussi.
L’incroyable illumine
Les yeux purs du brahmine
Mais l’absolu chemine.
Verbe
Extrait
Le Verbe est un bohème
Tout habillé de fleurs
Son colossal poème
Se pénètre d’ailleurs.
Comme un roi patriarche
Il va majestueux
Sous les puissantes arches
Criblées d’étranges yeux.
Vox
Extrait
L’humanité qui se lamente
Près du gouffre de l’insondé
N’est qu’une misérable amante
Que Dieu et Satan jouent aux dés.
Le front du songeur est ridé
Il entend l’énigme écumante
Comme une panthère rôder.
La mort le couvre de sa mante.
Dérive
Extrait
Je suis précédé par les haches
Comme un grave consul romain.
Quand il me voit, Typhon se cache
Dieu déroule son parchemin.
Mon souffle efface toute tache
Je suis le sidéral gamin
Dans un soubresaut je m’arrache
Au trop monotone chemin.
Astrologues
Extrait
Le ciel voilé des astrologues
Me touche d’un sceptre railleur
Est il ici ? Est il ailleurs ?
Le ciel voilé des astrologues.
J’entame un profond dialogue
Avec les maîtres batailleurs.
L’univers deviendra meilleur
La colère n’est qu’un prologue
Sur l’océan des nuits je vogue…
Élargissement
Extrait
Je suis Melchisédech
Ainsi que Salomon
J’ai joué du rebec
Auprès du grand Simon,
Je chasse à coup de bec
La horde du démon
Mon œil demeure sec
Sur la hauteur des monts.
Le cri
Extrait
Le Karma peut il s’effacer
Comme buée sur une vitre
Le mal, ce tourbillon glacé
S’enfuira t-il devant l’arbitre ?
Le tome aux sinistres chapitres
Cessera t il de grimacer ?
Je mesure ces questions sombres
Sur les rêveries en décombres
Je préfère tes yeux
Extrait
Ils meurent dans l’éclat sublime des batailles,
Dans les cris du clairon, dans les bonds du tambour ;
Les corbeaux affamés planent sur leurs entrailles…
Mais moi, je meurs d’amour.
Alexandre, sous son galop foulant la Terre,
Défie le vaste ciel vibrant d’éternité ;
Mais moi, je veux, couché sur des peaux de panthère,
Mourir de volupté.
Matin
La Lune s’est noyée dans la splendeur de l’air
Sous l’aube qu’à longs traits de flamme je déguste,
Je contemple, paré d’un diadème clair,
L’ombre d’or du Soleil sur les chênes augustes.
Et je pense à tes yeux, que traverse un éclair,
À ta bouche, pareille aux coupes de Locuste,
Ta bouche, où je savoure un immortel éther,
Sous l’aube qu’à longs traits de flamme je déguste…
Le Verbe divin dans l’œuvre de François Brousse
Quatrième de couverture – Extrait
Cet ouvrage est composé de neuf conférences sur la poésie de François Brousse, poète, philosophie et métaphysicien (1913/1995).
La poésie de François Brousse (plus de 600 poèmes) par sa forme est d’abord influencée par le romantisme et surtout par Victor Hugo ; puis vers 1980 la poésie du philosophe devient par la succession des strophes davantage surréaliste.
Nous noterons plusieurs innovations poétiques dans la forme mais quand au fond aucune poésie métaphysique n’est allée aussi loin.